Climat : les investisseurs de plus en plus préoccupés par le risque financier

60% des 500 plus gros investisseurs de la planète reconnaissent désormais "les risques financiers du changement climatique": 18% de plus que l'année dernière, relève une étude. En France, les ONG accusent toutefois l'assureur Axa de ne pas assez désinvestir du charbon.
Giulietta Gamberini
En 2016, Axa "a réinvesti à hauteur de 90 millions de dollars" (82,8 millions d'euros)" dans le sud-coréen KEPCO, qui tire 46% de ses revenus du charbon, dénoncent les ONG.

La crainte des conséquences du changement climatique n'est plus l'apanage des écologistes. Les grands investisseurs aussi prennent de plus en plus conscience du danger, révèle une étude publiée mercredi 26 avril par l'ONG Asset Owners Disclosure Project (AODP). Parmi les 500 les plus importants de la planète (fonds de pension, assureurs, fonds souverains etc...) pesant environ 27.000 milliards de dollars, ils sont désormais 60% à reconnaître "les risques financiers du changement climatique et les opportunités de la transition vers un monde bas carbone". Un chiffre en nette hausse (+18%) par rapport au précédent rapport d'AODP, qui se penche sur la question chaque année depuis cinq ans.

L'ONG attribue cette amélioration notamment à l'accord de Paris, signé fin 2015, qui "a envoyé un message clair d'un engagement mondial pour lutter contre le changement climatique". Les investisseurs y "répondent en développant leur action" en ce sens, observe le président Julian Poulter, cité dans un communiqué. Face aux risques pour leur portefeuille d'actifs découlant d'une part des destructions de valeur liées au réchauffement, de l'autre de nouvelles probables contraintes réglementaires, il s'agit en particulier de réorienter les flux financiers vers des investissements en faveur d'une économie moins émettrice de gaz à effet de serre.

Retard en Amérique du Nord et en Asie

La prise de conscience doit toutefois encore s'améliorer, selon l'association, puisque 201 de ces 500 gros investisseurs, situés surtout en Amérique du Nord et en Asie, ne montrent toujours "aucun signe d'une quelconque action".

"Le moment va approcher où il sera trop tard pour éviter des pertes sur leurs portefeuilles", prévient Julian Poulter.

Si selon l'étude d'AODP les investisseurs d'Europe, ainsi que ceux d'Australie, font plutôt figure de bons élèves, des marges possibles de progression sont d'ailleurs observés aussi dans le Vieux Continent. Mercredi, plusieurs ONG pointent notamment du doigt en France l'assureur Axa, qui dans le classement d'AODP figure 27e, mais qu'elles accusent de continuer à soutenir la construction de nouvelles centrales à charbon.

Axa bien moins engagé qu'Allianz

Selon l'association Les Amis de la Terre et ses partenaires (Greenpeace Suisse, Re:Common, Sierra Club, The Sunrise Project, urgewald), l'assureur n'irait en effet pas assez loin dans sa politique de désinvestissement du fossile. "Axa s'est désinvesti des entreprises qui tirent plus de 50% de leur chiffre d'affaires du charbon", une décision annoncée avant la conférence de Paris sur le climat en décembre 2015, rappellent les ONG dans un rapport publié le jour d'une assemblée générale du groupe. Axa, deuxième assureur européen, a ainsi désinvesti 500 millions d'euros, contre 4 milliards d'euros pour le premier assureur européen, l'allemand Allianz, qui s'est engagé dans un "désinvestissement des entreprises exposées à plus de 30% dans le charbon", soulignent les ONG.

Le seuil de 50% adopté par Axa serait donc "beaucoup trop élevé", permettant à l'assureur de "continuer à investir dans des entreprises qui, loin de tourner la page du charbon, prévoient la construction de nouvelles centrales". C'est le cas par exemple du sud-coréen KEPCO, qui tire 46% de ses revenus du charbon, et dans lequel Axa "a réinvesti à hauteur de 90 millions de dollars" (82,8 millions d'euros) en 2016".

Axa "prêt à discuter"

Les ONG estiment par ailleurs que pour les producteurs d'électricité le critère devrait être le pourcentage d'électricité générée à partir du charbon, et non celui du chiffre d'affaires. Cela empêcherait Axa de continuer d'investir dans des entreprises comme l'allemand RWE ou le groupe Enea, contrôlé par l'Etat polonais, qui "tirent moins de 30% de leurs revenus du charbon mais produisent plus de 60% de leur électricité" à partir de cette énergie néfaste pour le climat. Elles demandent également à Axa d'exclure toute entreprise qui produit, consomme ou vend plus de 20 millions de tonnes de charbon par an, afin d'exclure les gros producteurs tels que Glencore ou Anglo American.

"Notre politique est plus ambitieuse et bien plus large" que ne le montre l'analyse des Amis de la Terre, a toutefois répliqué à l'AFP un porte-parole du groupe, pour qui "le rapport est incomplet" et les ONG "voient les choses par le petit bout de la lorgnette". Le désinvestissement du charbon n'est notamment "qu'une partie de la lutte contre le réchauffement climatique", selon l'assureur. Parallèlement, Axa a pris l'engagement d'investir 3 milliards d'euros dans "des obligations vertes et des infrastructures vertes" d'ici à 2020, a rappelé le porte-parole. Le groupe est cependant "prêt à discuter des critères" adoptés, a-t-il assuré.

(Avec AFP)

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 28/04/2017 à 7:36
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Il faut tenir compte du role de l'énergie. Travail, capital, énergie. L'énergie remplace ou complète le travail. Il faut répartir les charges sociales sur le travail et sur l'énergie. Il faut appliquer la note n°6 du CAE. Qui le comprendra avant la f...

à écrit le 26/04/2017 à 14:40
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Ce serait tout de même dommage qu'ils arrêtent de scier la branche sur laquelle ils sont assis...

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