Ce rapport extrêmement ambitieux remis à Macron pour faire de la France un champion mondial de l’intelligence artificielle

Le comité interministériel sur l'intelligence artificielle générative a remis ce mercredi matin son rapport au président Emmanuel Macron. Très ambitieux et dense, il préconise un « plan IA » décliné en 25 mesures pour que la France s'impose comme une puissance incontournable de l'IA, et surtout, qu'elle profite pleinement de la révolution technologique en cours.
François Manens
Le rapport sur l'intelligence artificielle génératif vient chiffrer les bienfaits et méfaits de la technologie sur l'économie française.
Le rapport sur l'intelligence artificielle génératif vient chiffrer les bienfaits et méfaits de la technologie sur l'économie française. (Crédits : Aly Song)

Produire des indicateurs était l'une des principales missions du comité interministériel sur l'intelligence artificielle générative lors de sa nomination en septembre 2023. Six mois plus tard, le rapport de 130 pages, présenté au président Emmanuel Macron ce mercredi, a amplement répondu à cette contrainte. En s'appuyant sur de nombreux chiffres pour qualifier les effets et les perspectives de l'IA générative sur l'économie française, ses auteurs proposent un « plan IA » sur cinq ans, optimiste et d'une ampleur inédite, composé de 25 recommandations. L'objectif : mettre la France sur les bons rails pour profiter pleinement de la révolution technologique en cours... et éviter de rater à nouveau un virage technologique essentiel.

5 milliards d'euros d'investissement public par an

Le comité demande au gouvernement de réaliser un effort d'investissement inédit, puisque son « plan IA » s'appuie sur 5 milliards d'euros d'investissement public par an. À titre comparatif, le gouvernement avait investi un peu plus d'1 milliard d'euros sur 5 ans après la publication du rapport Villani de 2018 sur l'intelligence artificielle, puis Emmanuel Macron avait annoncé 900 millions d'euros d'investissements supplémentaires l'été dernier dans le cadre de France 2030. Les rapporteurs demandent donc ni plus ni moins de multiplier par 25 l'effort d'investissement.

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Dans le détail, 45% de l'enveloppe serait dirigée vers des investissements technologiques et industriels (soutien aux champions locaux, développement d'une filière électronique, augmentation drastique du financement des startups...) ; 35% vers le « déploiement de l'IA au service des citoyens » ; 10% pour « la diffusion de l'IA dans l'économie » ; 9% pour la sensibilisation du grand public à la technologie, la formation et la recherche ; et enfin 1% pour les enjeux de gouvernance. La facture représenterait 0,3% des dépenses publiques totales.

Les rapporteurs mettent en garde contre toute frilosité du pouvoir public face à leur demande. « Cette dépense est réaliste et accessible pour notre pays. Le coût de l'inaction serait, à l'inverse, très élevé. Nous renoncerions à des gains économiques et sociaux importants, et risquerions un déclassement historique », avertissent-ils. L'objectif est clair : éviter de rater le virage de l'IA générative après avoir raté celui de l'informatique, puis celui d'internet. « Nous ne pouvons pas reproduire les erreurs du passé. Au cours de ces deux dernières décennies, la France et l'Europe ont réagi trop tard et trop peu, avec un faible engagement dans l'innovation technologique et une réglementation tardive », assène le rapport.

420 milliards d'euros de PIB en plus dans dix ans

Pour justifier la demande d'un effort d'investissement inédit, le comité prévoit en contrepartie d'importants effets positifs sur l'économie française. « Selon notre analyse, la croissance économique annuelle de la France pourrait doubler grâce à l'automatisation de certaines tâches. Au bout de dix ans, la hausse de PIB serait comprise entre 250 et 420 milliards d'euros, soit du même ordre de grandeur que l'activité actuelle de l'industrie dans son ensemble », chiffrent les auteurs.

