Cybersécurité : le recrutement, chemin de croix des entreprises malgré l'abondance d'emplois

Alors que l'État ambitionne de créer 37.000 nouveaux emplois dans la cybersécurité à l'horizon 2025, plus de 10.000 postes restent encore à pourvoir aujourd'hui. Pour mobiliser les établissements d'enseignement supérieur et créer des vocations parmi les jeunes, le Campus Cyber, nouvelle vitrine de la cybersécurité française, se plie en quatre pour vanter les mérites de ces métiers et casser les préjugés, qui éloignent aujourd'hui les femmes et les moins diplômés.
François Manens
Le Campus Cyber, à La Défense, a un rôle à jouer dans la démystification de l'expert en cybersécurité en sweat à capuche, qui travaille dans le noir (illustration ci-dessus). Car la profession a un problème de vocations. D'après une étude du rectorat de l'Île-de-France, sur les 12.000 étudiants qui suivent une formation en numérique dans la région, seulement 200 (moins de 2%) se sentent attirés par la cyber, dont... 10 femmes (c'est-à-dire, 5% de ces 2%).
Le Campus Cyber, à La Défense, a un rôle à jouer dans la démystification de l'expert en cybersécurité en sweat à capuche, qui travaille dans le noir (illustration ci-dessus). Car la profession a un problème de vocations. D'après une étude du rectorat de l'Île-de-France, sur les 12.000 étudiants qui suivent une formation en numérique dans la région, seulement 200 (moins de 2%) se sentent attirés par la cyber, dont... 10 femmes (c'est-à-dire, 5% de ces 2%). (Crédits : Kacper Pempel)

Pour l'État, toutes les occasions sont bonnes à prendre pour marteler qu'il y a de nombreux emplois à pourvoir dans un secteur d'avenir, la cybersécurité. Ce mardi, le gouvernement a donc profité d'une simple journée de formation aux enjeux de la cybersécurité, à destination d'un peu moins de 200 enseignants du tertiaire, pour tenter de rendre à nouveau la cyber plus attractive.

Pour l'occasion, la ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnelle, Carole Grandjean, se déplaçait au Campus Cyber, la nouvelle vitrine de l'écosystème de la cybersécurité française. À ses côtés, se trouvaient le directeur de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), Guillaume Poupard, et le président des lieux, Michel Van Den Berghe.

Démystifier l'image de l'expert en cybersécurité pour attirer les vocations

Le gouvernement prévoit que son plan d'investissement dans l'industrie de la cybersécurité, dévoilé en 2021, va mener à la création de 37.000 nouveaux emplois à l'horizon 2025. Mais rien n'est moins sûr tant le secteur peine déjà à recruter, faute de candidats. Michel Van Den Berghe estimait ainsi à 10.000 le nombre de postes non pourvus en France, lors du lancement du Campus Cyber au début de l'année.

Pour remédier à cette situation, l'État travaille donc sur deux axes : d'un côté, la création de nouvelles formations et la modernisation d'anciennes formations, avec un accent sur les diplômes courts (bac +2 et bac +3). De l'autre, la promotion de la cybersécurité dans toutes les strates de l'enseignement, dès le secondaire.

Premier enjeu pour le gouvernement : attirer les vocations. D'après une étude du rectorat de l'Île-de-France citée par Michel Van Den Berghe, sur les 12.000 étudiants qui suivent une formation en numérique dans la région, seulement 200 (moins de 2%) se sentent attirés par la cyber, dont... 10 femmes (c'est-à-dire, 5% de ces 2%).

Le Campus Cyber a donc un rôle à jouer dans la démystification de l'expert en cybersécurité en sweat à capuche, qui travaille dans le noir, et le lieu-totem doit aussi démontrer que le secteur est ouvert à tous les profils.

« Nous voulons casser l'idée que, si on n'est pas tombé dans la marmite de la cybersécurité quand on était petit, on ne peut pas le faire », renchérit Guillaume Poupard.

