Nantes-Saint-Nazaire : la filière de la propulsion par le vent pourrait créer 15.000 emplois d’ici à 2030

Porté par les objectifs de décarbonation de la filière maritime, le secteur de la propulsion vélique, ou par le vent, commence à industrialiser ses solutions. Réunis à Saint-Nazaire pour la deuxième édition du rendez-vous du vélique Wind for Goods, les élus locaux ont appelé au soutien de l’Etat et de l’Europe pour faire émerger et structurer un potentiel leader mondial en France, chez eux, sur le territoire de Nantes-Saint-Nazaire où se concentrent 50% des emplois du vélique en France. La filière pourrait créer 10.000 à 15.000 emplois en France.
Avec son usine implantés sur le port de Saint-Nazaire, CWS  envisage de produire une aile-voile par semaine dès 2025.
Avec son usine implantés sur le port de Saint-Nazaire, CWS envisage de produire une aile-voile par semaine dès 2025. (Crédits : CWS)

« Et maintenant, on passe à l'étape industrielle », savoure Bruno Toubiana, cofondateur et dirigeant de CWS (Computed Wing Sail), concepteur d'une voile-aile à profil épais, asymétrique, pliable en deux pour passer sous les ponts, pouvant s'inverser pour utiliser les vents de tribord ou bâbord, et adaptable à tous types de navires de commerce (porte-conteneur, roulier, tanker...), qu'ils soient neufs ou déjà en activité. Créée à Saint Maur des Fossés en 2016, la jeune entreprise installera sa première unité de production en septembre prochain à Saint-Nazaire dans l'enceinte de l'ex-terminal fruitier loué par le Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire. Un bâtiment de grande taille (10.000 m²), impossible à construire dans les temps impartis, où CWS projette de produire une aile par semaine. Après des tests en 2024, la production en série est programmée pour 2025 pour équiper une flotte d'une dizaine de porte-conteneurs que l'armateur lorientais Zéphyr&Borée va faire construire pour une coalition de chargeurs en vue de trajets maritimes sur la zone transatlantique. De vingt-cinq salariés aujourd'hui, l'effectif de CWS devrait compter cinquante personnes à la rentrée prochaine, et grimper à 200 à l'horizon 2025. Cette première industrialisation veut marquer l'arrivée à maturité et le changement d'échelle de la filière vélique, la propulsion à la voile. « Quand une première entreprise arrive, en général, d'autres s'installent... », estime Jérôme Guiziou, directeur du développement du port de Nantes-Saint-Nazaire, qui concède d'autres projets en cours d'examen et du foncier, devenu le nerf de la guerre, encore disponible. Le fabricant de l'aile de Kyte Airseas est en quête d'une unité de 7000 m² où pourraient être employés plus de 300 personnes. « Quelles qu'elles soient, Il y a de place pour toutes les technologies, mais le goulet d'étranglement, c'est la capacité de production » reconnaît le fondateur de CWS qui va investir plus de dix millions d'euros dans cette opération et engager une levée de fonds d'ici la fin de l'année pour accompagner son développement.

Une usine de mâts de 400 m²

Quelques jours avant l'annonce de CWS faite, le 1er juin dernier, à l'occasion de la deuxième édition du rendez-vous de la propulsion vélique Wind For Good à Saint-Nazaire, les Chantiers de l'Atlantique et ses partenaires (Avel Robotics, CDK Technologies, Lorima, Multiplast, SMM) confirmaient la construction d'une usine de 4000 m². A Lanester, dans le Morbihan, SolidSail Mast Factory, fabriquera les mâts en carbone de grandes dimensions (80 mètres de haut) de son concept Solid Sail, destinés à supporter des voiles de 1500 m². Celles-ci pourraient être fabriquées dans une seconde usine. D'autres projets sont en cours, comme celui de la nantaise Farwind Energy engagée dans le projet européen Maghic, dans les Caraïbes, destiné à repenser le rôle des ports dans la transition énergétique, de développer de nouvelles activités économiques et de diversifier le système énergétique de la Martinique et de la Guadeloupe. Au centre de ce dispositif, voulu pour produire de l'électricité en haute mer et la transformer en hydrogène, la construction d'un navire prototype à l'échelle 1 est envisagée pour 2026-2027, avec la volonté de faire construire des rotors de 30 à 50 mètres de haut en région nantaise.

