2,2 milliards d'euros pour l'IA : le gouvernement insiste sur la formation pour répondre à la pénurie de talents

2,2 milliards d'euros vont être investis dans l'écosystème français de l'intelligence artificielle. Les objectifs : former des étudiants pour répondre à la pénurie de talents du secteur, et se positionner sur les sujets de recherche les plus prometteurs. Bien accueilli, ce nouveau volet de la stratégie nationale ne s'attache pas à la question de l'assouplissement de l'accès aux commandes publiques, espéré par une partie de l'écosystème.
François Manens
(Crédits : DR)

A l'occasion de la conférence France is AI organisée par France Digitale, le secrétaire d'Etat au numérique Cédric O et la ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur Frédérique Vidal se déplaçaient ce 8 novembre à Station F. Ils venaient annoncer le détail des 2,2 milliards d'euros -dont 1,5 milliard d'euros de fonds publics- d'investissements sur 5 dans le secteur de l'intelligence artificielle.

Dans le détail, 700 millions d'euros tirés du plan France 2030 seront alloués à la formation de nouveaux talents, tandis que 557 millions d'euros issus du PIA 4 alimenteront la recherche fondamentale et industrielle. Objectifs : répondre aux besoins de recrutements des entreprises et de la recherche françaises mais aussi se positionner sur certains sujets prometteurs comme l'IA embarquée et les architectures décentralisées.

« Tenir le rythme »

Les ministres parlent d'une deuxième phase de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle, en écho à de premières annonces effectuées en mars 2018. Suite au rapport du député Cédric Villani sur l'IA, le gouvernement avait annoncé 1,5 milliard d'euros d'investissements, plutôt axés sur la recherche, aujourd'hui « très largement dépensés ou engagés », dixit Cédric O. « L'objectif de cette première phase était de créer une marque France », rappelle le secrétaire d'Etat au numérique. Relativement satisfait des résultats, Cédric O fait néanmoins preuve de prudence en rappelant que « nous voyons les débuts de l'effet de réseau mais cela ne suffit pas. Si nous accélérons, les autres aussi, et nous devons tenir le rythme. »

La France voulait consolider son écosystème et le développer, elle l'a fait avec une certaine réussite : France Digitale recense aujourd'hui 502 startups de l'IA, avec des leaders récemment devenues licornes comme Contentsquare. Ces entreprises emploient 13 459 personnes, un nombre 30% supérieur à l'année précédente.

Répondre à la pénurie de talents

Justement, ce besoin de talents se ressent sur le salon France is AI : les slogans des panneaux de présentation semblent davantage orientés vers les recrutements qu'à la vente des services. Cette impression visuelle est confirmée par le baromètre de France Digitale sur l'écosystème : 64% des startups interrogées citent le manque de talents comme un frein à leur développement. « On imagine qu'il faut avoir fait Polytechnique pour travailler dans le secteur, mais tous les postes ne sont pas pour de la data science. Par exemple, c'est quasiment impossible de trouver des testeurs », indique Maya Noël, CEO de France Digitale.

Cédric O explique avoir également entendu les difficultés de trouver des talents lors des questionnaires passés dans le cadre du plan France 2030. C'est pourquoi le gouvernement fait de la formation l'axe principal de sa stratégie pour l'IA. « Si nous parvenons à avoir massivement plus de talents, alors nous gagnerons la course », déclare le secrétaire d'Etat. Les fonds financeront la formation d'experts de pointe au travers de doctorats mais aussi de tout un tissu de métiers moins connus, par des formations plus courtes comme les DUT.

Dans le détail, la ministre Frédérique Vidal espère que 2.000 étudiants supplémentaires s'engageront chaque année en premier cycle (DUT, IUT, BTS, licence), 1.500 en second cycle (master), ainsi que 200 doctorants. Plus généralement, elle souhaite aussi augmenter le « niveau de compétence minimum en IA et en data science » dans les formations, afin que les problématiques du secteur soient mieux comprises par tous les corps de métiers.

Le gouvernement inflexible sur la commande publique

Les efforts pour rapprocher l'écosystème public et privé vont également accélérer, à la fois du côté des entreprises avec des possibilités accrues d'effectuer des carrières mixtes entre recherche et entreprise, et du côté des partenariats. Outre la formation, près de 700 millions d'euros seront alloués à des projets de recherche, en priorité sur le sujet de l'IA embarqué -à la fois côté matériel et logiciel- et sur les architectures décentralisées.

Si le gouvernement a répondu aux attentes de l'écosystème sur son besoin d'employés compétents, il n'a pas fait écho aux appels de plus en plus récurrents à l'établissement d'une politique de commandes publiques. « Nous n'assumons pas de faire une préférence européenne, alors qu'aux Etats-Unis, ils n'hésitent pas », relève Maya Noël. Comme le poursuit la dirigeante de France Digitale, le grand marché de la commande publique reste encore trop difficile d'accès aux startups : « pour commencer, il ne correspond pas sur le critère de temps : un an d'attente, c'est trop long pour les startups, qui peuvent pivoter plusieurs fois sur une telle durée. Ensuite, les critères de fiabilité requièrent souvent d'avoir 3 ans d'ancienneté, ce qui n'est pas le cas pour bon nombre de startups. »

Si l'Etat a mis en place quelques mesures pour assouplir l'accès aux appels d'offres, comme les achats d'innovations (pour les commandes en dessous de 100.000 euros), elles ne permettent pas aux startups de lutter. Résultat : à l'heure où le gouvernement insiste sur la réindustrialisation, les startups ne peuvent pas encore participer au mouvement.

François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 09/11/2021 à 7:54
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Et deux milliards de plus d'argent public détourné, deux. Former les gens au chômage, aux emplois pourris et mal rémunérés voilà le taf de pôle emploi étrillé par la cours des comptes depuis 2016. Mais c'est bien continuez tous personne ne vous voit ...

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