Ils préviennent tout de même que l'effet de l'automatisation atteindra un plafond au bout d'une dizaine d'années, et arrêterait alors de faire croître le PIB. Mais un effet « d'accélération de l'innovation », plus dur à quantifier, pourrait prendre le relais et « induire une augmentation permanente » du taux de croissance de l'économie. Il refléterait par exemple le rôle de l'IA générative dans l'accélération de la découverte de nouveaux matériaux ou encore dans la découverte de nouvelles protéines (et donc de médicaments).

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Un fonds « France & IA », doté de 10 milliards d'euros

Bien qu'optimiste, le rapport fait un constat alarmant : les investissements français (privés et publics) dans l'IA générative sont vingt fois inférieurs à ceux des États-Unis. Résultat, ces derniers contrôlent déjà plus de 80% de la chaîne de valeur, tant du côté des processeurs avec la domination écrasante de l'incontournable Nvidia, que dans la construction des modèles d'IA avec OpenAI, Google, ou encore Anthropic.

« Nous n'aurons pas la maîtrise de notre avenir par le seul déploiement de l'IA des autres », écrivent les auteurs. « À richesse comparable, nous investissons environ trois ou quatre fois moins que les Américains et l'écart risque d'augmenter », précisent-ils. Pour contrebalancer cette situation, ils proposent la création d'un fonds de 10 milliards, soutenu par la puissance publique mais surtout doté de capital investissement d'entreprise, fléché vers les entreprises innovantes, aujourd'hui représentées par les têtes d'affiche MistralLightOn ou encore Giskard. De quoi initier un début d'effet levier. « Il est nécessaire d'investir dans l'IA entre 5 et 8 milliards d'euros en plus par an, soit un triplement des sommes actuellement engagées », estime le rapport, avant de préciser que dans le cadre d'une politique plus ambitieuse, « un objectif d'investissements annuels de 15 milliards d'euros pourrait être visé ».

5% d'emplois directement remplaçables par l'IA

Le rapport estime que 5% des emplois français sont directement remplaçables par l'IA. Un chiffre en apparence alarmiste, mais à mettre en parallèle d'un constat général plutôt optimiste. Les auteurs estiment en effet que l'IA générative participera à plus de création d'emplois qu'elle n'en détruira.

Et pour cause : d'après eux, 19 emplois sur 20 sont constitués d'une grande partie de tâches irremplaçables par l'IA générative. « Si une part importante des tâches qui constituent une profession peuvent être effectuées par l'IA, cette profession a un potentiel de remplacement par l'IA. En revanche, si une profession est composée de quelques tâches automatisables, mais d'une majorité de tâches difficiles à automatiser, elle a un potentiel d'amélioration par l'IA », écrivent les auteurs, citant une étude de l'Organisation internationale du travail pour arriver à leurs conclusions.

Cette dernière précise que le nombre d'emplois ayant un potentiel d'amélioration par l'IA (13,4%) est bien plus élevé que celui ayant un potentiel de remplacement par l'IA (5,1%). Et puisqu'en parallèle, l'IA permettrait une explosion de la croissance (synonyme d'ouvertures d'emploi), ses effets négatifs seraient plus que compensés.

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81.000 emplois liés à l'intelligence artificielle par an à pourvoir à terme

Le rapport projette que dans dix ans, les offres d'emplois liées au développement de l'IA et celles liées au déploiement de l'IA devraient représenter respectivement 1% et 0,5% de l'ensemble des offres. Autrement dit, cela correspondrait à un besoin de 56.000 et 25.000 postes par an.

Le problème ? Les formations françaises en IA au niveau bac +3 ne comptaient qu'à peine plus de 16.000 places en 2021, malgré les efforts déployés suite au rapport Villani. « Pour répondre aux besoins en développement d'IA, il faudrait donc au moins tripler ce chiffre au cours de la décennie à venir », évaluent les auteurs. Afin d'y parvenir, ils préconisent non seulement d'ouvrir plus de places dans les formations spécialisées, mais aussi d'inclure des modules d'IA dans un grand nombre de formations, et ce dès le secondaire.

