Photoroom : l'ascension fulgurante du ChatGPT français de la retouche photo

La startup tricolore s'est hissée dans les meilleurs téléchargements des magasins d'applications, grâce aux petits commerçants et aux revendeurs des plateformes, qui l'utilisent pour retoucher leurs photos de produits en quelques clics. La jeune pousse, qui vient de lever 43 millions d'euros, est l'une de ces entreprises permettant de rendre l'IA grand public. Mais cette très large diffusion d'images synthétiques, pas toujours signalées comme telle, questionne également.
Une photographie retouchée grâce à l'IA de Photoroom.
Une photographie retouchée grâce à l'IA de Photoroom. (Crédits : capture d'écran Photoroom)

En un clic, votre selfie est détouré. Un autre clic et voilà votre visage sur fond (au choix) de plage paradisiaque, d'une plaque de marbre ou d'une « maison confortable ». Le tout a pris quelques secondes, via Photoroom. Cette application, qui se hisse dans les « Tops téléchargements » des catégories photos de l'App Store et Google Play, permet de retoucher et de modifier très facilement une image depuis son téléphone portable, et sans aucune compétence spécifique. L'entreprise fait partie des acteurs montants de l'intelligence artificielle en France, avec Mistral AI, Hugging Face ou Giskard. Elle vient de réaliser une deuxième levée de fonds de 43 millions d'euros auprès des fonds Balderton Capital, Aglaé Ventures et de l'incubateur américain Y Combinator, portant sa valorisation à 500 millions d'euros. Elle avait précédemment levé 19 millions de dollars fin 2022.

Ce financement permettra à l'entreprise lancée en 2019 d'investir dans des processeurs graphiques et l'achat d'images pour agrandir sa base de données, et améliorer son modèle d'intelligence artificielle. La jeune pousse parisienne, qui emploie une soixantaine de salariés, compte aussi doubler son effectif cette année.

On est loin des montants de Mistral AI, le champion français de l'IA générative (qui vient de nouer un partenariat avec Microsoft) et dont la valorisation a atteint les 2 milliards de dollars. Mais Photoroom peut se targuer d'avoir un produit déjà prêt à l'emploi, utilisé dans 50 pays, principalement les Etats-Unis. Son revenu annuel récurrent a dépassé les 50 millions de dollars l'an dernier, précise Matthieu Rouif, PDG de l'entreprise. L'application, qui a été téléchargée 150 millions de fois, est gratuite, mais il faut payer un abonnement pour accéder à plus de fonctionnalités.

Photoroom doit son succès aux revendeurs des plateformes de seconde-main

Le gros de ses 30 millions d'utilisateurs actifs sont des petits commerçants, des revendeurs particuliers présents sur les sites de seconde main comme Depop, Vinted, ou eBay, et des restaurateurs qui passent par les plateformes de livraison. C'est la fonctionnalité détourage qui a rendu Photoroom apprécié de cette catégorie d'utilisateurs. Mais désormais, l'appli propose aussi d'ajouter du flou, des ombres, et surtout de générer des fonds grâce à son modèle d'IA maison. Vous pouvez ainsi détourer une photo de pizza puis la placer sur une table en bois générée par IA. Mieux : il est aussi possible d'écrire soi-même un prompt (un court texte) pour définir le fond que l'on souhaite. « Au fil du temps, nos clients deviennent de plus en plus exigeants : ils veulent de plus en plus détails, des décors plus précis », observe Matthieu Rouif. « C'est assez impressionnant de constater à quel point les utilisateurs s'habituent à un outil qui n'existait pas il y a un an ».

Les nouvelles fonctionnalités ont permis à la startup d'attirer de plus gros clients. En plus de ces entrepreneurs, l'entreprise travaille directement avec des plateformes d'e-commerce, comme Bolt Food (livraison de repas) et Selency (brocante en ligne) notamment, et des marques comme Bulgarie ou Warner Bros (avec le film Barbie) qui utilise Photoroom pour créer des campagnes marketing.

La jeune pousse reprend une partie du marché d'un précédent succès tricolore : Meero. La plateforme, qui s'était fait remarquer avec une levée de fonds record en 2019, met en relation plateformes de livraison et de location avec des photographes en freelance. L'entreprise se charge ensuite de retoucher grâce à l'IA les images. Après des difficultés liées notamment à la pandémie, et un vent critique chez les photographes sur ses méthodes et ses tarifs, la startup, qui a licencié 50 % de ses salariés en 2022, s'est davantage concentrée sur la partie logiciel de son modèle.

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Un modèle d'IA davantage borné qu'un Midjourney

Photoroom se distingue par la simplicité de son app. Le modèle est similaire à Midjourney ou Stable Diffusion, qui permettent de créer une image à partir d'une simple description. Mais celui de Photoroom « est optimisé pour la photo de produit ou de commerce, et l'usage mobile », explique le dirigeant. L'outil est aussi davantage borné. « Il génère une image à partir d'une photo existante, ce qui le contraint », précise l'entrepreneur. De quoi limiter la création de contenus problématiques (pornographie, scène de violence etc), estime le dirigeant. Son modèle est entraîné sur des millions d'images, des photos des utilisateurs mais aussi des images achetées à des entreprises.

Photoroom est loin d'être le seul acteur à proposer de la retouche photo dopée à l'IA générative. L'arméno-américain Picsart, qui a levé près de 200 millions de dollars, propose une offre similaire, quoique moins concentrée sur le commerce. Par ailleurs les fonctionnalités (création de fond, détourage...) sont disponibles chez le géant du secteur : Adobe. « Mais nous ne nous adressons pas au même public. Nos utilisateurs ne sont pas des spécialistes du design. Ce sont des entrepreneurs, des commerçants, qui n'ont pas le temps à perdre pour retoucher une image. » Pour générer un fond, il faut à Photoroom 1 seconde, contre 30 environ pour un programme d'IA générative d'images comme Midjourney.

Pour le moment la mention « générée par IA » n'est pas obligatoire

La startup qui veut rendre « accessible à tous le pouvoir de produire des photos incroyables », pose aussi la question de la généralisation des contenus générés par intelligence artificielle. Cet outil à portée de n'importe quel utilisateur banalise la création et la diffusion d'images synthétiques. « L'édition de photo est déjà largement automatisée par l'intelligence artificielle. Quand on prend une photo avec un téléphone, la photo est déjà systématiquement retouchée automatiquement », nuance Matthieu Rouif. « On fait des gros progrès en ce moment, mais l'IA est déjà utilisée par l'ensemble des utilisateurs de smartphone ».

Certes, mais la possibilité de créer un décor qui n'existe pas en quelques secondes pousse le curseur bien plus loin. Pour le moment, les particuliers ne sont pas tenus d'indiquer quoique ce soit lorsque leur photo est partiellement générée par intelligence artificielle. Et lors des campagnes marketing, aucune mention de l'IA n'est pour le moment obligatoire. Seule la mention « photo retouchée » l'est, comme pour les campagnes plus classiques. En France, une proposition de loi déposée à l'automne 2023 sur l'encadrement de l'IA par le droit d'auteur entend imposer la mention « générée par IA ».

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Commentaires 2
à écrit le 02/03/2024 à 8:51
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Avec un.super outil omme.le deep learning il va falloir du temps avant de le maîtriser. L'humain est obligé de se contrôler lui même avant de le contrôler

à écrit le 01/03/2024 à 13:40
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Une application pour retoucher des photos avec AI ouah 🤭

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