Projet de loi « Climat et Résilience »  : une copie à revoir

OPINION. Le projet de loi "Climat et Résilience" se trompe d'enjeu. Il ne promeut pas une méthode de calcul de l’impact environnemental global. Aussi, se concentrer sur un seul aspect n'est pas utile ni efficace. C’est la globalité qu’il faut regarder. (*) Par Christophe Girardier, président-fondateur de Glimpact.
(Crédits : DR)

Le projet de loi « Climat et résilience », issu de la Convention citoyenne était attendu. Pourtant ce texte, le dernier du quinquennat en matière d'environnement, risque d'être au mieux un coup d'épée dans l'eau, au pire un échec. Car il omet, comme tous les textes qui l'ont précédé, une dimension fondamentale du défi que nous devons relever : il n'impose pas, ni même ne promeut, une mesure correcte et scientifiquement inattaquable de l'impact environnemental des produits ou des organisations. Or, seul ce qui se mesure correctement peut vraiment s'améliorer. Toute politique publique environnementale qui ignorera cette question essentielle de la mesure sera donc malheureusement condamnée à l'inefficacité.

En matière d'environnement, nous naviguons depuis trop longtemps avec une boussole complètement faussée, qui dissimule une immense partie de la réalité. Contrairement à ce que l'on nous assène à longueur de temps, l'impact environnemental, ce n'est pas uniquement l'empreinte carbone. Ou uniquement les quantités de pesticides utilisées. Ou uniquement encore les émissions de particules fines. C'est tout à la fois, simultanément.

Lire aussi : Loi climat et résilience: le gouvernement présente un texte déjà contesté par la société civile

Le risque d'erreur de jugement environnemental

Avec les indicateurs Eco-score et autres, nous rétrécissons en permanence notre champ de vision, alors que nous devrions l'élargir pour considérer l'empreinte environnementale dans sa globalité. En ne considérant qu'une seule catégorie d'impact, nous prenons le risque de nous tromper lourdement, car un produit peut être bon pour une catégorie d'impact et très mauvais pour beaucoup d'autres, si bien qu'au final, son impact environnemental global n'est pas du tout celui que l'on imaginait.

Je prendrais un seul exemple, il est édifiant : une bouteille d'eau minérale en plastique (PET). Le discours ambiant pour ce type de produit c'est l'empreinte carbone élevée du plastique. Elle est effectivement importante, mais elle ne représente en réalité que moins de 18% de son impact environnemental global. L'impact sur l'utilisation de ressources naturelles abiotiques non renouvelables (minéraux et métaux) représente lui 41%, car la fabrication du PET nécessite de l'antimoine. Dès lors, si l'utilisation des ressources fossiles (pétrole ...) pèse pour 18% de l'impact réel, comment faire l'impasse sur les 80% restant ?

Attention, je ne dis pas qu'il faut occulter l'empreinte carbone. Au contraire, c'est une question impérieuse, comme l'a encore dramatiquement souligné le Haut conseil pour le Climat. Oui, bien sûr il faut baisser les émissions de CO2, mais pas au détriment des émissions de particules fines, de l'eutrophisation des cours d'eau ou marine, ou encore de l'épuisement des ressources fossiles ou abiotiques non renouvelables ! Ouvrons enfin les yeux sur cette réalité !

On me rétorquera : c'est bien beau, mais cet impact global, comment fait-on pour le mesurer ? En vérité, c'est une question complexe, mais qui est déjà réglée ! En effet une méthode existe, depuis 2018. Une méthode scientifique, construite à l'échelle européenne, fruit d'un long travail associant des experts reconnus, d'éminents chercheurs, des ONG, et même des organisations industrielles ! Une méthode dont la France, avec d'autres pays membres très moteurs sur le sujet, a d'ailleurs été à l'initiative. Une méthode validée et adoptée par les institutions européennes, ce qui engage donc la France.

Pourquoi (encore) une reconstruction d'un indicateur carbone ?

