En matière d'Internet mobile, il y a bien une fracture numérique dans l'Hexagone. La dernière enquête de l'Arcep sur la qualité des réseaux de Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free en témoigne. Les équipes du régulateur des télécoms ont sillonné la France, et ont effectué plus d'un million de mesures dans tout le pays. Ainsi, chez Orange, dont le réseau mobile est le plus performant, le taux de mesures de débits supérieurs à 3 Mbit/s - soit le seuil pour bien naviguer sur Internet - atteint 97% dans les grandes villes. Mais dans les zones rurales, il tombe à 83%.
Le fossé se creuse pour les besoins plus « datavores ». Toujours chez Orange, le taux de mesures de débits supérieurs à 8 Mbit/s - adapté « aux usages les plus courants, tels que le visionnage vidéo », précise l'Arcep - s'élève à 96% dans les grands centres urbains. Dans les villages ruraux, il tombe à 74%. Enfin, disposer d'une vitesse supérieure, d'au moins 30 Mbit/s pour les usages les plus gourmands en bande passante, constitue un luxe dans les campagnes. Chez Orange, le taux de mesures associé à ce seuil est de 53% (soit environ 10 points de plus que pour les autres opérateurs). Dans les grandes villes, en revanche, il caracole à 91%...
La 5G, privilège des urbains
En résumé, les réseaux mobiles sont à l'évidence beaucoup plus performants dans les agglomérations que dans les villages. La situation ne date pas d'aujourd'hui. Mais elle s'aggrave, mécaniquement, avec le déploiement de la 5G. Les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free déploient en priorité cette technologie dans les villes, où la densité de population - et donc de clients - est plus importante.
Aujourd'hui, cette technologie, qui vient de passer la barre des 10 millions d'utilisateurs dans l'Hexagone, n'est pas encore considérée comme essentielle pour les particuliers, en l'absence de nouveau service de rupture qui justifierait de s'y convertir. Mais qu'en sera-t-il demain ? En outre, la 5G industrielle, qui commence à faire son nid, ne risque-t-elle pas d'être le privilège des usines des villes ? Cette situation inquiète nombre d'élus locaux, qui redoutent un déclassement rapide de leurs territoires, dans un monde où le numérique est devenu aussi essentiel que l'eau ou l'électricité.
Lutte contre les « zones blanches »
Mais la 5G ne fait pas oublier la 3G et la 4G. Il existe, toujours, des « zones blanches » ou des « zones grises », où ces technologies ne passent pas, ou très mal. Le gouvernement s'est saisi de ce problème via le « New Deal », un accord signé avec les opérateurs en 2018. L'Etat a concrètement renoncé à plusieurs milliards d'euros de recettes budgétaires en échange d'une accélération de la couverture 3G et 4G dans les zones blanches. Le volet le plus important de ce plan est le dispositif dit de « couverture ciblée », lequel permet aux collectivités d'identifier les villages prioritaires. Le New Deal a sans nul doute permis d'améliorer la situation. Mais pas de la régler une bonne fois pour toute, selon les aveux mêmes du gouvernement. Depuis des mois, des voix s'élèvent, et appellent à ce que ce programme soit prolongé, ou renouvelé.
A ce sujet, Laure de La Raudière, la présidente de l'Arcep, a estimé, fin septembre, que le New Deal a porté ses fruits. « Nous avons collectivement inauguré le 2.500ème site mis en service au titre du dispositif de couverture ciblé », s'est-elle félicité. D'après elle, il est trop tôt pour évoquer un « New Deal 2 ». « Certaines obligations du New Deal vont courir encore quelques années, c'est donc un peu tôt pour faire un bilan complet », a-t-elle déclaré. Il n'empêche qu'à la demande du gouvernement, l'Arcep va procéder à un « point d'étape » de ce programme, qui sera dévoilé prochainement, afin de vérifier son efficacité.
- Lire aussi : Fin des zones blanches : le deal à 3 milliards de 2018 ne suffira pas, selon le gouvernement
Au ras-le-bol des élus locaux contre le manque d'antennes-relais dans les campagnes, les opérateurs, eux, rappellent que la France fournit un gros effort pour apporter le mobile au plus grand nombre. En décembre dernier, une étude du cabinet Arthur D. Little commandée par la Fédération française des télécoms (FFT), le lobby du secteur, soulignait que l'Hexagone était leader, en Union européenne, en termes de densité d'antennes-relais. D'après ces travaux, la France comptait alors 902 sites mobiles pour 1 million d'habitants. C'est plus qu'en Allemagne (846 millions), qu'en Italie (812 millions), ou même qu'en Espagne (782 millions).
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