Mettre l'IA générative « dans les mains de tous ». C'est le mot d'ordre de Microsoft. À l'occasion de son « AI tour » le 12 mars à Paris, l'entreprise est venue présenter ses différents outils d'IA générative mis à disposition des salariés, principalement les déclinaisons de Copilot, son robot assistant dopé à GPT-4 (le grand modèle de langage d'OpenAI). Pendant l'événement, la firme a également annoncé sa volonté de former 100.000 Français à l'intelligence artificielle générative. Pour ce faire, Microsoft vient de lancer une plateforme en ligne baptisée « À vous l'IA ». On y trouve des cours en ligne, MOOC adressés aux entrepreneurs, salariés, étudiants, personnes sans emploi... Certaines de ces formations sont certifiantes.
En plus de la plateforme, une centaine de hackathons sont également prévus sur le territoire (notamment à Bordeaux, Lyon, Nantes, et Toulouse) pour permettre d'identifier des cas d'usages concrets. Et un programme de formation destiné exclusivement aux femmes en partenariat avec Simplon se déroulera entre avril et juin 2023 dans 7 villes françaises. Bref : Microsoft s'est lancé dans une grande opération de démocratisation de l'intelligence artificielle générative.
« Car le plus grand danger serait de ne pas apprendre à utiliser l'intelligence artificielle, ni à en tirer profit, explique Eneric Lopez, directeur IA et impact social de Microsoft France. D'autant que la France accuse déjà un retard certain par rapport à ses voisins : selon une récente étude IDC, alors que 67% des organisations en Europe déclarent déjà utiliser des solutions d'intelligence artificielle (l'Europe est d'ailleurs derrière l'Amérique du Nord - 79%), elles ne sont que 48% en France. »
Microsoft permet désormais de construire un Copilot entièrement personnalisé
« Chaque travailleur a besoin d'un assistant », assénait sur scène Corinne de Bilbao, directrice de Microsoft France. En plus de versions de "Copitol" dédiées à des fonctions particulières comme la vente, la sécurité informatique, le développement... Microsoft propose désormais une fonctionnalité permettant de créer son propre chatbot de A à Z, soit en le programmant, soit en utilisant des solutions "low code" (c'est-à-dire nécessitant peu de connaissances techniques).
Lors de son événement, l'entreprise a tenu à montrer les gains de productivité obtenues par les entreprises utilisatrices de ces "assistants". François Tete, directeur des systèmes d'information de TotalEnergies a ainsi rapporté que l'entreprise avait acheté 30 000 licences de Microsoft Copilot 365 à ses salariés. « Certains gagnent entre 10 à 30 minutes de temps par jour », estime le dirigeant. Total a identifié 250 cas d'usages où l'assistant de Microsoft pouvait servir (prise de note, résumé de réunion, rédaction d'email principalement). L'IA générative prend place, selon lui, dans « chaque recoin de la vie des salariés ».
Le marché de l'auto-automatisation des salariés
Cet argument de la surperformance au travail grâce aux IA n'est pas uniquement repris par Microsoft. Une flopée d'applications dopées à l'IA font miroiter la même promesse. On trouve notamment Motion App, qui promet grâce à l'intelligence artificielle de « faire 25 % plus » ou de finir sa journée « 5 heures plus tôt » en organisant de manière optimale son calendrier, et sans forcément avertir son patron, laisse entendre l'entreprise dans sa communication. Car si Microsoft fait le choix de vendre des licences de Copilot aux entreprises, des applis s'adressent elles directement aux salariés.
On trouve aussi des outils permettant d'automatiser des tâches plus spécifiques. Magic Reply, vous permet par exemple de générer en quelques secondes des commentaires LinkedIn et X. De quoi « croître dix fois plus vite » sur ces plateformes, promet l'app.
