French Tech Paris-Saclay, nouvelle capitale des deeptech

L'antenne de la French Tech à Paris-Saclay présente une particularité : 75% de ses startups adhérentes sont des deeptech, porteuses de technologies innovantes, souvent issues des laboratoires environnants. Labellisée « Capitale French Tech » jusqu'à 2025 ce jeudi, l'association de Paris-Saclay se projette comme porte-parole des deeptech, et compte montrer comment les mettre en valeur.
François Manens
La French Tech Paris-Saclay se projette en porte-parole des deeptechs.
La French Tech Paris-Saclay se projette en porte-parole des deeptechs. (Crédits : French Tech Paris-Saclay)

C'est une des trois nouvelles « Capitales » de la French Tech. La French Tech Paris Saclay, installée sur le plateau du même nom, surnommé à tort ou à raison la « Silicon Valley française », s'apprête à prendre une nouvelle dimension avec la seconde vague de labellisation des territoires French Tech, annoncée ce jeudi pour la période 2023-2025. « Grâce au statut de Capitale, nous espérons devenir un des porte-parole de la deeptech à l'échelle nationale », ambitionne la directrice générale de l'association, Nadia Benallal.

Forte de près de 300 startups membres, dont 75% d'innovations de rupture issues pour l'essentiel de la recherche académique, la French Tech Paris-Saclay a des arguments de choix pour revendiquer ce statut. La structure porte de grandes attentes pour ses champions locaux : « Nous voulons passer à l'échelle, pour qu'un plus grand nombre de nos startups apparaissent dans le French Tech 120 et le Next40 [l'indice des startups les plus prometteuses de l'écosystème, sélectionnées par les pouvoirs publics, Ndlr] ».

Lire aussiComment la Bourgogne-Franche-Comté est devenue attractive pour les startups

La deeptech, nouveau moteur de la French Tech

La French Tech Paris-Saclay doit sa spécialisation dans les deeptech à l'extrême concentration de laboratoires de recherche (CEA, CNRS, Inria, Onera...), de grandes écoles d'ingénieurs (Polytechnique, CentraleSupélec, AgroParisTech...) et de grands industriels (Airbus, EDF, Siemens, Valeo...) sur le plateau. Un écosystème unique en France. Ses startups portent ainsi des projets ambitieux, capables de potentiellement révolutionner des secteurs industriels entiers. Mais en contrepartie, elles accusent un temps de développement et donc un retour sur investissement plus long que les startups du numérique, qui ont fait le succès de la French Tech dans les années 2010, comme Blablacar ou Doctolib.

Les deeptech se retrouvent ainsi sous-représentées dans les classements comme le French Tech 120, établis à partir de critères tels que la taille des levées de fonds et le chiffre d'affaires réalisé. Mais dès 2019, avec le premier plan Deeptech (qui coïncide par ailleurs avec la création de la French Tech Paris-Saclay), les pouvoirs publics ont multiplié les initiatives pour favoriser leur financement et leur développement. Ces efforts commencent à porter leurs fruits : alors que l'écosystème de la tech traverse une crise inédite et que les investisseurs se détournent du modèle de la croissance à tout prix, les deeptech, au cœur des priorités stratégiques du gouvernement pour la tech, apparaissent comme des cibles prioritaires d'investissement. « Depuis deux ans, on ressent que le gouvernement est plus à l'écoute sur les besoins industriels, avec le guichet première usine par exemple. Les startups deeptech sont beaucoup mieux considérées et comprises », se réjouit Nadia Benallal.

La nouvelle tête d'affiche de Paris-Saclay, Pasqal, est un bon exemple de cette nouvelle dynamique. La startup s'est lancée en 2020 dans la course pour construire le premier ordinateur quantique performant, face à des géants mondiaux comme Google et IBM. Pour y parvenir, elle s'appuie sur une technologie développée au Laboratoire Charles Fabry (Institut d'Optique/ CNRS), sur le plateau de Paris-Saclay. L'un de ses cofondateurs n'est autre que le prix Nobel de physique 2022,  Alain Aspect, ce qui a permis à la jeune pousse de lever 100 millions d'euros au début de l'année, une petite prouesse étant donné la frilosité actuelle du capital-risque. Parmi les figures de l'écosystème issues de la région se trouvent aussi le champion de l'alimentation Ÿnsect et la fintech Ivalua, toutes deux membres du FT120. Le CEO d'Ivalua a d'ailleurs parrainé le Paris-Saclay Spring, l'événement local, pour partager son expérience de la levée de fonds et du passage de son entreprise à l'international auprès de 50 lauréats du cru.