Tout le monde l'ignore - même nos ministres apparemment... - mais cela fait maintenant trois ans que la Commission européenne est parvenue à un consensus sur une définition et une méthode de calcul de l'empreinte environnementale globale : la méthode Product Environment Footprint / Organization Environment Footprint (PEF / OEF). Elle définit 16 catégories d'impact, indissociables et complémentaires : changement climatique, protection de la couche d'ozone, consommation d'eau, utilisation des sols, émissions de particules fines ou encore épuisement des ressources fossiles et minérales...

Toutes ces catégories d'impact sont prises en compte simultanément, mesurées pour toutes les étapes du cycle de vie des produits et pour toute activité. Les résultats sont normalisés et pondérés pour obtenir un score objectif et unique, si bien que chaque produit ou organisation se voit attribuer une note globale, universelle et donc comparable. Une note qui, par ailleurs, en identifiant de manière analytique les différents leviers sur lesquels agir, permet aux industriels de réduire leur impact environnemental et d'engager de vraies démarches d'éco-conception.

Alors pourquoi cette méthode PEF, qui dévoile une vision radicalement nouvelle des enjeux de protection de l'environnement, bouleversant bien des idées reçues et même remettant en question beaucoup de politique publiques, est-elle absente du projet de loi « Climat et résilience » ? Pourquoi, alors même que le PEF permet de mesurer précisément l'empreinte carbone, ce projet de loi remet encore une fois sur la table la question de la construction d'un indicateur carbone ? Nous l'avons déjà ! C'est insensé. Pourquoi, alors même qu'elle a été à son initiative il y a maintenant sept ans, la France n'exige-t-elle pas la mise en œuvre du PEF ? Pourquoi n'en fait-elle pas la promotion ? C'est d'autant plus troublant que, dans de nombreux domaines, le projet de loi impose de faire des progrès, sans pour autant qu'aucune méthode de calcul précise n'y soit associée. Il faut ainsi aller vers une « alimentation durable ». C'est quoi concrètement ? De quels impacts sur l'environnement parlons-nous ? Un esprit grognon dirait que l'on marche sur la tête !

Mais l'enjeu majeur de l'urgence environnementale commande à chacun d'être constructif et même optimiste. Car rien n'est jamais perdu. Un projet de loi est fait pour évoluer. Le gouvernement peut revoir sa copie. Les parlementaires, la société civile, peut-être encore plus que d'habitude, ont aussi leur mot à dire. Il faut vite des améliorations, sinon l'occasion sera une fois encore raté. Ce serait d'autant plus grave que ce texte, au-delà de la France, pourrait avoir une immense portée. À travers lui, en effet, c'est aussi le rôle en Europe de la France, pays de l'accord de Paris, dont il s'agit. Le Président de la République, qui entend à juste raison relancer la construction européenne, qui souhaitait tellement make our planet great again, a une occasion unique : celle de pousser à l'échelle de l'Union européenne, contre tous les partisans puissants de l'immobilisme, contre tous les lobbies constitués du green-washing, cette méthode, la seule qui permette d'enclencher un cercle vertueux d'amélioration des modes de production et de consommation, qui permette enfin d'éclairer les citoyens pour qu'ils fassent les bons choix, la seule qui nous mette efficacement sur la voie de la véritable transition écologique qui sauvera les équilibres de la biosphère.

Lire aussi : "L'Affaire du siècle" : les promesses climatiques risquent d'engager ceux qui les font

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Commentaires 3
à écrit le 18/02/2021 à 11:02
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Tout tourne autour de "rente" pouvant être mise en place sous le nom de Résilience, ce qui est perturbant quand il s'agit de diminuer notre influence sur le climat de façon désintéressé!

à écrit le 18/02/2021 à 10:23
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Bah vu comme on s'écrase devant le secteur agroindustriel principale destructeur de l'écosystème et massacreur de l'être humain, c'est logique non ? Ce qui ne l'est pas, visiblement seulement à des fins électoralistes, sauf l'étonnante Brune Poirson,...

à écrit le 17/02/2021 à 19:24
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N’est il pas temps de vous concentrer sur le réel ? Les contribuables doivent déjà payé la transition numérique , vous croyez qu’ils vont payer aussi ces projets sans queues ni têtes ?

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