80.000 euros par an, la rémunération demandée pour les chercheurs publics

La France se targue à juste titre de former une partie des meilleures spécialistes mondiaux, des profils que les entreprises privées américaines s'arrachent aujourd'hui à coup de salaires pharaoniques en centaines de milliers d'euros, accompagnés d'autres avantages financiers. Pour les professeurs et chercheurs des instituts publics, il est évidemment difficile de résister à l'appel des sirènes du privé. Pour maintenir l'excellence de la formation et de la recherche publique française, les auteurs du rapport suggèrent donc à l'État d'assumer « une exception de IA ».

Concrètement, ils proposent d'offrir une rémunération supérieure à 80.000 euros par an pour les chercheurs en poste dans les organismes publics, ainsi qu'une revalorisation des salaires des doctorants et post-doctorants. À ce volet financier s'ajouterait un volet administratif avec la simplification de « tout un ensemble de corvées qui occupent au moins un tiers de l'emploi du temps d'un chercheur dans le public ». Cette initiative publique ferait écho au cadre offert par le laboratoire de recherche en IA en science ouverte Kyutai, co-financé par Xavier Niel, Rodolphe Saadé [propriétaire de La Tribune, ndlr] et Eric Schmidt.

François Manens

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Commentaires 14
à écrit le 14/03/2024 à 4:27
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La France champion mondial de l'IA🤣 L'exemple type de l'oxymore.

le 14/03/2024 à 13:06
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voyer a quoi mene l i a un concept utiliser par m macron depuis 2012 qui realise le en meme temps ou pour etre clair le temps des illusions. le dernier a s'exprime a la raison et en plus c'est pas cher et le bonus a la fin ce que nos polit...

à écrit le 14/03/2024 à 4:27
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La France champion mondiale de l'IA🤣 L'exemple type de l'oxymore.

à écrit le 13/03/2024 à 22:44
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Rapport de 130 pages en un an par un comité ! Il y avait combien de hauts fonctionnaires dans ce petit cercle ? La seule partie avec un peu de lucidité est peut être : " de rater à nouveau un virage technologique essentiel." Ce qui est déjà fait avec...

à écrit le 13/03/2024 à 19:19
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Aux Etas Unis c'est une pompe à argent public qui fait des ravages, on se doute que l'UE va s'y mettre. 5 milliards à surveiller mais comem d'habitude ils ne le seront pas.

à écrit le 13/03/2024 à 18:32
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[...pour faire de la France un champion mondial de l’intelligence artificielle...] 🤣😂🤣🤣😂🤣😂🤣 Merci pour cette franche rigolade, j'en ai des crampes abdominales, alors que tout part à vau-l'eau dans le pays depuis des lustres et des lustres. Trop fort ...

à écrit le 13/03/2024 à 18:30
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la france est en faillite decourage tout le monde, nivelle par le bas tout ce qu'elle peut........et investit 5 milliards de dette pour etre champion d'un truc qu'elle n'aura jamais.......a un moment faudra atterrir, et ce moment est venu, quand il f...

le 14/03/2024 à 0:55
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La France est déjà l'une des têtes de série dans l'IA mondiale

à écrit le 13/03/2024 à 17:36
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Le nième rapport-annale...

à écrit le 13/03/2024 à 17:27
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ils ont touché combien pour ce rapport- presse livre ? les francais veulent savoir !

à écrit le 13/03/2024 à 16:33
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On se moque de qui, alors que "tout le monde" nous bassinent avec la souveraineté européenne?

à écrit le 13/03/2024 à 14:44
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Et évidemment, il n' ya que M. MACRON qui a eu une telle idée sur toute le planète ? Les autres pays n'y ont jamais pensé ? C'est comme de mettre une centrale nucléaire dans un port ? Il n'y a que nous ? Et encore des subventions publics donnés ...

à écrit le 13/03/2024 à 13:57
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Bon, cela fait 20 ans que tout ces gens sont a l'envers et passent leur temps finalement a incrémenter des technologies y compris qu'ils étaient les seuls a détenir ! l'exemple du téléphone comme de l'équivalent de youtube, permet du coup de mieux c...

le 13/03/2024 à 14:54
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Revendre son entreprise à un Gafam est généralement l'horizon du créateur de startup français moyen...

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