TotalEnergies : le pic de production de pétrole approche, cap sur le gaz mais avec 80% d'émissions de méthane en moins d'ici 2030

Accélérer sur le gaz fossile, tout en diminuant peu à peu la part du pétrole après 2025, et en développant les énergies renouvelables et l'électrification. Telle est l'ambition du géant tricolore TotalEnergies, qui a mis à jour son plan climat à destination des investisseurs, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Mais cette stratégie repose encore en grande partie sur des technologies de captation du dioxyde de carbone, qui n'ont toujours pas fait leurs preuves. Décryptage.
Marine Godelier
(Crédits : GONZALO FUENTES)

Les regards sont braqués sur TotalEnergies, désormais confronté à une pression double. Déjà épinglé par de nombreux écologistes à cause de ses émissions de gaz à effet de serre (437 millions de tonnes de CO2 en tout l'an dernier), la major française se trouve en effet également pointée du doigt du fait de sa présence en Russie, notamment pour avoir gardé ses parts dans le géant gazier Novatek. Et pour cause, la société a misé sur le pays de Vladimir Poutine pour déployer sa stratégie dans le gaz naturel liquéfié (GNL), afin d'accélérer sur cet hydrocarbure moins polluant que le pétrole ou le charbon.

Car son PDG, Patrick Pouyanné, croit dur comme fer dans le potentiel du gaz fossile pour assurer le passage de son entreprise au « net zéro émission » en 2050. « C'est un carburant de transition, et le GNL doit stimuler la croissance », a-t-il ainsi fait valoir jeudi lors d'une présentation aux investisseurs. Dévoilé en mai 2021, son plan de diversification, qui avait abouti au changement de nom de Total à TotalEnergies, reste donc, dans les grandes lignes inchangé, malgré la guerre en Ukraine et la flambée des prix des hydrocarbures. Autrement dit, pour « construire une stratégie multi-énergies », la société compte toujours faire en sorte que la moitié de ses ventes proviennent du gaz fossile d'ici à 2030, en plus des renouvelables et du pétrole.

« Selon Patrick Pouyanné, si l'on veut réussir à sortir du pétrole, il faut se tourner vers les énergies renouvelables mais aussi vers le gaz. Le GNL représente donc une activité majeure dans son plan vers la transition, et s'en désengager aujourd'hui n'est pas du tout en ligne avec sa stratégie de long terme ! », glissait début mars une source proche de l'entreprise à La Tribune.

Diversification des approvisionnements

Concrètement, pour croître dans le GNL, l'entreprise ne compte plus injecter de nouveaux capitaux en Russie, et notamment dans le projet titanesque Artic LNG2 qui doit produire dès 2023 près de 20 millions de tonnes de GNL et dont TotalEnergies est actionnaire à hauteur de 21,64% en tout. Au contraire, la direction entend diversifier ses sources d'approvisionnement, grâce à un « large portfolio », a fait valoir Patrick Pouyanné, avant de citer les Etats-Unis, le Nigéria, le Mozambique, la Papouasie Nouvelle-Guinée ou encore le Yémen.

« Une transition juste, c'est soutenir l'ambition net zéro émission de l'UE, tout en répondant à la demande d'énergie dans les pays émergents », a défendu la directrice Stratégie et Intelligence économique de TotalEnergies, Helle Kristoffersen.

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Un nouvel engagement est également apparu : celui de réduire les émissions de méthane (CH4) de 50% en 2025 par rapport à 2020, et de 80% en 2030. Principal constituant du gaz naturel, le CH4 présente en effet un pouvoir de réchauffement 25 fois supérieur à celui du CO2 sur cent ans. Pour éviter les fuites dans les installations, TotalEnergies, qui assure avoir déjà réduit de moitié ces émissions depuis 2010, a ainsi fait valoir qu'il les améliorerait.

Enfin, les émissions globales du groupe, directes et liées aux fournisseurs (scope 1&2), devront baisser de 40% en 2030 par rapport à 2015, a rappelé l'entreprise.

Moins d'émissions liées à la combustion de pétrole

La situation est néanmoins différente pour le scope 3, c'est-à-dire les émissions associées à l'utilisation des produits de TotalEnergies (ce qui se dégage quand le pétrole est effectivement brûlé dans une voiture, par exemple). En 2021, ce sont ainsi 400 millions de tonnes de CO2 qui ont été dégagées par les clients du groupe. Et en 2030, Total se fixe simplement pour objectif d'arriver à un nombre « inférieur à 400 millions ».

Cependant, et c'est nouveau, les émissions scope 3 liées uniquement au pétrole diminueront elles de « plus de 30% d'ici à 2030 » dans le monde entier, assure le groupe. « C'est absolument énorme », a insisté Helle Kristoffersen. Il n'empêche que l'entreprise n'a pas prévu de se désengager tout de suite de l'or noir, puisque la production devra atteindre son pic en 2025, avant de « décliner à partir de 2030 ». Reste qu'en relatif, la part de cet hydrocarbure dans les ventes totales a déjà baissé, puisqu'elle est passée de 65% en 2015 à 44% en 2021, et devra atteindre 30% en 2030.

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Des puits géants de CO2 en mer du Nord

Pour limiter le réchauffement de l'atmosphère à cause de la combustion de son pétrole, TotalEnergies mise entre autres sur le déploiement des technologies de captation du CO2, qui devront être capables d'absorber 50 à 100 millions de tonnes de ses émissions d'ici à 2050.

« C'est nécessaire pour atteindre le net zéro émission », a souligné Patrick Pouyanné, rejoignant les conclusions du GIEC sur le sujet.

En Norvège, Total détient ainsi une part de 33% dans le gigaprojet Northern Lights, qui vise à permettre le transport, la réception et la séquestration de CO2 dans des couches géologiques enfouies à environ 2.600 mètres en mer du Nord. Et espère que celui-ci pourra capter jusqu'à 1,5 million de tonnes de CO2 par an d'ici à 2025, puis 5 millions en 2030. Mais il investit également au Pays-Bas, dans le projet Aramis, qui doit permettre de transporter du CO2 vers des sites de stockage sous-marin dans d'anciens puits gaziers là aussi en mer du Nord.

Reste que, pour l'heure, de nombreuses incertitudes demeurent sur la réussite industrielle future de ces puits à CO2 géants, et sur leur capacité réelle à capter des millions de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, afin d'éviter un trop grand réchauffement de l'atmosphère dont les conséquences seraient catastrophiques.

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Marine Godelier

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Commentaire 1
à écrit le 30/03/2022 à 12:43
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Ces immenses stockages souterrains de CO2 font peur : qui garantit qu'ils resteront étanches ? Et qu'ils n'y aura pas des fuites pour l'éternité au risque de réchauffer la planète ? A côté de ce vaste problème, le stockage des déchets radioactifs qu...

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