Embarquer les citoyens, principal défi face au changement climatique

La sixième édition du "Forum Météo et Climat", qui se tient à l'Hôtel de Ville de Paris jusqu'au 28 mai inclus, se penche sur la nécessaire évolution de nos modes de vie et de consommation. En effet, le comportement du consommateur-usager peut représenter un frein ou au contraire un levier essentiel de la transition écologique.
Dominique Pialot
Les comportements vertueux sont plus vite acceptés lorsqu'ils répondent aussi à d'autres préoccupations, économiques ou de santé, par exemple.
Les comportements vertueux sont plus vite acceptés lorsqu'ils répondent aussi à d'autres préoccupations, économiques ou de santé, par exemple. (Crédits : iStock)

« Pour le climat, changeons nos comportements ». Le thème du sixième Forum international de la météo et du climat, dont La Tribune est partenaire, et qui se tient à Paris du 25 au 28 mai, a pris une signification nouvelle ces derniers mois. En effet, comme cela a beaucoup été commenté depuis l'éclatement de la crise des « Gilets jaunes », déclenchée par la hausse annoncée du prix des carburants en partie due à la taxe carbone, l'adhésion du consommateur est une condition sine qua non de l'efficacité de certaines politiques publiques. En l'espèce, un manque de pédagogie, de transparence de l'utilisation des revenus et de justice sociale a été incriminé pour expliquer la réaction épidermique suscitée par cette perspective.

Dans le même temps, les mouvements citoyens (marches pour le climat, grèves scolaires, recours en justice de « l'affaire du siècle », etc.) se sont multipliés. À tel point que de nombreuses listes françaises candidates aux européennes du 26 mai ont mis du vert dans leur programme.

Pour modifier leurs comportements, les consommateurs ou usagers ont d'abord besoin que les entreprises ou les services publics leur proposent des innovations technologiques ou organisationnelles. Sur ce point, force est de constater que les solutions se multiplient, notamment en matière de mobilité, d'efficacité énergétique et de circuits courts. Encore faut-il que ces solutions soient accessibles économiquement, ce qui peut passer dans un premier temps par des aides, comme celles soutenant l'achat de véhicules électriques ou de chaudières à haute performance.

Un minimum de logique économique nécessiterait parfois de corriger ce qui résulte du seul marché. Il est ainsi difficilement concevable que le train soit quasi systématiquement plus onéreux que l'avion, y compris sur de courtes distances, lorsque cela génère des aberrations environnementales. D'autres incohérences perdurent encore souvent. Ainsi, le plastique à usage unique (pailles, touillettes...) sera probablement interdit à moyen terme, suite à la transposition de directives européennes. Mais, en attendant, et pour ne citer qu'un exemple parmi d'autres, le choix de repas le plus économique reste la formule déjeuner assortie d'une débauche d'emballages et d'ustensiles en plastique vendue dans les boulangeries.

Inscrire le climat dans l'imaginaire collectif

À l'inverse, les comportements vertueux sont plus vite acceptés lorsqu'ils répondent aussi à d'autres préoccupations. C'est pourquoi les injonctions aux économies d'énergie, qui s'accompagnent de gains financiers, ou à diminuer sa consommation de viande, avec des bénéfices pour la santé, sont relativement simples à faire passer. Le jeu et l'émulation peuvent aussi être utilisés, notamment auprès de populations ciblées. C'est le cas des défis « écoles à énergie positive », auxquels se prêtent volontiers les enfants, ou de concours organisés entre voisins ou membres d'une même communauté, par exemple pour tenter de diminuer la consommation d'énergie ou la production de déchets.

Mais ces innovations doivent aussi trouver leur public culturellement. Pour que tout le monde (pouvoirs publics, entreprises et citoyens) pousse dans la même direction, « il faudrait déjà que les enjeux climatiques soient inscrits dans l'imaginaire collectif, ce qui est loin d'être le cas », regrette Jean-Laurent Bonnafé, patron de BNP Paribas et nouveau président de l'association Entreprises pour l'environnement (EPE). Afin d'être présent chez le plus grand nombre, cet enracinement passe, dès le plus jeune âge, par l'éducation puis la formation et l'information, au-delà des cercles des seuls spécialistes. La publicité a également un rôle à jouer pour faire évoluer l'imaginaire collectif et rendre la sobriété et la frugalité aussi séduisantes que l'opulence et le trop-plein traditionnellement associés à la société de consommation. Cela n'est pas impossible, à en juger par le succès du flygskam, ou honte de prendre l'avion, qui fait florès en Suède et commence même à inquiéter la profession.

Fruit de cet imaginaire collectif, le « rêve pavillonnaire » et l'étalement urbain qui ont prospéré depuis les années 1970 ont entraîné notamment la mobilité contrainte dans laquelle s'enracine la crise des « Gilets jaunes ». Mais, pour inciter les citoyens à rallier les villes ou des zones urbaines suffisamment denses pour être correctement desservies par les services publics, il faut non seulement qu'elles soient accessibles économiquement, mais aussi qu'elles offrent une qualité de vie acceptable. C'est donc une évolution en profondeur de toute la société qui s'impose pour permettre un changement massif des comportements, susceptible à son tour d'entraîner des modes de vie et de consommation plus soutenables.

La Convention citoyenne pour le climat annoncée par Emmanuel Macron lors de son allocution du 25 avril pourrait-elle être l'embryon de ce nouveau modus operandi entre pouvoirs publics et citoyens ? Réponse d'ici à la fin de l'année, puisque les 150 personnes tirées au sort pour y participer doivent se réunir un week-end sur trois pendant six mois à compter de la fin juin. Avec pour mission d'élaborer un paquet de mesures destinées à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre tout en respectant les contraintes budgétaires, notamment sur l'avenir de la taxe carbone.

Dominique Pialot

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Commentaires 2
à écrit le 31/05/2019 à 10:45
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Arrêtez "la mondialisation" et une grande partie du problème sera réglé! Mais vous préférez mondialiser "la lutte contre ce réchauffement", en faire un dogme, afin de mieux l'exploiter..., comme le reste!

à écrit le 27/05/2019 à 8:57
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"LE libre arbitre est une notion inventée par les classes dirigeantes". Nietzsche. Dis autrement par Machiavel" À peu près la moitié de nos actes le sont du fait de notre volonté et l'autre du fait du hasard". IL n'y a pas de "conscience coll...

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