Une nouvelle approche pour scanner l'entreprise

Les rapports annuels des entreprises intégrant à la fois les dimensions financières et non financières (responsabilité sociale et environnementale) sont mieux à même de donner de la perspective. Par Caroline de La Marnierre, Présidente/Fondatrice, Capitalcom, Agence de Communication Intégrée (Corporate, financière et extra-financière) et Philippe Peuch Lestrade, Deputy CEO, IIRC et professeur Associé de l'Université.

Quelle est la vérité d'une entreprise ? Comment l'appréhender dans toutes ses dimensions et la communiquer ? La question peut sembler théorique, un rien ésotérique. Il n'en est rien, surtout quand cette entreprise est une multinationale cotée. Pour toutes ses parties prenantes, et en particulier pour la communauté financière, pouvoir évaluer sa performance globale (à la fois financière, sociale et environnementale) est un enjeu crucial et, au sens profond du terme, stratégique. Il s'agit en effet de percevoir, au delà de la conjoncture, le « destin » à moyen terme de toute entreprise, organisme vivant au sein de son écosystème en bouleversement permanent et accéléré.

De nouveaux acteurs

Longtemps appuyé essentiellement sur des pays et des Etats, le système mondial voit monter en lice de nouveaux acteurs au premier rang desquels villes géantes, ONG internationales et méga-entreprises avec des centres de décisions multiples et épars. Dans les 20 ans qui viennent, les 600 plus grandes villes du monde vont générer les deux tiers de la richesse et la mégapole va devenir l'entité de référence pour le marketing global. Avant 2020, les premières capitalisations boursières rivaliseront avec certains des quinze plus gros PIB de la planète.

Les déséquilibre introduits par la mondialisation

Certes la mondialisation offre des opportunités considérables - 700 millions de personnes sont sorties de la pauvreté en dix ans - mais elle introduit des déséquilibres inquiétants. Un centième des habitants de la planète possèdent la moitié de sa richesse et ils sont toujours 900 millions sans accès à de l'eau potable. Parce qu'elle est hyper-connectée à cet écosystème, l'entreprise sait que sa performance n'est plus univoque, qu'elle doit être équilibrée. La responsabilité n'est plus une option bienveillante. C'est un impératif stratégique.
Ce nouveau paradigme doit se traduire par un changement de posture radical. Pour la première fois, les entreprises pionnières se revendiquent acteurs majeurs de la société civile devant toutes leurs parties prenantes (actionnaires, bien sûr, mais également clients, salariés, fournisseurs, riverains, régulateurs), ainsi que devant tous les citoyens du monde, et ce, en temps réel !

Innovations françaises

Pour sa part, la France fut l'un des tous premiers pays à réglementer la notion de la Responsabilité Sociale de l'Entreprise, dès 2001. Elle est restée innovante avec le « Grenelle II » qui, depuis 2012, oblige les entreprises à intégrer des indicateurs RSE dans leurs rapports en les faisant vérifier. Une véritable dynamique est également à l'œuvre à l'échelle européenne, sous l'impulsion de la Directive du 15 novembre 2014 relative à la publication d'information non financière, qui a notamment mentionné le rapport intégré lors des débats parlementaires. Certaines entreprises ont déjà pris les devants dans leurs activités quotidiennes, au-delà des contraintes réglementaires d'information, à l'image d'Orange et de Crédit Agricole, ou encore de Danone, qui fondent une large part de la rémunération variable de ses dirigeants et managers sur des critères non financiers tels que le taux d'engagement des salariés ou le développement du capital humain.

Citons également l'Oréal, dont le programme « Share and Care » offre à ses plus de 77.000 collaborateurs à travers le monde des dispositifs sociaux inédits. Cet investissement important favorise l'attractivité des talents, avec pour conséquence un renforcement du capital humain, en particulier dans les pays en forte croissance.
L'exercice exige de l'entreprise un nouveau langage, une nouvelle communication qui ne pourra plus se contenter de juxtaposer d'un côté des ratios comptables au cordeau, de l'autre de vagues promesses éthiques. Désormais, il convient d'expliquer le cheminement de l'entreprise vers « la » création de valeur, à partir des différents enjeux économiques/financiers, mais également humains, technologiques, sociaux, sociétaux et environnementaux.

Fédérer éléments financiers et non financiers

C'est toute l'ambition des entreprises qui sont à l'origine de l'International Integrated Reporting Council (IIRC) et du rapport intégré, soutenues par des organismes internationaux tels que la Banque Mondiale, ou encore l'International Organization of Securities Commissions (IOSCO). Lourde tâche ! Fédérer dans un même document les éléments financiers qui démontrent la rentabilité passée et les éléments extra-financiers qui conditionnent la création de valeur actuelle et future, n'est pas chose facile. Mais cette démarche est essentielle dans la mesure où elle contribue à une évolution positive du management et du processus de prise de décision.

Éviter les soupçons de "green washing"

Il faudra en particulier mettre au point des métriques fiables, afin que les critères non financiers soient pris autant au sérieux que les données financières et ne prêtent plus le flanc aux suspicions de « green washing ». Ce nouveau tableau de bord devra afficher, de manière coordonnée, mesurable et convaincante, santé financière, performance sociale et respect de l'environnement, mais sans que ces indicateurs soient forcément normés. Chaque entreprise se doit de concevoir ses propres indicateurs (en déploiement de l'ossature proposée par l'IIRC), en fonction de son secteur d'activité, de sa stratégie et de son ADN. Avec le rapport intégré, les investisseurs disposeront d'information sur « toute l'entreprise » et pourront la benchmarker sur des critères intégrés, reflétant la spécificité et la vision de chaque entreprise. C'est tout l'enjeu de cette nouvelle communication, indépendante des secteurs d'activité et des législations.

L'apport du rapport intégré

Dans un monde complexe aux enjeux multiformes, le rapport intégré apporte du sens et de la perspective. Pour appréhender au plus près la valeur de l'entreprise et sa position concurrentielle à terme, investisseurs et analystes ont besoin d'évaluer sa trajectoire stratégique et son modèle de développement. C'est la mission du rapport intégré. Parmi le millier d'entreprises qui ont déjà franchi le pas, on compte de grandes multinationales telles que Philips, Coca Cola, Telefonica, Tata, SAP... ou, en France, GDF SUEZ, Groupe pionnier en la matière. La France figure parmi les tous premiers pays à avoir reconnu les dimensions sociales et environnementales de la performance. Il y a urgence à conserver notre longueur d'avance pour accélérer notre compétitivité mondiale !


Caroline de La Marnierre, Présidente/Fondatrice, CAPITALCOM, Agence de Communication Intégrée (Corporate, financière et extra-financière).
Philippe Peuch Lestrade, Deputy CEO, IIRC et professeur Associé de l'Université.

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