Prix Tech for Future 2023 : Fairme, les micro-laiteries autonomes qui réinventent la production et la distribution des produits laitiers

C’est une innovation technologique qui veut casser les codes de l’industrie agroalimentaire. Fairme a imaginé un atelier permettant de transformer, de manière totalement autonome, du lait frais en fromages et yaourts fermiers. Des micro-laiteries directement implantées à côté de l’étable qui pourraient offrir un nouveau débouché aux éleveurs et fournir aux consommateurs des produits frais, locaux et de qualité. Fairme remporte le prix Tech for Future 2023, organisé par La Tribune, dans la catégorie Coup de Cœur. Portrait.
Nathan Freret, de Fairme, gagne le prix Tech for Future 2023, organisé par La Tribune, dans la catégorie Coup de coeur. Ici lors de la cérémonie de remise des prix, au Grand Rex de Paris, le 6 avril 2023.
Nathan Freret, de Fairme, gagne le prix Tech for Future 2023, organisé par La Tribune, dans la catégorie Coup de coeur. Ici lors de la cérémonie de remise des prix, au Grand Rex de Paris, le 6 avril 2023. (Crédits : Georges Vignal)

Imaginez une petite couche de crème à l'ancienne au-dessus de votre yaourt. C'est pour offrir au plus grand nombre ce goût unique des produits de la ferme que Fairme (fair-mi) est né. Créée en 2020, la startup veut donner un coup de pied dans la fourmilière de l'industrie agroalimentaire. « Un autre modèle est possible » argumente Nathan Freret, directeur des opérations et du développement au sein de l'entreprise. « On veut casser le schéma classique collecteurs-transformateurs-supermarchés ».

L'idée de la pépite grenobloise est donc de supprimer les intermédiaires et de s'affranchir des grandes laiteries industrielles. La startup propose alors aux consommateurs de passer commande sur une application et de venir ensuite récupérer directement les produits laitiers à la ferme. Mais comment parvenir à ce modèle basé sur l'ultra-court et l'ultra-frais ?

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Micro-laiterie bardée de technologies pour transformer le lait en produits

Fairme a imaginé pour cela un atelier directement implanté sur l'exploitation, à quelques mètres seulement de la salle de traite. Un atelier entièrement autonome capable de transformer jusqu'à 1.500 litres de lait par jour en une large gamme de produits.

Ce cabanon de la taille d'un conteneur maritime (6 mètres sur 2,5) a été conçu par une équipe d'une vingtaine d'ingénieurs qui ont allié robotique, intelligence artificielle et mécanique. « Juste après la traite, le lait chaud est injecté dans l'atelier. Tout est ensuite robotisé. Des capteurs analysent la température, la quantité de matière grasse, de protéines ce qui permet de faire aussi bien un yaourt, que de la crème ou une tomme par exemple. Toutes les étapes sont réalisées à l'intérieur que ce soit le caillage, le pressage ou le moulage à la louche. On peut même affiner des fromages jusqu'à deux mois en reproduisant l'environnement et le taux d'humidité d'une cave » détaille Nathan Freret.

Cette micro-laiterie bardée de technologies est née dans la tête de Loïc Lecerf, 43 ans, docteur en intelligence artificielle. Après avoir développé un logiciel dans le domaine de la conduite autonome, ce multi-entrepreneur s'est intéressé à l'industrie laitière en faisant un double constat. D'un côté, on trouve des consommateurs qui ont toujours plus envie de produits frais, sains et fabriqués localement. Et de l'autre, il y a les éleveurs qui ont du mal se dégager un revenu décent.

Fairme tente donc de résoudre cette équation. Et là où le modèle créée la rupture, c'est que l'agriculteur n'a rien à faire. La startup s'occupe de tout, de l'installation de l'atelier à la transformation des produits jusqu'à la vente grâce à un distributeur automatique ou via un système de livraison dans un rayon de 90km. Surtout, l'éleveur n'a pas un seul centime à débourser. Pas besoin de s'endetter, Fairme prend tout en charge. L'entreprise prévoit même de payer un loyer à l'agriculteur pour l'emplacement de l'atelier.

