Réindustrialiser la France

OPINION. La France est-elle vraiment aussi attractive pour la réindustrialisation que le prétend le gouvernement ? Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po.
(Crédits : DR)

Selon les chiffres de la direction des douanes, le déficit du commerce extérieur français à la fin du troisième trimestre 2023 atteindrait 100 milliards d'euros. Certes, environ la moitié de ce déficit (51 milliards) est due à notre facture énergétique. Mais près de l'autre moitié (environ 47 milliards d'euros) est due à nos importations de produits manufacturés.

En 2021, pour la troisième année consécutive, la France a été le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers. Elle attire les investisseurs en quête de participations, de placements financiers, de rachat d'entreprise ou d'activités préexistantes. Mais les grandes usines et les installations industrielles, pourvoyeuses d'emplois, de sous-traitants et de création de valeur ajoutée, ont déserté la France et il est difficile de les y faire revenir.

Les quelques annonces spectaculaires, comme celle de l'implantation de la gigafactory de batteries dans le Nord de la France, ne constituent que l'arbre qui cache la forêt. Aucune usine de plus de mille salariés n'a ouvert en France depuis 2010. À l'heure où la tendance générale est à la réindustrialisation, particulièrement aux États-Unis, avec l'Inflation Reduction Act, l'outil de production français est exposé à un risque croissant de déclassement et de perte de compétitivité.

Environnement ou réindustrialisation ?

Les employeurs français blâment le droit du travail, complexe, qui empêche une certaine fluidité sur le marché. En limitant le temps de travail à 35 heures, il ne permet plus aux Français de travailler assez. Les industriels se plaignent également des impôts de production, les plus élevés en Europe, qui les font partir dans la compétition mondiale avec un handicap compétitif. Mais ce qui freine aujourd'hui de plus en plus les investisseurs internationaux dans notre pays est la facilité avec laquelle on peut s'opposer à un projet industriel sur la base d'un recours contentieux en matière d'urbanisme et d'environnement.

En 2021, le groupe italien Ferrero a renoncé à la construction d'un entrepôt logistique en Normandie après le recours d'une association environnementale. Ferrero ne pouvait pas se permettre de perdre une année en procédure et a cherché un autre site, hors de France. En 2022, le groupe français le Duff a renoncé à son projet de construction d'une usine de viennoiseries près de Rennes, qui représentait un investissement de 250 millions d'euros et 500 nouveaux emplois, et a préféré investir à l'étranger, en raison de la forte opposition d'associations environnementales et de la lenteur induite pour le projet. Déjà, en 2019, Tesla avait choisi d'investir quatre milliards d'euros à Berlin après avoir initialement ciblé la France. Mais le constructeur américain voulait aller vite et craignait les retards juridiques dont avaient été victimes d'autres projets en France.

En France, le recours contentieux en matière d'urbanisme et d'environnement apparaît plus facilement instrumentalisé qu'ailleurs à des fins dilatoires ou dans un but de communication. Dans un certain nombre de cas, ces recours ne sont pas le fait de riverains, mais d'un petit nombre d'associations qui s'en font une spécialité. L'objectif n'est pas d'obtenir l'annulation de l'acte administratif attaqué, mais de mener une bataille contre tel ou tel grand projet, dans le but principal de le retarder, de décourager les investisseurs et, à tout le moins, de gagner de l'exposition médiatique. Ces recours sont dans la très grande majorité des cas rejetés. Mais ils retardent le projet attaqué de plusieurs années et conduisent parfois à son abandon.

Le 16 novembre dernier, Bruno Le Maire a lancé les « rencontres de la simplification » qui vont notamment poser la question des recours dans le sillage de la loi Industrie verte. En prenant exemple sur nos voisins européens, le gouvernement pourrait introduire des mesures visant à encadrer ces recours pour qu'ils servent une juste cause et non la publicité d'associations idéologisées, et encadrer l'obtention des permis dans un délai limité.

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Commentaires 2
à écrit le 23/11/2023 à 22:33
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C'est bien le problème des Français, ils veulent des usines... mais pas à côté de chez eux! Et puis effectivement, la guérilla juridique est un moyen de se donner une fausse importance...

à écrit le 23/11/2023 à 14:24
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Réindustrialiser la France pour l'export n'est pas la rendre résiliente ! Echanger ses surplus permet de mutualiser une résilience !

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