Nouveau nom, nouveau logo, nouvelles fonctionnalités. Alors que 46 millions de Français sont désormais concernés par le couvre-feu, le gouvernement veut faire de Tous Anti-Covid, la nouvelle version de l'application de traçage numérique des contacts StopCovid, un geste barrière supplémentaire pour lutter contre la propagation du virus, en pleine deuxième vague. Mais cette application est -elle conforme à la réglementation relative aux données personnelles ? Pouvons-nous la télécharger sans crainte ? Inspirera-t-elle la confiance qu'il a manqué à StopCovid ?
Retour sur l'échec de StopCovid : chronique d'une mort annoncée.
Le bilan de StopCovid est clairement négatif. Selon les chiffres disponibles, StopCovid n'aurait été téléchargée que 2,2 millions de fois depuis sa sortie le 2 juin 2020, alors même que respectivement en Allemagne et au Royaume-Uni, l'application Corona-Warn-App était téléchargée 18 millions de fois, et l'anglaise NHS Covid-19, 12,4 millions fois. StopCovid n'aurait donné suite qu'à 434 notifications d'alertes selon les chiffres transmis fin septembre par la Direction générale de la santé. Et encore : ces chiffres ne comptent pas le nombre de désinstallations, qui avoisinerait le million...
Si l'on revient à la genèse, StopCovid avait été conçue pour être une application mobile mise à la disposition des citoyens pour briser les chaînes de transmission du virus en assurant une mission de détection des contacts des personnes malades. Concrètement, l'application permettait à ses utilisateurs d'être prévenus immédiatement en cas de contact rapproché (moins d'un mètre pendant au moins 15 minutes) avec une personne testée positive.
L'application apparaissait en tout point conforme à la réglementation relative aux données personnelles : minimisation des données collectées, traitement fondé sur le consentement et l'exécution d'une mission d'intérêt public confiée à la Direction générale de la santé, finalités de traitement circonscrites et durée de conservation limitée. La CNIL avait validé sa mise en route en émettant toutefois plusieurs recommandations notamment sur l'effacement des données et un libre accès à l'intégralité du code source. Atouts majeurs : l'application fonctionnait sans géolocalisation, aucun fichier des personnes contaminées n'était réalisé, les données étaient pseudonymisées.
Les critiques se sont vite portées sur son efficacité. En effet, outre son faible téléchargement, son utilisation devait satisfaire à des prérequis contraignants notamment : laisser l'application ouverte afin qu'elle soit "active", remplir les critères de détection (1 mètre / 15 minutes) avec une connexion Bluetooth. L'application a en outre vite été discréditée par une mise en demeure de la CNIL, qui a la suite de contrôles, a constaté que l'Etat n'avait pas suivi ses recommandations préalable. Régularisation faite, la CNIL clôturait la procédure. Mais l'application était déjà "morte".
TousAntiCovid peut-il être un nouveau geste barrière pour tout le monde ?
Le secrétaire d'Etat à la Transition numérique, Cédric O, la qualifie de "véritable couteau Suisse" de la lutte, et appelle à la responsabilité des Français pour un téléchargement massif. La priorité de la nouvelle application semble effectivement porter sur l'information de la propagation du virus et sur sa praticité.
L'application a clairement été conçue comme une aide dans la vie quotidienne. Toujours sur la base du volontariat, l'utilisateur a ainsi accès à tous les chiffres liés à l'épidémie (vous "saurez" tout en quasi temps réel) nouveaux cas confirmés par un test positif sur les dernières 24H, taux d'incidence, taux d'occupation des lits en hôpitaux, au niveau local comme national. L'application renvoie aux derniers modèles de dérogation de circulation ou encore sur la liste des laboratoires de dépistage. L'application a toujours besoin d'utiliser le Bluetooth pour fonctionner et aucune donnée de géolocalisation n'est échangée ou enregistrée. A tout moment, l'utilisateur pourra effacer ses données sur son téléphone, ses contacts Bluetooth, quitter l'application.
Les critiques sur l'efficacité de StopCovid demeurent en l'absence d'information sur de nouveaux critères de détection et sur la nécessité de laisser l'application ouverte de façon permanente. Selon les déclarations de notre Secrétaire d'Etat chargé du numérique, la CNIL l'aurait validée sans que nous ayons pu avoir connaissance de sa décision. Dans sa décision du 20 octobre, le Conseil scientifique, recommande la mise en place d'un service interactif de santé public au quotidien au travers de cette application.
Oui, TousAntiCovid semble conforme à la réglementation des données personnelles. Mais, on aura beau ajouter plus d'information sur l'état de la situation sanitaire, rendre l'application plus intuitive, pratique et complète, le seul pari à gagner c'est celui de la confiance des Français. Faire tomber leur résistance face à un outil numérique vu comme un outil de surveillance de masse. Qu'est ce qui nous empêche aujourd'hui de télécharger l'application et communiquer son QR code de laboratoire le cas échéant ? S'agit-il d'un désintérêt générationnel, d'une préservation contre le caractère anxiogène de la situation, ou d'une résistance passive face à la perte d'un certain nombre de nos libertés ? A défaut, TousAntiCovid suivra le même sort que son ainée.
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