Emmanuel Macron, le coup de bluff permanent ?

POLITISCOPE. Démentie aussitôt que testée dans l'opinion, la rumeur d'une démission suivie d'une présidentielle anticipée révèle une macronie qui semble jouer son avenir au poker avec un 4 de trèfle... Emmanuel Macron, bousculé par la popularité de son Premier ministre, fait feu de tout bois pour remonter la pente en préparant sa "nouvelle étape".
(Crédits : POOL New)

Rien ne va plus en macronie. Comme s'ils jouaient à la roulette au casino, les macroniens sont comme suspendus aux prochaines déclarations du président de la République. Tous ont été pris de court, eux comme leurs adversaires, par l'annonce d'une nouvelle allocution présidentielle ce dimanche soir. Le temps du petit Paris politique s'est comme contracté. Les coups de téléphone ont fusé de toute part. Les journalistes politiques tentent, avec difficulté, d'y comprendre quelque chose. « ça part dans tous les sens ! », s'exclame un soutien du président. Ces dernières semaines encore, Edouard Philippe avait les honneurs de la presse et des sondages. Chacun y allait alors de son pronostic sur son éventuel départ en majesté de Matignon. Chacun essayait de jauger qui pouvait le remplacer.

Et puis, les proches d'Edouard Philippe sont apparus fébriles, soucieux d'expliquer à chacun de leurs interlocuteurs que « le Premier ministre est bien à son poste », et qu'il comptait bien le rester, à son poste. Pourtant, au même moment, le chef du gouvernement essaye de recaser certains de ses collaborateurs dans différents ministères.

De son côté, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire qui avait opéré une opération séduction depuis le confinement, multipliant les interviews et les reportages, a finalement affirmé qu'il n'était pas intéressé par Matignon. Enfin, Gérald Darmanin qui s'était retrouvé en une du Journal du Dimanche - « Je veux peser », plastronnait-il - se retrouve avec une tuile inattendue : après avoir bénéficié d'un non lieu en 2018, la justice ordonne la reprise des investigations sur les accusations de viol à son encontre. Décidément, pour le gouvernement, ce n'est plus l'heure du « faites vos jeux ».
À l'Elysée, Emmanuel Macron observe son petit monde. Lui qui semble si seul, si isolé ces derniers mois, consulte à tour de bras. « Il envisage son prochain casting », nous souffle un initié du pouvoir. « Tout est open », « tout est sur la table », ajoute-t-on. Les uns annoncent un grand ménage de printemps. « Les jours de la bande de la planche sont comptés », croit savoir un proche de la bande de Poitiers. Les autres prévoient un big bang gouvernemental : l'Elysée aurait le projet de constituer de « grands pôles » ministériels - réduisant par la même occasion le nombre de ministres -, et annonceraient par la même occasion une profonde réorganisation de l'Etat, prenant en compte les défaillances de la gestion de l'épidémie. Parmi les idées qui ont circulé : la création d'un grand pôle « action sociale ».

Ces derniers jours, Emmanuel Macron s'est réfugié dans le silence. Celui qui avait l'ambition en son début de quinquennat d'être le « maître des horloges » tente aujourd'hui par tous les moyens de gagner du temps. Quitte à tromper son petit monde, et à multiplier les coups de bluff. « Tel un joueur de poker ne disposant qu'une carte de quatre de trèfle », remarque un observateur de la vie politique française. Et pourtant, les gazettes regorgent aujourd'hui de propos rapportés du chef de l'Etat.

"Personne en face" ?

Pour un président silencieux, il apparaît bien bavard par articles de presse interposés. Le Figaro nous affirme ainsi qu'il aurait envisagé de démissionner, lors d'une réunion du premier cercle des donateurs de 2017 à Londres, dans le but de provoquer une élection anticipée, et qu'il aurait expliqué : « Je suis sûr de gagner car il n'y a personne en face ». Cette « indiscrétion » sera vite démentie par l'Elysée. En mai, l'eurodéputé LREM, Stéphane Séjourné, ancien conseiller politique d'Emmanuel Macron, avait quant-à-lui osé affirmer : « Faut-il un remaniement ? Une dissolution ? Il ne faut rien écarter ». Celui qu'on présente comme un « proche » du président de la République n'est pourtant plus à l'Elysée depuis plus d'un an.