Métier à mission avec une rémunération attractive

Les pouvoirs publics multiplient donc les initiatives pour parler de cybersécurité le plus tôt possible -souvent avec l'aide du secteur privé. C'est pourquoi le ministère de l'Éducation nationale fait partie des partenaires du Campus Cyber, qui s'engage à mener des séries de formations et à ouvrir ses portes aux visites.

Les atouts de la filière sont nombreux. "C'est un métier d'avenir, qui rémunère très bien, qui a du sens car on contribue à la souveraineté de la France, et qui permet de répondre à de véritables enjeux sociétaux", rappelle Michel Van Den Berghe. D'après le premier Observatoire des métiers de la cybersécurité réalisé par l'Anssi, 88% des professionnels du secteur gagnent plus de 35.000 euros brut par an et 27% d'entre eux gagnent même plus de 75.000 euros par an ! Ce discours rencontre un certain écho, mais, si l'offre de professionnels augmente, elle ne suit toujours pas l'augmentation de la demande.

Besoin de femmes et de profils moins diplômés

Outre l'enjeu de massification, les représentants du gouvernement insistent sur le gros problème de diversité du secteur. L'Observatoire des métiers de la cybersécurité a livré un constat accablant : 89% des professionnels sont des hommes, plus de la moitié travaillent en Île-de-France et 72% possèdent un niveau de qualification supérieur à Bac +5,

« On se prive de la moitié de la ressource humaine », regrette Guillaume Poupard au sujet de l'absence de femmes, tout en rappelant en signe d'espoir qu'elles représentent 27,5% des effectifs de l'Anssi.

Quelques figures commencent à apparaître dans le secteur, comme la fondatrice de Tethris Éléna Poincet, mais elles restent encore très peu nombreuses.

Au-delà de la question du genre, Édouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire, rappelle l'attente de nouveaux profils dans l'industrie :

« Nous avons besoin de former tous les milieux sociaux, nous avons besoin de techniciens, de personnes qui entrent dans le milieu avec un bac +2 ou +3. »

Par exemple, les entreprises ont besoin, dans les équipes de leurs SOC (Security Operation Center ou centre d'opérations de sécurité), d'analystes capables de repérer les signaux faibles des menaces sur les consoles de détection, sans pour autant prendre de décision. Ces analystes, qui ne font que suivre des processus prédéfinis, n'ont pas besoin de diplôme d'ingénieur ou supérieur, mais ils sont essentiels dans la chaîne de cybersécurité. Et il en manque cruellement.

Cette demande pour de nouveaux profils a été prise en compte dans le plan de rénovation des BTS, avec à la clé des milliers d'élèves orientés vers le secteur. Autour de ce plan, la ministre déléguée Carole Grandjean "encourage les chefs d'établissement [dans les lycées pro, ndlr] à ouvrir de nouvelles filières" en amont, et "à faire de la formation professionnelle un pilier du recrutement" en aval. Une volonté pour l'instant accompagnée de peu de contraintes, voire d'aucune.

François Manens

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Commentaires 3
à écrit le 28/09/2022 à 8:09
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Vu le nombre d'étrangers qui travaillent sur nos systèmes informatiques, je ne vois pas comment on pourrait assurer une quelconque sécurité et souveraineté. Nos sociétés exigent en plus que les informaticiens qu'ils recrutent maitrisent les normes an...

à écrit le 27/09/2022 à 18:59
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on rappelera que la france est derniere en maths parmi les pays de l'OCDE, grace au bon nivellement par le bas parfaitement reussi par la gauche ultra.......evidemment que s'il faut coder ou sniffer, faut quand meme travailler un peu ' ce qui est eli...

à écrit le 27/09/2022 à 17:10
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Les "innovations" de l'ordre du numérique, de la cybernétique, du digital, de l'imformatique et des datas inutiles etc.. ne sont pas compatible avec "la sobriété et de la résilience" ! ;-)

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