Pannes à répétition, chute des revenus : le Twitter d'Elon Musk en plein naufrage

Twitter va mal. Le chiffre d'affaires du réseau social est en chute libre, les nouveaux relais de croissance ont calé au lancement, et le service enchaîne les pannes. Seul à la barre depuis quatre mois alors qu'il avait promis de chercher un nouveau directeur général, Elon Musk continue de promettre l'équilibre financier en 2023... alors que les spécialistes se posent, eux, la question de la survie même de Twitter. Décryptage.
François Manens
Rien ne va chez Twitter.
Rien ne va chez Twitter. (Crédits : BRENDAN MCDERMID)

Une nuit chaotique de plus pour Twitter. Lundi 6 mars en fin de soirée, plus aucune image ne s'affichait correctement sur le réseau social, pendant plus de deux heures. Ensuite, plus tard dans la nuit, Elon Musk a entamé une discussion publique lunaire avec l'un de ses anciens employés. Ce dernier l'interpellait pour lui demander s'il avait bel et bien été licencié ou non neuf jours auparavant. Et pour cause : il n'obtenait pas de réponse des ressources humaines de Twitter après la coupure de l'accès à son ordinateur de travail. Ces deux incidents, l'un technique, l'autre humain, sont symptomatiques des galères que traverse le réseau social.

Depuis son arrivée fin octobre, Musk a réduit les effectifs de l'entreprise d'environ 80%, à 2.000 employés et contractuels. L'entrepreneur répète qu'il vise l'équilibre financier en 2023 pour Twitter, ce qui passe d'après lui par un large plan de coupes budgétaires à tous les niveaux, en plus d'un virage économique pour moins dépendre de la publicité. Mais la méthode Musk ne prend pas : Twitter Blue, l'abonnement au cœur du nouveau modèle, réalise un lancement catastrophique, tandis que de nombreux gros annonceurs ont fui la plateforme. En parallèle, la saignée des effectifs se traduit par une dégradation vertigineuse de la qualité du service. De quoi se demander : le Twitter d'Elon Musk fonce-t-il vers sa perte ?

Chute de 40% du chiffre d'affaires

D'après le Wall Street Journal, qui cite un communiqué envoyé aux investisseurs de Twitter, le chiffre d'affaires du réseau social s'est effondré de 40% en 2022 par rapport à 2021, où il s'élevait à 5 milliards de dollars. Le constat est encore pire sous la direction d'Elon Musk : l'entreprise a dégagé 70% de revenus en moins en décembre 2022 qu'en décembre 2021. Malgré ces chiffres accablants, le milliardaire continue de s'auto-féliciter d'avoir évité une faillite selon lui assurée à cause de la gestion des anciens dirigeants.

Pourtant, son rachat a alourdi les comptes de Twitter : afin de conclure l'opération, Elon Musk a endetté le réseau social à hauteur de 13 milliards de dollars auprès de grandes banques. L'entreprise doit ainsi payer plus d'un milliard de dollars d'intérêts par an. Pour ne rien arranger, une partie de la dette est adossée à un taux d'intérêt de 15%, et les banques qui l'ont financée n'arrivent pas à la revendre à des acteurs tiers comme il est de coutume, signe du manque de confiance du marché dans la capacité de remboursement de l'entreprise. Mais au moins, Twitter aurait tout de même fait son premier paiement à la fin de l'année 2022, selon le Wall Street Journal.

Pourtant, le nouveau Twitter se taille déjà une image de mauvais payeur, et devra faire face dans les prochains mois à au moins six procès. Ses fournisseurs lui réclament des sommes comprises entre 220.000 et 2 millions de dollars pour des services divers, de l'accès à des logiciels spécialisés à du conseil juridique. En décembre, le bailleur de l'entreprise à San Francisco réclamait aussi ses loyers.

Echec de l'abonnement Twitter Blue, censé sauver Twitter

Cet effondrement du chiffre d'affaires est en partie dû au fiasco de Twitter Blue, l'abonnement premium censé devenir le pilier du modèle économique du réseau social. Dès son lancement début novembre, la fonctionnalité avait dû être renvoyée illico presto dans les bureaux des développeurs après de nombreux détournements malveillants. Puis, en amont du second lancement, Elon Musk était entré en guerre contre « la taxe Apple » -une référence aux 30% de commission de l'App Store- qui s'est résolu en une montée du prix de l'abonnement à près de 12 euros sur les magasins d'application (contre 8 euros directement via le site). A ce prix, Twitter donne accès à toute une liste de fonctionnalités avant tout gadget : afficher un NFT en photo de profil, organiser ses marque-pages (une fonctionnalité très peu utilisée) en dossiers, modifier la couleur du logo de l'app ou encore publier des vidéos en meilleure qualité. La fonctionnalité exclusive de modification des tweets, très attendue, s'avère limitée puisqu'elle ne s'étend pas aux réponses.

