Transports : quand la Cour des comptes fait fausse route

Dans son réquisitoire contre l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, la Cour des comptes oublie les avantages d'une telle structure, dont sont dotées aussi bien l'Allemagne, la Suisse que l'Espagne. Par Philippe Duron, député du Calvados, président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

La Cour des comptes a rendu public le lundi 29 août le réquisitoire adressé par voie de référé au Premier ministre le 10 juin dernier à l'encontre de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), dont j'ai l'honneur d'assurer la présidence depuis 2012.

Les critiques formulées sont de deux natures : d'une part, sur le fond, le dogme de la Cour des comptes à l'égard des agences de l'Etat est constant, les accusant d'être des outils de débudgétisation massive échappant au principe d'universalité budgétaire prôné par la LOLF. Cette position est systématiquement rappelée lors du rapport annuel de la Cour concernant l'AFITF depuis la première année de son existence. Or sur ce point, la Cour devrait avoir à l'esprit que l'article 2 de cette même loi organique autorise parfaitement l'affectation de recettes publiques à un établissement chargé d'une mission de service public, comme c'est le cas de l'AFITF.

Les recettes affectées protègent les investissements

La Cour sait également, puisque des contrôles répétés ont été menés sur l'Agence, que sa gestion ne comporte aucune irrégularité et que le financement des infrastructures de transport n'a réellement retrouvé un rythme et une régularité satisfaisants qu'avec la mise en place de ces recettes affectées, qui protègent les investissements des aléas budgétaires conjoncturels et qui font porter les efforts sur les usagers plutôt que sur les contribuables. Fondamentalement, une structure comme l'AFITF, par le lien établi entre des recettes affectées de caractère durable et des dépenses sur le long terme, donne à la Nation les moyens de financer les équipements dont elle a encore besoin. Elle a ainsi permis en onze ans de réaliser près de 21 milliards de paiements au profit des infrastructures de transport, en réaffectant des recettes principalement issues du transport routier à des projets de transport majoritairement alternatifs à la route, notamment ferroviaire et fluvial.

Des structures similaires en Suisse, Allemagne, Espagne

La Cour souligne l'absence d'autonomie décisionnelle de l'AFITF. Est-il toutefois besoin de rappeler le statut d'opérateur financier de l'AFITF, qui ne lui donne pas, à juste titre, la latitude de décider à la place du Gouvernement et du Parlement des projets d'infrastructures que ceux-ci retiennent et assument pleinement avec la légitimité démocratique qui leur est attachée.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si d'autres États européens, dont la Suisse, l'Allemagne et l'Espagne, se sont dotés d'une structure similaire, constatant les préjudices causés par ces aléas budgétaires sur la visibilité des acteurs économiques. Il n'est pas non plus inutile de rappeler le soutien systématiquement réaffirmé des chefs d'Etat à l'égard de l'Agence depuis sa création en 2005.

 Quelques centimes supplémentaires de taxe sur les carburants

Mais les critiques de la Cour sont aussi d'une autre nature, relative au contexte financier lié à l'évolution des besoins de paiement de l'Agence. J'avais déjà eu l'occasion d'exprimer publiquement ma position à ce sujet, rappelant qu'il était en effet indispensable, à l'aune des annonces faites par le gouvernement en matière de projets d'infrastructures, de consacrer des moyens supplémentaires à l'AFITF. Je reste convaincu que la solution la plus indolore aujourd'hui, tant pour l'Etat que pour les Français, est d'affecter quelques centimes supplémentaires de Taxe Intérieure sur d Consommation de Produits Énergétiques (TICPE) à l'AFITF, dans le contexte actuel de bas coût des carburants et de transition énergétique.

Un niveau de ressources sous estimé

Je souhaite toutefois ajouter que les analyses de la soutenabilité financière de l'AFITF faites par la Cour des Comptes se fondent sur un niveau de ressources annuel plafonné à 1,9 milliard d'euros, alors que ce niveau de ressources devrait être sensiblement dépassé dès 2017. En outre, comme le souligne le Premier ministre dans sa réponse à la Cour, la moitié des charges à payer, qui décroissent depuis trois ans, résultent d'engagements pris sur le long terme et ne doivent donc pas être assimilées à une insuffisance de paiements.

Au final, je ne peux que me réjouir, face à ce réquisitoire sévère des sages de la rue Cambon, du soutien et de la confiance réitérés du Premier ministre à l'égard de l'AFITF, qui reconnaît l'expertise que l'Agence a développée depuis sa création ainsi que les progrès qu'elle a su faire dans son fonctionnement. Mais je constate également que la suppression de l'AFITF ne figure plus parmi les orientations préconisées par la Cour au gouvernement, ce qui n'est pas, à l'évidence, la moindre des satisfactions.

Philippe Duron, député du Calvados, président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

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