Les faces cachées des fonds ISR

Environnement, social et gouvernance sont les maîtres mots de l'investissement socialement responsable : ceux qui permettent de séparer le bon grain de l'ivraie, les entreprises vertueuses des autres, dans les fonds spécialisés ISR. Promesses tenues ?

Alors que se tient depuis lundi la semaine de l'investissement socialement responsable - représenté au Forum de l'investissement de Paris -, l'ISR entre doucement dans les moeurs. Cette traduction financière du développement durable dans la gestion des fonds est encore une idée neuve en France, mais elle progresse. L'Association française de gestion a ainsi enregistré l'adhésion de 155 fonds ouverts au public à son code de transparence. Et Novethic, le centre de recherche ISR de la Caisse des dépôts, vient de labelliser 142 fonds, avec un niveau d'exigence supérieur puisqu'ils « doivent publier la composition intégrale de leur portefeuille », précise Anne-Catherine Husson Traoré, sa directrice générale.

Dans les deux cas, les gérants s'engagent à prendre en compte des critères extra-financiers dans leurs choix et à sélectionner des valeurs en fonction de leur attrait financier, mais aussi de leur performance au plan environnemental, social et de la gouvernance (le fameux « ESG »). Pour l'épargnant, c'est une bonne manière d'orienter son argent vers des entreprises ou des États ayant des attitudes positives sur l'ensemble de ces critères, et prometteuses. Au moins en théorie...

La récente polémique lancée par les Amis de la Terre, une association de protection de l'environnement, qui accusent ces fonds d'investir dans des entreprises pas toutes vertueuses, a en effet mis en avant des approches très différentes selon le cas. Pour la plupart des sociétés de gestion aujourd'hui, l'ISR se conjugue avec une approche dite « best in class », soit « le meilleur de sa catégorie », plutôt que d'exclusion de certains secteurs. Elles constituent donc des portefeuilles qui collent aux grands indices, mais en privilégiant dans chaque secteur d'activité les entreprises ayant la meilleure note financière et ESG. On peut donc y retrouver, comme le dénoncent les Amis de la Terre, des groupes qui ne présentent pas le meilleur profil. « Le ? best in class ? répond davantage à la demande des investisseurs institutionnels et aux contraintes des grandes gestions en termes de montants à investir et de diversité des classes d'actifs, explique Jean-François Descaves, président de la Financière de Champlain, une société de gestion tournée vers l'ISR. À l'inverse, l'exclusion s'adapte mieux à la demande légitime des particuliers qui souhaitent donner du sens à leur argent et faire pression pour que les choses changent. »

Du coup le gros des bataillons de fonds se recrute dans les gestions « best in class » et se concentre sur les grandes valeurs, les seules à faire l'objet d'une notation extra-financière par des agences spécialisées. Mais les choses pourraient changer : plusieurs banques et des assureurs s'y lancent, l'épargne salariale est déjà convertie. « Il faut que la taille du marché ISR progresse pour jouer un vrai rôle de transformation sur l'économie », souligne Jean-François Descaves.

1. En compte titres : pour un large choix... et des frais élevés

Pour ne pas être enfermé dans une offre trop étroite, la solution la plus simple pour investir socialement responsable consiste à acheter des fonds directement auprès de son intermédiaire habituel. Ainsi, l'ensemble des produits (hormis les fonds d'épargne d'entreprise) sont accessibles, sans aucune restriction, en communiquant leur code Isin.

Cette liberté et ce choix se paient cependant très cher. Au niveau des frais tout d'abord, puisque vous devrez supporter des courtages qui viendront s'ajouter aux frais d'entrée dans le fonds, ainsi que des frais de garde. Ils ne sont pas appliqués si vous achetez un fonds ISR mis au point par votre banque elle-même, ou si vous achetez par l'intermédiaire d'un grossiste proposant des frais réduits, mais cela limite le choix à une poignée de fonds.

Autre pénalité?: la fiscalité, déjà peu clémente et qui va être alourdie dès l'an prochain. Les investisseurs ne profiteront plus du seuil de cession annuel qui permet encore de revendre 25.830 euros de valeurs mobilières dans l'année sans être taxé et le crédit d'impôt sur les dividendes sera supprimé. Sans parler de l'augmentation du taux d'impôt de 18 à 19?%, aussi bien sur les revenus que sur les plus-values. Au total, un prélèvement de 31,1?% avec les prélèvements sociaux, qui confisque près d'un tiers d'un bénéfice. C'est bien moins intéressant que dans l'assurance-vie ou dans l'épargne salariale?!

2. En assurance-vie : une possibilité encore trop rare

Malgré le rabotage de ses avantages fiscaux, l'assurance-vie reste l'un des meilleurs abris pour loger des fonds ISR. Seul souci?: l'offre est encore balbutiante et rares sont les contrats à offrir un véritable choix. De plus, les assureurs ont tendance à entretenir une certaine confusion en commercialisant des fonds investissant sur des thématiques de développement durable, mais qui ne sont pas pour autant sélectionnés selon des critères extra-financiers. «?Il y a de bonnes nouvelles sur ce front, car une partie des nouveaux fonds que nous avons labellisés est destinée à être proposé dans l'assurance-vie?», se réjouit cependant Anne-Catherine Husson Traoré de Novethic.

Selon nos derniers pointages, un seul contrat joue intégralement cette carte (il s'agit d'ISR Vie, vendu sur le site «?www.jepargne-utile.com, avec plus de 100 fonds), et un autre s'en approche (Solid'R Vie, de Fapès Diffusion) avec une offre à la fois ISR et développement durable. Dans les produits des grands réseaux, il existe également quelques fonds socialement responsables (à la BNP, au Crédit Agricolegricole, chez GMF, à la Macif ou à la Maif), mais ils sont rarement au coeur de l'offre et pas toujours bien mis en avant. Du côté des fonds en euros, qui reçoivent pourtant la majeure partie des sommes investies, la gestion responsable n'est pas encore à l'ordre du jour. Seul BNP Paribas Assurances a entrepris d'évaluer son actif général selon des critères extra-financiers. Assureurs, encore un effort...

3. En épargne salariale : pour l'accent mis sur la gouvernance

Dans l'univers de l'épargne d'entreprise, l'offre est abondante. Le caractère ISR des fonds est labellisé par le Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES), une structure qui regroupe quatre grandes centrales syndicales. Les exigences du label CIES sont cependant bien inférieures à celles de Novethic. Il prévoit que tous les fonds d'une gamme doivent être gérés avec des critères extra-financiers ; le processus ISR devant s'appuyer sur les notes d'au moins deux agences. Le CIES veille également à ce que les représentants des salariés soient majoritaires aux conseils de surveillance et à ce que les fonds exercent leur droit de vote, après avis de ces conseils de surveillance. Le CIES, à l'inverse de Novethic, se penche aussi sur les frais : les fonds doivent afficher le « meilleur rapport qualité-prix » possible. Les sociétés de gestion prétendantes à ce label - très important car les fonds sont choisis par les partenaires sociaux dans les grandes entreprises - doivent montrer patte blanche en renseignant un imposant dossier, puis un comité de suivi vérifie que les discours sont suivis d'actes. Pour l'épargnant, le plan d'épargne entreprise ou le Perco offrent l'abri fiscal le plus attractif, puisqu'ils sont totalement exonérés d'impôts (mais pas de prélèvements sociaux) après cinq ans pour le PEE, ou au départ en retraite pour le Perco.

 

 

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