
Mercredi 24 novembre, Bercy abattait la guillotine sur l'américain Wish, un célèbre site de vente en ligne de produits à très bas prix. Ou du moins, c'est ce que l'on pensait, car 48 heures plus tard, le couperet n'est toujours pas tombé.
Bruno Le Maire avait ordonné que la plateforme soit déréférencée des moteurs de recherche -Google, Bing, Qwant, Ecosia ou encore Lilo- ainsi que des magasins d'application mobiles - l'App Store et le Google Play Store. Autrement dit, le ministère de l'Economie voulait que Wish n'apparaisse plus dans les résultats de recherche. L'objectif de cette démarche sans précédent : rendre le site pratiquement introuvable pour les internautes français, à moins qu'ils ne tapent eux même "wish.com" dans leur barre de navigation. En cause : un nombre affolant de produits -notamment électroniques- jugés dangereux par une enquête de Bercy, et la réponse "non satisfaisante" de Wish aux demandes de retraits de Bercy.
La messe paraissait dite. Sauf que le 26 novembre, deux jours après cette annonce coup de poing, personne n'a suivi l'ordre... sauf le Français Qwant. Un préjudice bien léger : Qwant pèse moins d'1% sur le marché français de la recherche en ligne. En revanche, Wish trône toujours sur Google (91% de parts de marché) et sur tous les autres moteurs de recherche dont Bing, Yahoo, Ecosia, DuckDuckGo ou encore Lilo. Même problème pour l'application mobile : pour l'instant, Google et Apple ont ignoré la requête de Bercy.
Blocage en début de semaine prochaine ?
Contactés par la Tribune, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), à l'origine de la sanction, justifie vaguement cette passivité :
"L'injonction de la DGCCRF a laissé quelques jours aux moteurs de recherche et magasins d'application pour prendre les mesures techniques nécessaires au déréférencement du site de e-commerce Wish et au blocage des nouveaux téléchargements de son application mobile.", précise-t-elle.
Ce délai se justifie pourtant difficilement par la technique : il ne faut guère plus de quelques heures, voire minutes, aux moteurs pour bannir l'affichage d'un résultat de recherche. La rapidité de Qwant en est la preuve.
De son côté, Google France explique à la Tribune qu'il est "presque normal que rien n'ait été fait", car la DGCCRF leur a laissé "jusqu'au début de la semaine prochaine" pour agir. Le décalage entre l'annonce et sa mise en action serait donc plutôt de l'ordre organisationnel que technique.
Pourquoi attendre, alors ? "Nous sommes en train de prendre connaissance des injonctions de la DGCCRF pour bien la comprendre et agir au mieux", ajoute Google France.
Contactés, Apple et les Français Qwant et Lilo n'ont pas répondu à nos questions. Dans tous les cas, Bercy ne compte pas laisser le choix : "Ne pas appliquer l'injonction de la DGCCRF relève d'une infraction pénale passible de poursuites", rappelle l'administration à La Tribune.
Le Black Friday, repas du condamné pour Wish
Une chose est sûre, cet attentisme joue en la faveur du site américain, puisqu'il lui a permis de participer à la grande journée de soldes du Black Friday qui se tient ce 26 novembre. Etre moins visible à cette date très importante pour les e-commerçants aurait constitué un coup dur pour Wish, tout comme disparaître des moteurs de recherche et des magasins applicatifs pourrait l'être lors les fêtes de fin d'année.
Une question demeure : pourquoi donner un délai à Google et Apple ? Pourquoi laisser à Wish l'opportunité de profiter du Black Friday et du Cyber Monday, qui représentent des pics d'activité pour le e-commerce ?
140 produits proposés à la vente se trouvaient ainsi dans le viseur du régulateur. Bien que Wish les aient dans un premier temps retirés de sa plateforme, Bercy constate qu'ils réapparaissent à intervalle régulier sous un autre nom. Avec le délai accordé, les consommateurs peuvent donc s'être retrouvés inutilement exposés à des produits dangereux.
Dans un communiqué, le site nie les accusations de Bercy et s'oppose à l'injonction :
"Wish se conforme toujours aux demandes de retrait de la DGCCRF et est, par conséquent, perplexe face à l'approche excessive à l'égard de cette question. Nous avons essayé à plusieurs reprises d'engager le dialogue de manière constructive avec la DGCCRF. Nous entamons maintenant un recours juridique pour contester ce que nous considérons comme une action illégale et disproportionnée menée par la DGCCRF."
Quoiqu'il en soit, si Wish ne change pas ses pratiques, Bercy le menace d'ordonner sa disparition pure et simple (en pratique) du web français. Encore faudrait-il que le ministère soit écouté...
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