Les batailles digitales de Jean-David Chamboredon, ex-leader des “Pigeons”

PORTRAIT. Après quatre ans à la tête de France Digitale, association phare de la défense des entrepreneurs du net, Jean-David Chamboredon, JDC pour les intimes, patron du fonds Isai laisse quelques batailles inachevées à son successeur Benoist Grossmann mais aussi un art du lobbying à la française.
Jeanne Dussueil

Il aura bataillé pendant quatre ans pour faire entendre aux ministres de Bercy et aux présidents de la République les rêves de Silicon Valley des entrepreneurs français. Jean-David Chamboredon, co-président de l'association professionnelle France Digitale, a officiellement rendu cette semaine son tablier de lobbyiste, remplacé par Benoist Grossmann, le directeur général d'IDinvest Partners. Connu pour son franc-parler à fleurets mouchetés, le "CEO" d'Isai, un fonds d'investissement français spécialisé dans les jeunes pousses de l'Internet a vu défiler les secrétaires d'Etat du numérique : "Fleur" (Pellerin), "Axelle" (Lemaire), "Mounir" (Majhoubi) puis "Cédric" (O). Soit, depuis 2012, presque autant de volontés politiques de faire de l'Hexagone la nouvelle "Startup Nation" (après Israël), que d'amendements législatifs et fiscaux freinant potentiellement, selon eux, les besoins de financements des PME et startup en croissance.

Son plus grand fait d'arme fut lorsqu'il publia en 2012 sur le site latribune.fr l'expression de la toute première fronde fiscale de l'ère digitale, avant même celle des « gilets jaunes ». Il relayait alors la voix des fondateurs de startup et business angels qui se considéraient comme les "Pigeons" (hashtag #Geonpi) de la prise de risque entrepreneuriale en France. La missive « Une loi de finances anti-start-up » affola les compteurs de l'audience et terrassa la logique taxatrice de François Hollande qui porta de 30% à 60% et au-delà l'imposition des plus-values de cession lors de la revente de parts du capital «d'une PME de croissance».

Le premier sentiment d'appartenance

Tous, de Paris à San Francisco, s'unissent derrière le père des volatiles donnant ainsi naissance à un embryon de sentiment "French Tech". Une fois à la tête de France Digitale en 2015, ses pas sont plus feutrés mais ses touches toujours ciblées : « Ma plus grande satisfaction en tant que co-président est l'actionnariat salarié, avec les différentes améliorations apportées aux dispositifs BSPCE et actions gratuites par la loi Macron et la loi de Finances 2018. Un sujet clé », confie-t-il à La Tribune. Et, toujours dans son rôle d'agitateur-sage : « C'est indispensable dans un écosystème où la participation et l'intéressement ne peuvent pas fonctionner fautes de profits suffisants. On a en France un bon système mais il y a encore des améliorations possibles...»

Côté déceptions, celui qui dirigea la filiale aux Etats-Unis Capgemini Telemedia Lab entre 1997 et 1999, en garde une aujourd'hui : « le sujet de l'actionnariat des contributeurs non-salariés [permettre à freelance ou un chauffeur de devenir actionnaire de sa plateforme]. Sur le principe, il y a consensus mais nous n'avons pas réussi à concrétiser faute d'avoir réussi à coordonner Bercy et la rue de Grenelle...» Chamboredon l'Américain, toujours à la croisée de l'esprit "win-win" et de la "french administration" joue tactique : « Cela aurait été génial que la France soit le premier pays à mettre en oeuvre un tel dispositif !»

Une taxe GAFA "idiote"

Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, le polytechnicien s'est assagi. Lui qui prône des « exit » (sorties d'un fonds du capital d'une startup où il a pré-investi) à « plusieurs millions ou milliards » se satisfait des 5 milliards promis pour la tech par le président de la République, avec le soutien d'investisseurs institutionnels principalement de la banque-assurance : « L'idée est de permettre aux grands gérants de l'épargne français de participer à la construction de fonds dits « late stage » car on s'aperçoit qu'à partir de la série C, 77% des deals sont menés par des investisseurs non français. On ne peut pas être aussi dépendants des investisseurs internationaux », déplore le business angel. Emmanuel Macron espère 25 licornes, lui, acquiesce : « Si il n'y a pas de retournement de cycle macro-économique, c'est un objectif assez réaliste. » Mais devant la caméra de La Tribune, il esquinte « une taxe GAFA idiote (...) l'absence de track record sur nos montants, une attractivité récente et en retard...»

Nul doute que ce diplômé de Polytechnique ne disparaîtra pas complètement des radars élyséens. A ses côtés, au board des fondateurs du fonds Isai, siège d'ailleurs Geoffroy Roux de Bézieux, l'actuel président du Medef. Encore plus proche de lui, Frédéric Mazzella son ancien co-président à France Digitale qui reste en poste encore un an et qui n'est autre que le poulain sur lequel Isai a misé 1,2 million d'euros dès 2010 dans la jeune société BlaBlaCar. Homme du décollage, JDC passe désormais la main à l'investisseur et ancien chercheur à la NASA Benoist Grossmann. Pour voir peut-être, enfin, la mise en orbite de tout l'écosystème français.

Jeanne Dussueil

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.