Snap s'effondre de 33% en Bourse après avoir présenté la plus faible croissance de son histoire

Ce vendredi, l'action de Snap a perdu 33% à l'ouverture de Wall Street, alors qu'elle s'était déjà effondrée de 47% en mai. L'éditeur de Snapchat a publié hier sa plus faible croissance depuis son introduction en Bourse en 2017, tandis que ses pertes ont plus que doublé. Ultra dépendant de la publicité en ligne, Snap fait partie des premières victimes du mauvais passage de l'économie mondiale.
François Manens
(Crédits : THOMAS WHITE)

Moins 33%. L'ouverture de Wall Street ce vendredi fait très mal à Snap, la maison-mère de l'app de messagerie vidéo Snapchat. Le marché sanctionne l'annonce de ses résultats du second semestre, encore en dessous des attentes pourtant basses. Dans le détail, Snap a réalisé sa plus faible croissance depuis son entrée en Bourse (en mars 2017) avec "seulement" 13% de ventes supplémentaires de publicité qu'au second trimestre 2021. A titre de comparaison, l'entreprise fait 4 points de croissance de moins que lors du début de la pandémie, quand les budgets publicitaires avaient grandement rétréci. "Nous ne sommes pas satisfaits par nos performances, quelles que soient les difficultés liées à l'environnement économique actuel", concèdent les dirigeants de Snap dans leur lettre aux investisseurs.

422 millions de dollars de pertes nettes

Des propres mots de ses dirigeants donc, les résultats financiers sont "décevants" et en dessous des attentes du marché. Pourtant, Snap avait préparé le terrain dès le mois de mai, peu après son premier trimestre, lorsqu'il avait annoncé qu'il manquerait ses cibles de chiffre d'affaires à cause de l'état du marché de la publicité en ligne. Son cours s'était effondré de 47% vers les 12,50 dollars l'action, avant de remonter doucement à plus de 16 dollars. Il est retombé à 10,70 dollars à l'ouverture de Wall Street ce vendredi.

Pourtant, Snap a réalisé 1,1 milliard de dollars de chiffre d'affaires entre avril et juin et gagné 18% d'utilisateurs par rapport à l'an dernier, pour un total de 347 millions. Mais il accuse aussi 422 millions de dollars de pertes nettes, soit 178% de plus que l'an dernier, alors même qu'il avait enfin réalisé son premier bénéfice au dernier trimestre de 2021.

Pour compenser ce déséquilibre, l'entreprise prévoit de réduire ses coûts en ralentissant substantiellement le rythme des embauches, comme vont le faire la quasi intégralité des entreprises techs américaines, à commencer par les Gafam. Afin de montrer l'exemple, les cofondateurs de l'entreprise, Bobby Murphy et Evan Spiegel, vont conserver leurs postes de directeur technologique et directeur général jusqu'à la fin 2026 pour 1 dollar symbolique de rémunération par an. Une mesure tout de même assortie de l'attribution d'actions si le cours dépasse la barre des 40 dollars dans les 10 ans à venir, soit bien plus que le double du cours actuel. Snap compte près de 6.500 employés, 38% de plus qu'il y a un an.

Snap en première ligne des coupes publicitaires

Pour arriver à une telle situation, Snap a subi une accumulation de vents contraires. D'un côté, le marché de la publicité en ligne, dont il tire l'écrasante majorité de son chiffre d'affaires, tire la langue. Les budgets se réduisent face aux coûts supplémentaires et aux craintes amenées par le contexte macro-économique : guerre en Ukraine, inflation rampante, crise de l'énergie et des matières premières, spectre d'une récession... Qui dit moins de budget dit moins de concurrence pour placer les publicités et donc des espaces vendus moins chers.

Et ce n'est pas tout : Snap a toujours des difficultés à s'adapter au changement réglementaire imposé par Apple sur ses smartphones depuis un peu plus d'un an, qui impose aux éditeurs d'applications d'obtenir le consentement des utilisateurs avant de les pister dans leur navigation à des fins de ciblage publicitaire. Cette modification permet aux utilisateurs d'iPhone (soit plus de 50% du marché américain et environ 17% du marché mondial) de refuser le pistage, ce qui dégrade la personnalisation de la publicité, son efficacité et donc son coût.

De l'autre côté, Snap doit faire face à une concurrence toujours plus grande. TikTok écrase tous les records de croissance et commence à stabiliser son modèle économique, à dominante publicitaire. Les deux mastodonte du marché, Google et Meta (Facebook, Instagram) multiplient de leurs côté les initiatives pour maintenir leur situation de quasi duopole. "Snap est un petit acteur sur le marché de la publicité numérique. Il représente moins d'1% des recettes mondiales selon nos prévisions pour 2022, ce qui la rend plus sensible aux contraintes que de plus gros acteurs comme Meta",  commente auprès de l'AFP, Jasmine Enberg, analyste chez Insider Intelligence.

Des espoirs de redressement à moyen terme ?

Pour rassurer les investisseurs, les dirigeants de Snap essaient de se projeter. "La croissance régulière de notre communauté améliore nos opportunités sur le long terme, mais nos résultats financiers au deuxième trimestre ne reflètent pas l'étendue de notre ambition", écrivent-ils dans une note aux investisseurs. Cette très mauvaise passe intervient alors que Snap avait enfin trouvé, depuis deux ans, sa place dans le marché très concurrentiel des réseaux sociaux. En misant sur la réalité augmentée et les fameux "filtres" 3D qui modifient les photos, l'entreprise a réussi à regagner des utilisateurs alors qu'elle commençait à stagner. Mais les formats publicitaires qui accompagnent cette technologie, plus expérimentaux que la norme, sont les premiers à subir les effets des coupes budgétaires. C'est ici que le groupe peut trouver un motif d'espoir : sans les turbulences de la publicité en ligne, sa situation ne serait pas aussi morne.

Reste que ces résultats exposent la nécessité de se diversifier pour le réseau social. Pour commencer à se détacher de sa dépendance à la publicité, l'entreprise a lancé en juin un abonnement, Snapchat+. Moyennant 3,99 dollars par mois, les utilisateurs gagnent quelques éléments cosmétiques pour leur profil, ainsi qu'une poignée d'options mineures. L'attrait phare de l'offre, à l'heure actuelle, est de permettre à l'abonné de voir qui a regardé ses publications. Mais elle ne retire pas les publicités.

Suite à ces mauvais résultats, les actions de Meta et Pinterest, toutes deux très dépendantes de la publicité en ligne, ont baissé respectivement de 5 et 10%.

François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 23/07/2022 à 8:22
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Pas assez de spam-bots pour "rassurer" les marchés...

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