Lire aussiLa Réunion, porte-étendard de l'innovation dans les Outre-Mer

La French Tech dans son rôle de réseau

« Dès notre création, grâce à nos adhérents deeptech, nous avons pu prouver aux chercheurs et aux grands groupes que nous comprenions les enjeux des technologies de rupture, et que nous pouvions leur venir en aide », raconte Nadia Benallal. La French Tech Paris-Saclay ne comptait au départ que sur le soutien des collectivités locales environnantes, mais elle a rapidement réussi à fédérer autour d'elle les centres de recherche et les instituts académiques.

La tâche n'était pourtant pas simple : les stéréotypes du startupper font office de repoussoir pour le milieu de la recherche. Pour ses premiers pas, l'association a compté sur le soutien de la SATT (société d'accélération des transferts technologiques, où elle avait ses bureaux) et d'organismes dédiés à la création de startups comme le CEA List et le CNRS Innovation. « Le rôle de la French Tech est d'aider les porteurs de projet à trouver le bon accompagnement sur le territoire », rappelle la directrice.

Pour concrétiser cette promesse, la French Tech réunit les représentants des lieux d'innovation (incubateurs, accélérateurs, fablab...) du territoire tous les deux mois, et fait de même tous les trois mois avec les directeurs R&D des grands comptes. Elle endosse ainsi son rôle de créateur de réseau, au centre de sa mission, en plus de servir de relais aux différents programmes nationaux proposés par la Mission French Tech, à l'image . Les organismes de recherche y trouvent un appui pour faire sortir les startups des laboratoires tandis que les industriels y voient un relai idéal pour leurs politiques d'open innovation. Bref, tout le monde y trouve son compte.

Le budget par la capitale French Tech Paris Saclay se trouvera dans une fourchette entre 50.000 et 100.000 euros -le montant exact obtenu n'est pas encore fixé. Une goutte d'eau à l'échelle des investissements publics dans l'innovation, qui se comptent en milliards d'euros.

Désenclaver Paris-Saclay

Outre l'accent sur les deeptechs, la French Tech Paris-Saclay va multiplier les programme d'inclusion et de diversité, à la fois au niveau des associés en rassurant par exemple les femmes chercheuses qui hésitent à lancer leurs projets, et au niveau des employés.« Nous devons permettre aux startups locales d'identifier des talents issus de la diversité, qui ne sortent pas forcément des grandes écoles du plateau », estime la directrice. Autrement dit, la French Tech cherche à désenclaver Saclay, à la fois à l'échelle nationale mais aussi à l'internationale pour alimenter les startups en main d'œuvre plus diversifiée.

L'association compte aussi poursuivre ses travaux pour améliorer la « porosité »entre les grands comptes et les startups. Elle va ainsi son « Deeptech factory network  », un projet jusqu'ici en test, qui va permettre aux startups en phase de pré-industrialisation de s'installer chez de grandes entreprises partenaires. Danone et EDF vont par exemple fournir des bureaux à des jeunes pousses, à des tarifs modérés, imposés par la French Tech. « En plus de l'installation dans des locaux, cette initiative va permettre aux startups d'avoir accès à des équipements rares et coûteux, ainsi qu'à un réseau d'experts, pour leur permettre de passer à l'échelle industrielle », promeut Nadia Benallal.

Pour appuyer son changement d'échelle, la French Tech Paris-Saclay a déménagé fin 2022 au Playground, un nouvel immeuble de 6.000 mètres carrés de bureaux sur six étages, dédié à l'accueil de startups et de PME innovantes, comme le rapporte Les Echos. Conçu par l'établissement public d'aménagement Paris-Saclay, il s'agit du premier bâtiment du plateau à ne pas être dévolu à une entreprise ou à un établissement particulier.

François Manens

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.