Une chose est sûre : après avoir pris de court son Premier ministre en annonçant un déconfinement à partir du 11 mai - ce que les « experts » considéraient alors comme une décision prématurée -, le président souhaite de nouveau accélérer le mouvement. Lundi dernier, lors d'une réunion à l'Elysée, Emmanuel Macron a fait part à son équipe de sa décision de permettre à davantage d'activités et de commerces de rouvrir normalement. Édouard Philippe comme Olivier Véran y sont pourtant opposés. Entre le président et son Premier ministre, les désaccords se multiplient.

L'amer de l'Elysée

C'est alors qu'un « porte parole » inattendu du président vend la mèche. L'ancien ministre et fondateur du parc du Puy-du-Fou, Philippe de Villiers rapporte sur BFM-TV cette divergence de vue : « Le 17 mai, j'ai eu une conversation avec Emmanuel Macron et je lui ai dit : 'pourquoi il fait ça, Philippe, pourquoi on ne déconfine pas plus vite ?' Il m'a dit, 'Philippe, il gère son risque pénal' ». Face au vendéen, la journaliste politique Ruth Elkrief, pourtant rompue à la rudesse de la vie politique, semble sidérée : « Il vous a parlé comme ça, de son premier ministre ? De son Premier ministre ? Le président de la République vous a parlé comme ça de son Premier ministre ? ». Et le vicomte de confirmer : « Macron est assez amer de voir qu'Edouard Philippe est plus populaire que lui, parce que, en fait, il [Emmanuel Macron] voulait déconfiner plus vite. C'est ce qu'il m'a dit. Il m'a dit : 'sinon, le pays va crever' ». Dans cette intervention choc, si de Villers s'est bien gardé d'attaquer le président de la République, il s'en est donné à coeur joie contre Christophe Castaner et Nicole Belloubet, expliquant qu'ils avaient la « pétoche » sur le dossier des violences policières.

C'est pourtant Emmanuel Macron lui-même qui avait demandé à ses ministres de prendre à bras le corps le sujet, et de se pencher sur le dossier judiciaire d'Adama Traoré. Soufflant le chaud et le froid, le président semble prendre un malin plaisir à prendre le contre pied de son gouvernement, tentant par tous les moyens de se replacer au centre du jeu. Rien de mieux qu'une telle indignation mondiale pour provoquer une diversion en son propre royaume.

Tel Mitterrand qui avait su jouer de SOS Racisme face au Front National, ce qui lui avait permis de se poser en rassembleur en 1988 - avec son slogan de campagne de « la France Unie » -, Macron espère se placer au centre de la nation, n'hésitant pas à critiquer en privé selon Le Monde « le monde universitaire », coupable, selon lui, d'avoir « encouragé l'ethnicisation de la question sociale en pensant que c'était un bon filon ».  Or, ajoute-t-il, ce « débouché » ne peut être que « sécessionniste » et « revient à casser la République en deux ». Le même pourtant n'hésite pas auprès de ses collaborateurs à utiliser la formule de Renaud Camus, l'écrivain d'extrême-droite du « grand remplacement ». Décidément, le caméléon Emmanuel Macron aime plus que tout jouer sur tous les tableaux.

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Commentaires 18
à écrit le 15/06/2020 à 8:51
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@ Toto : je vous cite "c'est pour cela que 25% des francais l'ont élus ;) " : l'éternel argument pour déconsidérer le président, que ce soit pour Macron ou ceux d'avant. De deux choses l'une : ou vous avez voté, et vous acceptez la règle du jeu démo...