Mais Blue conserve son principal argument de vente : un macaron de certification apposé à droite du nom de l'utilisateur, qui était auparavant le signe d'une vérification d'identité réservée aux personnalités publiques. Problème : à peine trois mois après son lancement, le nombre d'abonnés stagne déjà, et une partie des premiers convaincus commence à résilier. The Information indiquait mi-février, de sources internes, que le service n'avait convaincu que 290.000 abonnés dans le monde (dont plus de la moitié aux Etats-Unis). Cette masse d'abonnés pourrait rapporter 28 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel à l'entreprise, un total dramatiquement faible comparé à son chiffre d'affaires de 2021 qui se compte en milliards de dollars.

70 des 100 plus gros annonceurs ne dépensent plus un dollar

Le fiasco de Twitter Blue ne serait pas aussi dramatique pour l'entreprise si son modèle publicitaire se portait bien. En 2021, Twitter dépendait de la publicité en ligne pour plus de 90% de son chiffre d'affaires. Mais aujourd'hui, il subit à la fois les conséquences du ralentissement du marché, et celles des prises de positions d'Elon Musk.

L'homme d'affaires s'est pleinement engagé dans la guerre culturelle américaine juste après son coming-out conservateur. Il a amnistié les centaines de milliers de comptes bannis par l'ancienne direction, il relaie sur son compte des propos anti-vaccin ou encore, il traite de désinformation les articles sourcés et vérifiés émanant de médias réputés. Résultat : 70 des 100 plus gros annonceurs historiques de Twitter ne dépensaient plus un dollar sur la plateforme fin février, selon les analyses de Sensor Tower.

Twitter cherche désespérément de l'argent

Face à ces échecs cuisants, Elon Musk gesticule pour trouver de nouveaux financements. Courant février, la presse américaine rapportait que Twitter envisageait de faire payer plus de 1.000 dollars par mois aux entreprises pour conserver leur badge de vérification, aujourd'hui gratuit, qui confirme leur légitimité. Le dirigeant a aussi annoncé que Twitter permettrait bientôt à des personnalités influentes de gagner un pourcentage des revenus publicitaires générés par leurs contenus, sans entrer dans le détail. Seule précision : les influenceurs devront être abonné à Twitter Blue pour profiter du programme. Autrement dit, ils devront dépenser de l'argent pour espérer gagner de l'argent. Musk a aussi décidé de faire payer l'API gratuite de Twitter, un outil de partage de données, qui a permis à de nombreux projets indépendants de bâtir des services pour améliorer l'expérience des utilisateurs du réseau social.

Pour finir, courant février, Twitter a envoyé un message étrange à ses utilisateurs : la double-authentification par SMS, une couche de sécurité supplémentaire qui permet de ne pas se faire voler son compte en cas de vol de mot de passe, ne sera accessible qu'aux abonnés de Blue à partir de mi-mars. En réponse aux critiques, l'entreprise a argué qu'elle laissait les deux autres méthodes de double authentification (par une app et par une clé physique) gratuites, et même précisé à juste titre qu'elles étaient plus sûres. Autrement dit, elle met derrière son paywall la méthode de sécurisation des comptes la moins sécurisée bien qu'elle soit la plus populaire (avec 74% d'adoption parmi les 2,6% d'utilisateurs qui ont activé la double authentification). Ce choix étrange s'expliquerait par la volonté de Musk de faire des économies de bout de chandelle sur l'envoi des SMS.

Saigné par les coupes, Twitter fonctionne -sans surprise- moins bien

En effet, faute de revenus, Elon Musk « coupe les coûts comme un fou », dixit lui-même. Cette politique s'est traduite par les violentes vagues de licenciements, mais aussi par l'arrêt de certaines dépenses : le dirigeant a par exemple fermé des datacenters, dont celui de Sacramento en Californie. En conséquence, la latence [le temps de réponse du site entre la commande de l'utilisateur et l'action, nldr] de Twitter se dégrade lentement pour une partie des utilisateurs, comme l'a confirmé le site Platformer.