Dix-mille navires à équiper d'ici 2030

Encore embryonnaire avec ses 550 emplois aujourd'hui, la toute jeune filière vélique pourrait, selon une étude réalisée par l'association Windship, générer quelque 15.000 emplois en France, dont 3000 à 5000 dans les Pays de la Loire (2.250 en 2030). Le marché est porteur. Si l'on compte seulement vingt-cinq navires à propulsion vélique dans le monde, la transition écologique et les objectifs de décarbonation fixés par l'Organisation Mondiale Internationale impose au transport maritime de réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050. L'Europe a même relevé un peu plus la barre avec l'objectif de zéro émission nette à cette même échéance. Selon les estimations, dix-mille navires devraient être équipés d'ici 2030 et 40.000 d'ici à 2050, soit près de la moitié de la flotte mondiale. 5% à 20% des navires existant pourraient être rétrofités, c'est dire équipés, de voiles, de rotors, de mâts ailes, des kytes... et 30% construits neufs, à l'instar du chargeur Neoline, construit par l'armateur nantais Neoline...en Turquie, mais qui a adopté le gréement Solid Sail.

La France pourrait capter 20% à 30% d'un marché mondial

Malgré une rude concurrence avec la Bretagne qui a su capter l'usine SolidSail Mast Factory, la fabrication des prototypes de voiles gonflables voiles de Wisamo, filiale de Michelin..., l'armateur Zephyr&Borée, le territoire de Nantes-Saint-Nazaire, avec 236 emplois, soit près de la moitié de l'actuelle filière vélique et deux fois plus que la Bretagne, entend défendre sa position de berceau du vélique. Parmi les trente-et-un pionniers de la propulsion à voile dans le monde, onze entreprises sont situées en France dont six en Pays de la Loire (Airseas, Néoline, Farwind...). Au cours des prochaines semaines, l'Institut Français pour la décarbonation maritime MEET 2050 devrait poser ses valises à Nantes, dans les locaux du Brick, un bâtiment réhabilité pour devenir la vitrine des entreprises engagées dans la décarbonation maritime. C'est le centre d'expertise et de coordination de la décarbonation qui manquait à la France. « Les enjeux ne sont pas territoriaux mais internationaux. C'est une opportunité pour mettre la France au premier plan de la décarbonation », souligne Francky Trichet, vice-président de Nantes Métropole en charge de l'innovation et du numérique.

Un appel au soutien de l'Etat et de l'Europe

Selon une étude du cabinet Avisa Partners, compte tenu de son historique et, surtout de son avance technologique, la France pourrait prendre une part de marché de 20% à 30% de ce secteur d'avenir. « A condition que les gens intègrent que la brique vélique est devenue mature. Or, beaucoup de gens la méconnaissent ou ne la prennent pas au sérieux. Alors on est là pour passer le message que l'Etat et l'Europe vont devoir s'impliquer pour apporter des financements, trouver du foncier pour créer des usines et faire émerger un leader mondial qui a aujourd'hui besoin d'être structuré et accompagné », rappelle Claire Hugues, vice-présidente du Conseil régional des Pays de la Loire, déléguée aux affaires maritimes. Et David Samzun, maire de Saint-Nazaire, de tacler un ministre de la Mer, annoncé, attendu et jamais venu au Rendez-vous Wind for Good. « Et pourtant, l'enjeu environnemental est monstrueux. La France n'a pas de politique de la mer. Or, ici, il se passe des choses. Nous ne sommes pas dans l'incantation », dit-il insatisfait, aussi, des manques en faveur de l'aménagement du territoire, où les contraintes foncières risquent de peser sur les possibilités de construire de nouveaux logements. « Car, déplacer Airbus ou les chantiers de l'Atlantique, je ne sais pas faire. Ici, nous ne sommes pas dans la réindustrialisation », lâche-t-il, en évoquant les contraintes du ZAN (Zéro Artificialisation Nette), imposées par la loi Climat & Résilience.

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Commentaires 4
à écrit le 23/06/2023 à 8:11
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Que les avions et cargos payent enfin comme tout le monde le véritable prix du carburant svvp déjà, et on aura au moins l'impression que ya un minimum de cohérence dans tout ça, merci.

à écrit le 22/06/2023 à 16:31
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On ne pourrait que s'en réjouir. Mais on peut se demander d'où sorte ces chiffres ? Et en plus, lorsqu'on va remplacer la propulsion classique par la propulsion à voile, il va bien falloir détruire des emplois dans la propulsion classique. Quel va êt...

à écrit le 22/06/2023 à 15:50
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On m'a toujours dit que le but d'une entreprise c'est la production de bien et service et non des emplois qui ne sont que la conséquence ! Mais on prend tout a l'envers pour mieux manipuler les contestateurs chagrins ! ;-)

à écrit le 22/06/2023 à 14:44
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bravo, ça c est la France qu on aime; celle qui gagne, loin des fauteuils capitonnes du gouvernement parasite, corrompu et logoheirque ( = parle beaucoup pour ne rien dire, cf dictionnaire de Milton)

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