à écrit le 13/06/2020 à 19:24
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C'est une bonne idée de démissionner, pourquoi pas. Avec la qualité actuelle du personnel politique de l'opposition, on assisterait à une campagne électorale de haute volée avec des programmes tout aussi recherchés. On en rêve.

à écrit le 13/06/2020 à 14:42
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E. Macron est jeune, compétent, et il veut sortir la France de sa routine minable qui l'abaisse en permanence en faisant les réformes que tous les autres n'ont pas su faire. Il a donc énormément de gens contre lui : des jaloux, des vieux intellectue...

le 13/06/2020 à 17:42
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" faisant les réformes que tous les autres n'ont pas su faire." Rappel moi la réforme qui te concerne ?

le 14/06/2020 à 11:26
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C'est trop mignon, la foi!

le 15/06/2020 à 7:28
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c'est pour cela que 25% des francais l'ont élus ;) et les français qui votent Marcron sont des profs, des fonks, des mecs en CDI, pas des winners, désolé ..

à écrit le 13/06/2020 à 13:02
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quand on a de l'honneur et du savoir vivre et que l'on est ministre de l'intérieur voir de la justice et que l'on fait une grosse bêtise on donne sa démission et on part et en plus pour les deux ce n'est pas la première bourde

à écrit le 13/06/2020 à 10:46
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au lieu de gesticuler il ferais mieux de rendre a la France son intégrité total y compris dans ces banlieues

à écrit le 12/06/2020 à 16:55
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Et il aurait ajouté " je suis sûr de gagner, car il n'y a personne en face ". Pari ou provoc, il n'a pas tort , parce qu'on nous fera encore le coup : " c'est Marine ou moi ".

le 13/06/2020 à 11:16
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Justement l’annonce qui lui est prêtée est un coup de bluff pour, espère-t-il, faire sortir ses éventuels futurs adversaires de droite et de gauche du bois !!! Mais l’histoire récente montre que ce qui va se passer dans deux ans, n’était pas envisage...

à écrit le 12/06/2020 à 14:33
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La baudruche se dégonfle conformément à l'usure du monarque mais Dieu ,le veau d'or viendra à son secours pour financer sa prochaine campagne qui seule compte à ses yeux en ces temps où on licencie en masse(luftansa qui vient de recevoir 9 milliards ...

à écrit le 12/06/2020 à 13:15
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Je le hais . Pour moi c'était un sentiment inconnu .

à écrit le 12/06/2020 à 10:49
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fuite en avant permanente..... c 'est plus qu inquiétant....macron est dans une bulle narcissique absolue....sans aucune direction...faillitte de l état à tous les étages.... article dans le fig mag du jour, d un professeur de médecine, qui montre qu...

le 12/06/2020 à 17:58
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Ce professeur ne s'est pas manifesté au début de l'épidémie, curieux non ? Facile de critiquer après coup ! Yavéka, falléke !

le 13/06/2020 à 16:16
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@Marc469 démontrer les failles du système ce n 'est pas dire y a qu à faut qu'on..... de dire qu il n y avait pas de masques et qu on le savait il y a deux ans.....c 'est mettre le doigts sur les failles, qui vont coûter très cher....bcp plus que d...

le 14/06/2020 à 5:24
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À propos de ce professeur de médecine et son livre à paraître le 17 juin les charognards arrivent toujours aprés la bataille,jamais avant.

à écrit le 12/06/2020 à 9:27
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Ce monsieur n'est qu'une construction médiatique et continue de l'être, diviser pour mieux unir est son credo a l'image de la construction européenne qui n'a d'autre but que l'uniformisation par la destruction!

à écrit le 12/06/2020 à 9:18
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"Emmanuel Macron, bousculé par la popularité de son Premier ministre" Mouais, il ne doit pas lui faire beaucoup de mal non plus parce que les côtes de popularité des politiciens de façon générale post covid c'est comme les cours du pétrole, ils s...

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