Relations franco-polonaises : sortir des passions, revenir aux intérêts !

OPINION. Faut-il se satisfaire de l'état actuel de la relation franco-polonaise ? Sans doute pas. Car, sans que la France ou la Pologne renoncent à leurs choix souverains, il est urgent de se souvenir que sur une importante série de sujets, Pologne et France peuvent se rejoindre. Par Cédric Perrin, sénateur du Territoire de Belfort, et Bruno Alomar, auditeur à la 68 Session "Politique de défense" de l'IHEDN (*).
Le président français Emmanuel Macron avec le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, le 15 décembre 2017, à Bruxelles.
Le président français Emmanuel Macron avec le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, le 15 décembre 2017, à Bruxelles. (Crédits : Reuters)

La Pologne a accueilli du 2 au 14 décembre la COP 24, à Katowice. Elle est ainsi le premier pays européen à accueillir ce sommet depuis la France. Le 12 décembre 2015, à Paris, la COP 21 s'était en effet achevée par la signature du premier accord universel pour le climat, approuvé à l'unanimité par les 196 délégations présentes. Alors que l'urgence climatique se confirme et que de nombreux pays renoncent aux ambitions initiales en la matière, il faut saluer la vision convergente des deux pays en la matière.

Disons-le tout net : une hirondelle ne fait pas le printemps, et les relations actuelles entre la France et la Pologne ne sont pas au beau fixe. Ceci n'est d'ailleurs pas étonnant. La relation franco-polonaise est ancienne, et les liens entre ces deux pays, à la conscience d'eux-mêmes bien trempée, ont toujours été très forts. Dans un tel contexte, il est normal, pour paraphraser le poète, qu'une relation aussi longue soit tour à tour traversée d'orages et de brillants soleils. Que l'on songe, par comparaison, à l'évolution des relations que la France entretient avec le Royaume-Uni ou l'Allemagne, loin de se résumer à un chemin de roses.

Se souvenir des nombreux points communs entre France et Pologne

Faut-il cependant se satisfaire de la relation franco-polonaise actuelle ? Sans doute pas. Car, sans que la France ou la Pologne renoncent à leurs choix souverains, il est urgent de se souvenir que sur une importante série de sujets, Pologne et France peuvent se rejoindre.

Premièrement, la question de la défense. En première analyse, trouver un terrain d'entente entre ces deux pays tiendrait de la gageure. Ces dernières années, les fâcheries se sont multipliées, notamment en matière industrielle (modernisation de l'aviation de combat polonaise, affaire des hélicoptères Caracal, etc.). Plus fondamentalement, la Pologne, à l'instar des ex-Pays d'Europe Centrale et Orientale (PECO), éprouve un fort attachement à l'Alliance atlantique dont Paris, à la situation si particulière dans l'Otan, s'agace de loin en loin.

Est-ce à dire que rien n'est possible ? Ce serait alors condamner le projet porté par les autorités françaises depuis mai 2017 de relance d'une Europe de la Défense. Si le Président de la République française insiste sur la nécessité pour les européens de se protéger eux-mêmes, y compris à l'égard du voisin russe, peu de pays autant que la Pologne peuvent ressentir dans leur chair une telle intuition.

Deuxièmement, la question économique. En la matière, un double constat s'impose. D'abord, l'économie polonaise est dynamique et en voie de modernisation rapide. Ensuite, il faut admettre que la France, contrairement à l'Allemagne, est très largement passée à côté des opportunités que représentait l'entrée des PECO dans l'espace économique européen, au premier rang desquels la Pologne avec ses 38 millions d'habitants.

Dans un tel contexte, la France doit faire preuve de cohérence. Elle ne peut jalouser ses partenaires allemands, qui ont su tisser des liens étroits avec les entreprises polonaises, sans se donner les moyens d'accentuer les relations avec le tissu économique polonais.

De même, elle ne peut stigmatiser ce qu'elle considère comme un revirement opportuniste des Britanniques à l'égard des travailleurs centre-européens et continuer à se livrer à une instrumentalisation de ce que l'on a très grossièrement caricaturé sous les termes de « concurrence du plombier polonais ». Il est en réalité de l'intérêt commun de la Pologne et de la France de progressivement renforcer leurs liens économiques.

Il faut cesser de dresser les Européens les uns contre les autres

La question européenne, enfin. C'est là que le bât blesse le plus. Il ne faut pas craindre de le dire : la France, en soutenant le recours à l'article 7 du Traité, a engagé un mauvais combat.

De même, la stigmatisation de la Pologne, et plus largement du groupe de Visegrad, sur les questions migratoires est une erreur, et, si l'on se souvient de l'opposition sourde des autorités françaises à la politique de l'Allemagne en 2015, une hypocrisie. Il est en réalité urgent d'apaiser les tensions, de cesser de dresser les Européens les uns contre les autres. L'état de l'Union européenne l'exige. Sans même parler du Brexit, les mois à venir seront riches en évolutions structurantes pour l'Union européenne, mais également pour les économies des pays membres.

Parmi les prochains rendez-vous d'importance, figurent la réforme de la Politique agricole commune et l'établissement du prochain cadre budgétaire pluriannuel européen. Plus fondamentalement, il n'est pas d'influence durable et forte au sein des Institutions européennes sans capacité à nouer des alliances. La France et la Pologne ont une vision convergente sur de nombreux sujets : elles ne doivent pas l'oublier.

C'est dire, en définitive, qu'en matière de relation franco-polonaise, il est urgent de sortir des postures et des invectives. Cela ne signifie nullement être d'accord sur tout. Cela signifie savoir soupeser le pour et le contre et se souvenir que les États n'ont pas de passions mais des intérêts, qui peuvent se rejoindre.

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(*) LES AUTEURS

Cédric Perrin est sénateur du Territoire de Belfort, 1er vice-président de la Commission des Affaires Étrangères, de la Défense et de Forces Armées.

Bruno Alomar, auditeur à la 68 Session « Politique de défense » de l'IHEDN, auteur de "La Reforme ou l'insignifiance - Dix ans pour sauver l'Union européenne" (Ed. École de Guerre - 2018)

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Commentaires 2
à écrit le 14/12/2018 à 9:48
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Abadonner l'art. 7 ? Vous allez finir par une accolade avec Kaczynski, baucha a bouche , facon Brejnev - Honecker. Et la democratie en Pologne? Rien n'a foutre?

à écrit le 13/12/2018 à 18:28
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"sans que la France ou la Pologne renoncent à leurs choix souverains" De la souveraineté à l'ère destructrice néolibérale européenne ? Un exemple svp ? Merci. Des bavards, encore et toujours...

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