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Meilleure valorisation du travail des éleveurs

Mais avant d'arriver à un tel projet, il a fallu relever trois défis : la miniaturisation des machines pour que le cabanon ne soit pas trop volumineux et puisse être répliqué ; la reproduction des gestes artisanaux des fermiers, sans aucune intervention humaine, et enfin le respect des agréments sanitaires, jusqu'ici jamais accordés à un atelier autonome.

Un travail de longue haleine, qui s'est fait dans la plus grande discrétion pendant plus de deux ans. « Nous avons gardé secret au maximum notre projet, le temps de déposer les brevets et de se préparer à d'éventuelles attaques de la part des industriels, car notre technologie va bouleverser le secteur. Encore aujourd'hui, nous ne montrons pas ce que contient précisément l'atelier pour des questions de propriété intellectuelle » indique Nathan Freret.

Ce qui n'a pas manqué de susciter la curiosité au Salon de l'Agriculture, fin février, où cette micro-laiterie autonome était présentée pour la première fois. « Les géants du secteur, Danone, Sodiaal ou encore Lactalis, sont venus nous rencontrer sur notre stand » poursuit le dirigeant. « Ils voulaient comprendre notre concept. »

Les éleveurs, eux, ont semblé séduits, attirés par cette solution novatrice qui pourrait leur offrir un débouché supplémentaire. D'autant que Fairme leur promet une meilleure rémunération. L'entreprise prévoit en effet d'acheter le lait 1,5 à 2 fois plus cher que les laiteries traditionnelles, soit entre 60 et 80 centimes le litre. Une rétribution plus conséquente rendue possible par l'absence de coûts liés à la main d'œuvre et aux déplacements, précise la startup iséroise. Cette économie de transports rend, par ailleurs, le projet écologique et pourrait permettre de diviser par deux les gaz à effet de serre par rapport à l'industrie laitière.

10 fermes équipées d'ici à la fin de l'année

Pour l'instant, l'atelier autonome de Fairme est testé dans une exploitation du Vercors, à Saint-Nizier-du-Moucherotte, à quelques kilomètres de Grenoble. Les premiers yaourts et fromages devraient être commercialisés fin mai, à un prix similaire au bio des grandes surfaces.

L'objectif est ensuite d'équiper 10 fermes cette année et une centaine l'an prochain partout en France. Mais chaque installation fera au préalable l'objet d'une étude de marché car, pour être viable, l'atelier doit attirer une centaine de clients par semaine.

Côté financement, Fairme a été capitalisée à hauteur d'un million d'euros par son fondateur, Loïc Lecerf. Elle a aussi bénéficié de dotations remportées dans le cadre du concours I-nov de l'Ademe et France 2030, et d'un appel à projet de Bpifrance sur la deeptech. L'entreprise compte maintenant réaliser une levée de fonds de 15 à 20 millions d'euros pour poursuivre son développement.

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« Tech for Future » est le grand événement tech de La Tribune, piloté par les rédactions de La Tribune et soutenu par des partenaires officiels tels que la Mission French Tech, Bpifrance, Business France, BNP Paribas, Dalkia et Deloitte, ainsi qu'une centaine d'acteurs de la tech. Il se compose d'une tournée en janvier et février dans tous les territoires (11 étapes dont 8 en métropole et 3 en Outre-Mer), pour repérer les innovations qui changent le monde dans tous les domaines, et des débats à chaque étape sur le rôle économique, sociétal et géopolitique de la tech pour la France et l'Europe.

Au terme de cette tournée, 51 startups de tous les territoires ont été primées. Parmi elles, La Tribune a révélé au Grand Rex de Paris, le 6 avril, les 10 grands gagnants 2023. Après sa victoire lors de la sélection dans la région Aura, Fairme est le grand gagnant national du prix « Coup de cœur ».

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Commentaire 1
à écrit le 18/04/2023 à 16:53
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C'est formidable. Je suis très fière de toi encore une fois. Je t'admire et je pense que ton grand-père s'il te vois n'en peut plus de joie. Merci mon chéri de m'apporter autant de bonheur

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