De l'assistant au salarié virtuel
Des entreprises commencent même à aller au-delà du terme d'assistant, et revendiquent le fait de créer des "salariés virtuels". La startup californienne Ema, qui vient de lever 25 millions de dollars, propose ainsi « un employé IA universelle ». Dans les colonnes de Tech Crunch, Surojit Chatterjee, son PDG, explique vouloir « automatiser les tâches quotidiennes et routinières que les salariés effectuent dans chaque entreprise... afin de les libérer pour qu'ils puissent se consacrer à des travaux plus précieux et plus stratégiques.»
C'est également l'angle choisi par Cognition. Cette jeune pousse new-yorkaise a présenté il y a quelques jours Devin, la "première IA ingénieure logiciel". Devin est un agent autonome, c'est-à-dire capable de s'auto-programmer et de réaliser des tâches sans l'aide humaine. Il serait capable, selon l'entreprise, de parvenir à réaliser 13,84 % des missions de code trouvées sur GitHub seul. Contre 1,96 % pour le précédent modèle du même type.
Au niveau macro, la productivité est également citée comme l'un des principaux enjeux de l'IA générative. C'est notamment le cas dans le rapport du comité interministériel sur le sujet remis à Emmanuel Macron mercredi 13 mars. Les gains de productivité permis par cette technologie sont comparés à ceux obtenus après la révolution de l'électricité dans les années 1920, soit 1,3 point par an. Ou encore à ceux venus après les technologies numériques des années 1990 (0,8 point par an). « Les gains générés par l'IA augmenteraient significativement le taux de croissance de la France, estimé à 1,35 % par an à moyen terme De tels gains de productivité pendant dix ans conduiraient à une hausse du PIB comprise dans une fourchette allant de 250 milliards d'euros à 420 milliards en 2034, soit l'équivalent de la valeur ajoutée de l'industrie dans son ensemble ! », écrivent les auteurs.
Une productivité nuancée par certaines études
S'ils sont effectivement démontrés par certaines études, les gains de productivité liés à l'IA générative sont toutefois à nuancer. Une étude menée par des chercheurs de Stanford et du MIT dans un centre d'appel montrait que l'utilisation de l'IA générative augmentait en moyenne la productivité des travailleurs de 14 %. En revanche, son utilisation n'a pas ou peu d'effets sur les performances des meilleurs salariés. De quoi freiner leur motivation et in fine le recrutement de bons éléments, pointe Harvard Business Review. Une autre étude conduite par des chercheurs d'Harvard et le BCG menée sur des consultants montre quant à elle que les effets de l'utilisation de ChatGPT (ou équivalent) varie selon la tâche effectuée. Lorsqu'il s'agit de trouver des idées de produits, l'humain augmenté de l'IA est plus efficace. Mais pour résoudre un problème complexe (élaborer la stratégie d'un client à l'international par exemple), les consultants aidés du chatbot se laissaient influencer par les réponses du robot, et leurs résultats étaient moins bons que ceux des consultants seuls.
Le déploiement à grande vitesse des grands modèles de langage par les entreprises dans ce but de gagner en efficacité donnent par ailleurs lieu à des dérapages problématiques. 404 Media rapporte par exemple qu'un chatbot d'Amazon conseille des livres racistes aux utilisateurs. Il y a quelques semaines, Air Canada s'est empêtrée dans un litige juridique à cause d'une réduction accordée par son chatbot, à l'encontre de la politique de l'entreprise.
Les salariés eux-mêmes sont-ils convaincus de ces gains de performance ? Une étude menée par CSA Research et Microsoft montre qu'il y a, à ce sujet, un important écart générationnel. 60% des 35 ans et plus ont recours à l'IA dans leur usage professionnel (vs 32% en moyenne). De manière générale, selon le même sondage, 44% des actifs (ce n'est pas une majorité) estiment pouvoir être plus efficaces grâce à l'IA, 35% pensent pouvoir mieux gérer leur temps et 32% déclarent que l'IA pourrait leur permettre de se concentrer sur des tâches plus intéressantes.
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