Pour éviter la catastrophe de Gênes en France, choisissons nos batailles !

[OPINION] Il faut souhaiter que les conclusions de la commission d’enquête sénatoriale présidée par Hervé Maurey aboutissent à des préconisations concrètes et inévitablement tranchées. Par Rémy Jacquier, directeur général, et Timothée Boutrolle d’Estaimbuc, directeur du développement d’Oxand.
Le viaduc de Gênes.
Le viaduc de Gênes. (Crédits : Massimo Pinca)

Suite à la catastrophe du pont de Gênes, de nombreuses initiatives louables ont été lancées dans le but d'éviter que se produise en France un drame similaire. Le lancement par le Sénat d'une commission d'enquête parlementaire sur l'état des ponts français témoigne de la préoccupation croissante des territoires concernant l'état des ouvrages, en particulier ceux du réseau dit « non-concédé » c'est-à-dire gérés par les collectivités publiques, Etat, départements et communes.

Ces initiatives mettent l'accent sur la nécessité de mieux connaître ce patrimoine, son état et les risques pesant sur son exploitation. Les sources d'information sont nombreuses et les équipes locales en charge de la maintenance de ces ouvrages sont souvent les plus à même à exprimer un diagnostic sans appel. Il est fort à parier qu'elles seront nombreuses à remonter aux sénateurs une situation dégradée découlant d'années de sous-investissement ou d'investissement « saupoudré ». Beaucoup à raison dénonceront une maintenance trop « corrective » (subie) et pas assez « préventive » (anticipée).

Raréfaction du financement public

En Europe occidentale, les infrastructures ont majoritairement été construites avant les années 80 et les tentatives de relance des investissements pendant les années 2000 se sont heurtées frontalement à la raréfaction du financement public, conséquence directe de la crise financière. Au sein des différents gestionnaires d'infrastructure, le concept de « dette grise » complémentaire à celui de dette financière a d'ailleurs émergé. Cette « dette grise » correspond au retard cumulé années après années dans la rénovation de nos ponts, tunnels et ouvrages. Ce retard continue aujourd'hui à quelques exceptions près à aller croissant dans tous les domaines : routier, ferroviaire, urbain, aéroportuaire, industrie et énergie.

Le temps est moins à une xième campagne de collecte de données et à la rédaction de rapport (certes pertinent) qu'à l'action. Il faut souhaiter que les conclusions de la commission d'enquête sénatoriale présidée par Hervé Maurey aboutissent à des préconisations concrètes et inévitablement tranchées. Ne nous voilons pas la face. Les données existent souvent ! Et il est utopique de penser que les contraintes financières disparaîtront d'autant plus qu'il n'est pas certain que le tissu industriel pourrait suivre un tel rythme de rénovation...

Des engagements pluriannuels "sincérisés"

L'heure est donc à l'affinement et à l'utilisation des données existantes pour faire des choix et prioriser. En bref, il convient de mettre à l'argent au bon endroit afin de préserver les ouvrages d'avenir c'est-à-dire fréquentés et répondant à un besoin croissant de mobilité. C'est aussi accepter une gestion intelligente du vieillissement d'autres ouvrages moins critiques avec, bien sûr, une garantie de sécurité mais jusqu'à une éventuelle date de fermeture connue et partagée.

Cette priorisation doit se faire avec les équipes de terrain, en s'appuyant sur leur savoir-faire et mobiliser le retour d'expérience de premier plan existant en France en matière de maintenance préventive. De cet exercice, doit découler des engagements pluriannuels « sincérisés » pris par les collectivités publiques, Etat, départements et communes. Dans ce processus, la concertation avec les usagers et une pédagogie au niveau local sur l'état des ouvrages sont indispensables.

Chaque ouvrage est unique, certaines pathologies nécessitent des diagnostics pointus pour comprendre leurs évolutions. Pour autant, une fois diagnostiqués l'ensemble des ouvrages français, aurons-nous un patrimoine en meilleur état ? Non. Il faut donc prioriser dès maintenant et au plus près du terrain en repensant collectivité par collectivité notre schéma de mobilité en fonction de l'état des ouvrages et concentrer nos efforts financiers et humains sur les ponts et tunnels les plus critiques. C'est au prix de cet effort que nous garantirons un tissu d'infrastructure équitablement réparti sur le territoire pour les usagers d'aujourd'hui et ceux de demain.

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Commentaire 1
à écrit le 05/11/2018 à 16:56
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oui mais y a plus une caillasse en caisse! les elus ont fait plein de ronds points inutiles pour faire de la bonne demande keynesienne ( inutile, donc) via les depenses publiques, qui par le plus grand des hasards assuraient la reelection des elus.....

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