Thierry Jadot quitte la direction de Dentsu Aegis Network

Après huit ans à la tête de Dentsu Aegis Network France, Thierry Jadot quitte le groupe de communication Japonais pour explorer d’autres horizons culturels et entrepreneuriaux.
Thierry Jadot.
Thierry Jadot. (Crédits : DR)

Dans la famille Jadot, je demande le grand frère. Thierry Jadot n'est pas connu du grand public comme son petit frère Yannick, député européen EELV et potentiel candidat à la Présidence de la République. Mais dans le monde de la communication et des médias, c'est une figure reconnue. Il préside depuis 2012 la filiale française du cinquième groupe de communication mondial, le Japonais Dentsu. Dentsu Aegis Network est un poids lourd de l'achat média via son réseau Carat, premier réseau mondial d'agences média, une activité qui pèse toujours les deux tiers de la marge brute d'Aegis. Mais sous la houlette de Thierry Jadot, le groupe, qui emploie 1200 personnes en France, s'est diversifié dans le consulting, le marketing sportif, le luxe et le digital. Depuis 2012, Dentsu Aegis Network a connu une progression continue (+ 50% de la marge brute en sept ans, dont la moitié en croissance organique) jusqu'en 2019 où les résultats ont été moins bons.

La maison mère japonaise a donc décidé de se restructurer et de réduire ses effectifs de 11% sur plusieurs marchés clés dont la France. La pandémie a encore amplifié cette tendance, avec une baisse du chiffre d'affaires en 2020 de 15 à 20%. Un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été mis en place avec une quarantaine de départs, soit 4 % des effectifs. Plusieurs cadres dirigeants ont également quitté les différentes agences du groupe. Selon Laurent Solly, directeur général de Facebook France et Europe du Sud, qui connaît bien Thierry Jadot, « c'est un vrai patron, tolérant, à l'écoute et avec des valeurs fortes, comme ses actions en faveur de la diversité. Professionnellement, il comprend les enjeux industriels de ses clients et possède aussi une vision prospective ».

La photo, passion d'enfance

Pour Franck Marilly, président et CEO de Shiseido EMEA, qui a travaillé avec Thierry Jadot sur plusieurs marques du groupe de cosmétiques, celui-ci « partage nos valeurs : humilité, agilité, rapidité d'exécution. Et il agit toujours pour un collectif, pas en son nom ». Le patron de Sisheido EMEA se dit aussi impressionné par le réseau du président de Dentsu Aegis Network France. La crise du Covid-19 a conduit Thierry Jadot à retarder de plusieurs mois un départ prévu en janvier de cette année :

« Je trouve que deux mandats de quatre ans, comme pour le président américain, c'est très bien. L'idée était de partir début 2020, mais j'ai souhaité rester pour accompagner les équipes durant cette période complexe. Et je vais continuer de conseiller le groupe pendant plusieurs mois encore. Ma relation avec Dentsu, un groupe que j'aime et respecte, est très étroite ».

Thierry Jadot a réussi à faire exister la marque Dentsu en France, ce qui n'est pas évident. En effet, le marché français de la publicité est singulier : c'est le seul pays (hormis les États-Unis, mais avec un marché six fois supérieur) à posséder deux géants mondiaux : Publicis, numéro deux mondial et Havas, numéro six. Le diplômé en économie de Dauphine, Sciences Po et HEC n'a pas toujours été un fils de pub. Il commence sa carrière comme responsable marketing chez Peugeot pour l'Afrique, le Moyen Orient et l'Amérique latine, puis au Brésil en tant que manager régional. Ensuite, direction l'Argentine comme directeur marketing et communication de PSA pendant trois ans. Il reste à Buenos Aires trois années supplémentaires comme responsable de la communication corporate d'Euro RSCG (Havas), ses premiers pas dans l'univers de la communication.

En 2003, c'est le retour en France pour ce polyglotte (chinois, allemand, anglais, espagnol, portugais et italien) qui ajoute les médias à son arc en tant qu'éditeur des titres automobiles du groupe Mondadori. Il passe ensuite chez Publicis comme vice-président exécutif de l'agence média Starcom Mediavest Group pour la France et les marchés émergents. Marketing, communication, stratégie média, la palette est complète. Sans oublier le digital : Thierry Jadot est président et fondateur du think tank Culture Numérique, et il a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet dont l'Été Numérique et La Fin des rentiers aux éditions Débats Publics.

L'inclusion par l'éducation

Après plus de vingt ans dans la publicité et la communication, ce fils d'enseignants désire se consacrer désormais à ses deux passions : la photographie et l'éducation. De 1987 à 1990, il est professeur de français au titre de la coopération pour le ministère des Affaires étrangères à Guangzhou (Canton) en Chine. Une période charnière et marquée par l'épisode sanglant de la place Tiananmen pour un pays encore rural qui entre dans la modernité, que le jeune professeur capture en noir et blanc et en couleurs. « J'ai un projet à but non lucratif d'inclusion sociale par la photographie autour du patrimoine de proximité » explique le Picard d'origine. C'est d'ailleurs en Picardie que se trouve le château de Villers-Cotterêts qui va être restauré pour devenir la future Cité internationale de la langue française. « Je vais réaliser un travail photographique autour de cette restauration. Je crois beaucoup à la réappropriation du patrimoine par les Français, et en particulier les jeunes » ajoute Thierry Jadot.

L'entrepreneuriat est la seconde aventure qui attend le chevalier dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur. La diversité et l'éducation sont les deux axes de son projet entrepreneurial.

« Je suis membre du conseil d'administration de #JamaisSansElles, association en faveur de la mixité. Or, on a vu avec le Covid un mouvement de recul dans la représentation de la diversité dans les médias et la communication » précise le maître de conférences à Sciences Po et membre de l'Institut Montaigne, pour lequel il a réalisé un rapport sur le cyber harcèlement à l'école.

Un projet de start-up centré sur les sujets d'inclusion par l'éducation, un rapport co-présidé avec Jacques-Henry Eyraud, président de l'OM sur le rôle d'intégrateur social du football, sont dans les tuyaux. Marie-Laure Sauty de Chalon, ex CEO de Dentsu Aegis Network qui a lancé il y a deux ans sa start-up Factor K, n'est pas étonnée du désir d'entreprendre de Thierry Jadot après huit ans dans une entreprise « qui exige un dévouement total, quasi sacrificiel. Thierry possède le courage, la détermination et la persistance nécessaires. Et il a su mener le groupe dans une autre direction que le seul achat média. C'est un des grands managers de l'histoire de cette maison ».

Quel que soit son avenir professionnel, Thierry Jadot continuera à défendre mordicus la publicité contre les critiques, nombreuses en France, en particulier chez les écologistes. Car c'est pour lui un levier essentiel de la survie des médias :

« On ne peut pas dire « je veux des médias nationaux indépendants » et leur couper les vivres pour laisser la maîtrise de l'information aux grandes plateformes numériques ».

Une conviction source de discussions enflammées avec son petit frère lors des repas de Noël.

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