Les médias appelés à "anonymiser" les auteurs d'attentats

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La presse appelee a anonymiser les auteurs d'attentats[reuters.com]
(Crédits : © Pascal Rossignol / Reuters)

PARIS (Reuters) - Plusieurs médias français ont décidé de ne plus montrer les portraits des auteurs d'attentats et pour certains, comme Europe 1, de ne plus divulguer leur nom afin de les condamner, en quelque sorte, à l'anonymat.

La secrétaire d'Etat chargée de l'aide aux victimes, Juliette Méadel, avait annoncé le 21 juillet dernier sur metronews.fr la création d'un groupe de travail qui proposera en septembre des mesures pour "repenser l'éthique des médias" dans la couverture des attentats.

"Ceux qui commettent ces actes attendent une gloire planétaire. On peut même considérer que cela fait partie de l'acte. De ce point de vue, il faut réfléchir à des moyens de donner de l'information sans forcément livrer tous les détails de l'identité ou de la biographie du terroriste", expliquait-elle.

Mardi soir sur TF1, à la suite de l'assassinat d'un prêtre revendiqué par l'Etat islamique, l'archevêque de Paris, Mgr Vingt-trois, s'est interrogé sur la "médiatisation excessive" des attentats qui pourrait être "un facteur aggravant parce que c'est : 'Enfin, on peut parler de moi, je suis quelqu'un'".

La chaîne d'informations en continu BFM TV et la direction du Monde ont d'ores et déjà pris la décision de ne plus publier les photographies des auteurs des tueries.

La réflexion était en cours depuis l'attentat de Nice qui a fait 84 morts le 14 juillet. Une pétition a été lancée sur Change.org après le drame pour demander aux médias français de "cesser de diffuser l'identité des terroristes" afin de ne pas leur apporter "une notoriété d'outre-tombe". Elle avait recueilli mercredi après-midi plus de 75.000 signatures.

Dans un éditorial publié dans Le Monde mercredi, le directeur du journal explique vouloir "éviter d'éventuels effets de glorification posthume".

ÉVITER MIMÉTISME ET GLORIFICATION

Hervé Béroud, directeur de la rédaction de BFM TV, explique vouloir éviter également de "mettre les terroristes au même niveau que les victimes, dont nous diffusons des photos".

Le quotidien La Croix ne publiera dorénavant que le prénom et l'initiale du nom des auteurs d'attentat et pas de photo.

La direction d'Europe 1 a décidé pour sa part de ne plus citer "les noms des terroristes à l'antenne pour ne pas en faire des héros" et de ne plus publier leur photo sur son site internet, annonce la société des rédacteurs sur Twitter.

Le député socialiste Sébastien Pietrasanta, rapporteur de la commission d'enquête parlementaire de lutte contre le terrorisme, estime que "c'est une bonne chose".

"Ce sujet a été évoqué lors d'une table ronde avec les victimes, qui disaient qu'on parlait plus des terroristes que des victimes", a-t-il dit mercredi à Reuters.

"Ça pourrait éviter à la fois le mimétisme - avec des types érigés en héros - et la glorification", a-t-il souligné.

Dans ses recommandations, la commission d'enquête exhorte notamment "les responsables du pouvoir exécutif et de la presse à engager, dans les meilleurs délais, une réflexion sur le traitement médiatique d'une attaque terroriste" avec l'élaboration d'une charte.

Le psychanalyste tunisien Fethi Benslama, appelé à superviser le dispositif psychologique des centres de déradicalisation en France, avait plaidé au lendemain de l'attentat de Nice pour "un pacte" entre les médias afin de "ne plus publier les noms et les images des auteurs" de ces actes.

"Les commanditaires veulent les faire connaître, mais les faire connaître comment? Ça restera au niveau de leur réseau, ça reste assez limité", a-t-il justifié sur France Culture.

Le vice-président du Front national, Florian Philippot, a raillé mercredi via Twitter le projet d'"anonymiser les terroristes". "Réflexion d'autruches et/ou réflexion de ringards qui ne connaissent pas l'existence d'internet et des réseaux sociaux", écrit-il.

(Sophie Louet avec Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)