Musk a aussi pendant un temps annulé l'abonnement de l'entreprise à l'outil de discussion d'entreprise Slack, avant de le reprendre, et fait de même avec Jira, un outil de gestion de projet et de suivi des bugs essentiel au travail des développeurs en interne. Sans surprise, avec moins d'employés et moins de ressources, Twitter fonctionne moins bien. La plateforme empile déjà sept incidents majeurs, qui ont entravé son fonctionnement, depuis le début de l'année.

Suite à l'incident technique de lundi soir, le septième donc, le milliardaire s'est plaint que le code du réseau social était « trop friable » et a indiqué qu'il aurait besoin à terme d'une « réécriture complète ». Une déclaration perçue comme une aberration de plus aux yeux de nombreux connaisseurs de l'informatique. Plus généralement, Musk semble peiner à comprendre son propre site. Début février, il a passé son compte en « privé », de sorte que seuls ses abonnés avaient accès à ses tweets. La raison ? Il souhaitait lui-même vérifier -par une méthode en aucun cas scientifique- une théorie selon laquelle un biais algorithmique avait pour conséquence de prioriser l'affichage des tweets écrits par des comptes privés.

Elon Musk semble dépassé par les enjeux, et la méthode brutale qu'il a utilisée dans ses autres entreprises ne semble pas fonctionner ici. Mais alors qu'il avait promis en décembre de quitter son poste de PDG suite à un sondage sur son compte, l'homme d'affaires joue désormais sur les mots. Il a déclaré lors du World Government Summit à Dubaï qu'il avait « besoin de stabiliser l'organisation et de s'assurer qu'elle soit financièrement saine », avant de déléguer le rôle. Il estime que ce stade sera atteint d'ici la fin 2023. Problème : absolument rien n'indique aujourd'hui que Twitter est en train de remonter la pente.

François Manens

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Commentaires 9
à écrit le 08/03/2023 à 10:57
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Virer 80% des employés et croire que ça va continuer à tourner "comme avant", c'est quand même osé. Supposons que Twitter ferme son service. Quelle conséquence pour les clients? La réponse est facile: strictement aucune, ce truc est rapidemment remp...

à écrit le 08/03/2023 à 2:17
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Peut on vivre sans Twitter la réponse sera oui. La situation de Twitter laisser peser un sérieux doute sur 'image d'entrepreneur visionnaire attribuée à Mr Musk.

à écrit le 07/03/2023 à 21:04
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Le VRAI problème est surtout que nos médias , qui idolaient Musk pendant des années et qui nous vendaient le "rêve américain", s'est aperçu qu'il aimait la vérité et qu'il souhaitait démontré, ce qui a fait, que l'équipe twitter manipulait l'opinio...

à écrit le 07/03/2023 à 18:12
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Article partiellement trompeur et instrumentalisant des faits mensongers et autres semi-vérités pour légitimer l'idée de salissure à l'encontre d'Elon Musk qu'on veut nous faire passer. Une attitude honteuse, la liberté sans censure abusive doit être...

à écrit le 07/03/2023 à 18:01
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Je n'ai jamais fait confiance à ce monsieur Musk. Tesla ne m'est jamais apparu crédible et sûr à long terme. L'épisode Tweeter peut faire craindre une dérive extrême droitière. Les "gourous "...pas trop mon truc😂.

le 08/03/2023 à 1:14
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C'est sûr que c'était plus rassurant quand le FBI était à la direction de Twitter pour censurer ce qui ne leur plaisait pas

à écrit le 07/03/2023 à 16:50
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La seule différence qu'il y a entre un Twitter de l'un ou de l'autre, c'est les commentaires des médias qui désapprouvent ! ;-)

à écrit le 07/03/2023 à 16:44
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Encore un article sur Twitter semblant plus motivé par une détestation personnelle pour le patron de Tesla et Twitter que par le souci d'informer objectivement. Twitter a connu des dysfonctionnements majeurs avant son rachat, malgré l'absence d'évolu...

le 08/03/2023 à 22:50
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ça serait intéressant de connaitre vos sources sur les comptes de Twitter car l'entreprise est privé et elle ne publie pas ses comptes... Ah WSJ et Business Insider ne sont pas considérés, comme d'autres pseudo-journaux, des sources fiables

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