
La crise est une notion très relative pour les géants de la tech. Certes, ils licencient pour la première fois en vingt ans, mais ils restent des machines à cash aux multiples ressources. Les résultats financiers du premier trimestre 2023 de Google et de Microsoft l'ont encore prouvé le 25 avril. Les deux géants californiens, qui s'affrontent frontalement dans la recherche en ligne, le cloud ou encore l'intelligence artificielle, ont tous deux déjoué pour le meilleur les pronostics des analystes.
Microsoft a le vent en poupe grâce au cloud et à ChatGPT
Comme de coutume, Microsoft a vu ses revenus dopés par son activité cloud, qui pèse désormais à elle seule plus de la moitié de son chiffre d'affaires. Pour la période allant de janvier à mars, qui correspond au troisième trimestre comptable de la société, Microsoft a enregistré 52,8 milliards de dollars de revenus, soit une hausse de 7% sur un an, largement au-dessus des attentes du marché. Microsoft Azure, sa division cloud, est numéro deux mondial avec 21% de parts de marché, derrière Amazon Web Services (34%), mais largement devant Google Cloud (10%).
Ce relais de croissance est le bienvenu : les ventes de licences Windows aux fabricants d'ordinateurs ont dégringolé de 28% ce trimestre, et les revenus tirés de la vente de ses propres appareils électroniques (tablettes, ordinateurs, consoles) ont chuté de 30%.
Heureusement, il y a ChatGPT. Grâce à l'essor spectaculaire de l'intelligence artificielle générative, les revenus provenant du cloud - qui s'appuie sur des serveurs délocalisés, mais aussi beaucoup sur l'intelligence artificielle - ont bondi de 22% sur un an à 28,5 milliards de dollars, soit le même rythme de croissance qu'au trimestre précédent, alors que le marché craignait un ralentissement. Microsoft a clairement pris l'ascendant parmi les géants technologiques depuis le lancement en novembre dernier de l'interface d'intelligence artificielle générative d'OpenAI, dans lequel il a investi massivement et qui est capable de créer des contenus sur demande en langage courant.
ChatGPT aide Microsoft à ressusciter Bing
Bien décidé à surfer sur la tendance jusqu'au bout pour conserver son avance, Microsoft a déjà intégré ChatGPT à son moteur de recherche Bing, ce qui a complètement relancé ce portail, jusqu'ici incapable de faire face à la concurrence de Google. Les revenus publicitaires du groupe ont bondi de 10%, car Bing est désormais utilisé par plus de 100 millions d'utilisateurs actifs quotidiens. « Le temps passé sur Bing et (le navigateur) Edge par les gens qui utilisent les nouveaux outils IA augmente par rapport aux anciennes versions de ces deux produits », a expliqué Satya Nadella, PDG de Microsoft, cité dans un communiqué publié mardi et qui entrevoit un nouvel univers dans lequel « la conversation avec un l'interface va devenir la nouvelle manière de chercher de l'information ».
Le groupe compte aussi intégrer la technologie de ChatGPT dans l'ensemble de ses produits, de la suite bureautique Office 365 aux courriels d'Outlook, en passant par Teams. « Les modèles d'intelligence artificielle les plus avancés au monde sont désormais utilisables avec l'interface la plus universelle, à savoir le langage courant, et vont initier une nouvelle ère de l'informatique », a commenté Satya Nadella.
Sur la période considérée, le bénéfice net de Microsoft a atteint 18,3 milliards de dollars, en progression de 9,4% sur un an. Rapporté par action, donnée cruciale pour le marché, il ressort à 2,45 dollars, soit bien au-dessus des 2,24 dollars attendus par les analystes, et a contribué à redonner des couleurs au titre en Bourse, l'action prenant 9% dans les échanges post-clôture de mardi soir.
Google rassure les marchés sur la solidité de son business publicitaire
De son côté, Alphabet, la maison mère de Google, a réalisé un chiffre d'affaires de près de 70 milliards de dollars au premier trimestre, dont elle a dégagé 15 milliards de bénéfice net. Cette performance est supérieure aux attentes des analystes, d'autant plus dans un contexte difficile pour le marché de la publicité, avec l'inflation qui rogne sur le budget des campagnes des annonceurs. Mais Google se maintient bien : ses revenus publicitaires sont stables sur un an, ce qui est une performance en soi dans ce contexte.
Mais les investisseurs n'ont pas vraiment de quoi se réjouir car les perspectives de Google sont beaucoup moins réjouissantes que celles de Microsoft. Le géant californien a licencié 12.000 personnes au premier trimestre, soit 6% de sa masse salariale. Si Insider Intelligence prévoit 180,6 milliards de dollars de revenus publicitaires pour Google en 2023, soit une progression de 7% sur un an et 28% du marché mondial de la publicité numérique, l'activité publicitaire reste difficile.
« Les revenus de YouTube ont à nouveau baissé, et le fait que les recettes du moteur de recherche et des autres segments n'aient progressé que de 2% montrent que le cœur de métier de Google n'a pas affronté des vents contraires aussi puissants depuis longtemps », indique Max Willens, analyste d'Insider Intelligence. Effectivement, YouTube a engrangé 6,7 milliards de dollars de revenus, contre 6,9 milliards il y a un an, et se voit concurrencé par le très populaire réseau social de vidéos courtes TikTok.
Horizon quelque peu assombri pour Google
Contrairement à Microsoft, qui surfe sur la vague ChatGPT, Google doit défendre son statut dans l'intelligence artificielle (IA), menacé par son illustre rival. Depuis le lancement de ChatGPT en novembre, les deux entreprises rivalisent à coup d'annonces, au fur et à mesure qu'ils ajoutent des fonctionnalités d'IA générative à leurs logiciels, du vénérable logiciel de traitement de texte Word à la boîte mail Gmail. Alphabet a également réuni la semaine dernière les équipes de Brain et DeepMind pour accélérer la recherche dans l'IA.
Dans cette quête au nouveau graal de la tech, Microsoft a un autre avantage sur Google : le cloud, un secteur où il est numéro deux mondial avec 21% de parts de marché, derrière Amazon à 34%. Google Cloud est troisième avec 10%, et a néanmoins dégagé un bénéfice opérationnel de 191 millions de dollars au premier trimestre, une première pour Google qui n'avait jamais été rentable dans son activité cloud. « Cela montre que la direction travaille réellement vers la rentabilité de cette activité. Mais en pratique, Google Cloud reste loin derrière ses deux principaux concurrents, et sa croissance ralentit », a commenté Max Willens.
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