Infiltré dans une usine d'iPhone en Chine, un étudiant raconte son expérience

Dejian Zeng, étudiant à l'université de New York, a décidé de travailler six semaines dans une usine Pegatron, sous-traitant d'Apple. Dans le cadre de ce projet universitaire, il témoigne de son expérience éprouvante des conditions de travail et de vie au sein de l'usine.
«Cela devient très complexe quand vous êtes fatigués mais avez aussi envie de boire. Vous n’avez le temps de ne faire qu’une de ces deux activités. Le temps d’aller à la salle de bain et de revenir, et la pause est terminée !», explique Dejian Zeng, étudiant à l'université de New York.

Enchaîner 12 heures de travail par jour dans des conditions misérables, c'est ce qu'a vécu Dejian Zeng, étudiant à l'université de New York. Il s'exprime aujourd'hui sur son expérience dans l'une des usines Pegatron, sous-traitant du géant Américain Apple, à ChangShuo près de Shanghai. Zeng, intéressé les par droits de l'homme, décide de travailler six semaines au cours de l'été 2016, dans une usine d'assemblage du célèbre iPhone dans le cadre d'un projet universitaire. Lors de son infiltration, il a vécu le calvaire des tâches répétitives et de la vie au sein de l'usine, comme il l'a raconté à Business Insider la semaine passée.

Des conditions de vie épuisantes

De 19h30 à 7h30 du matin, l'étudiant s'épuisait à visser le haut-parleur sur le boitier du téléphone encore et encore. Il explique qu'au départ, le geste doit être précis et rapide, mais que celui-ci devient très vite une seconde nature.

« Au début, tu dois être très concentré pour ne pas ralentir la ligne d'assemblage. Cela fatigue, mais au moins, cela permet de rester attentif. Et puis dès que tu maîtrises le geste, tu as beaucoup de temps dans la journée où il n'y a rien à faire. Les gens s'ennuient terriblement. Les appareils électroniques sont interdits dans l'entreprise, et quand on discutait entre nous, le manager nous demandait de baisser le ton», explique-t-il dans des propos traduits par Le Figaro.

Avec quelques pauses de dix minutes, bien trop courtes pour pouvoir souffler ou se réhydrater, une pause déjeuner de cinquante minutes leur est accordée. Les plats de la cantine leurs réservent parfois des surprises : « Pour la pause déjeuner, une gigantesque salle propose des plats à un euro, principalement composés de cous de poulets, ou d'autres parties que je n'ai pas su identifier », explique Dejian Zeng.

Les salariés mangent pour la plupart seuls, et le plus rapidement possible afin de gratter quelques précieuses minutes de sommeil. Des siestes discrètes et dans la prudence car si un salarié est vu par un des supérieurs, l'incident est déduit de son salaire. Zeng précise d'ailleurs qu'être vu s'allonger suffit.

A la fin de la nuit de travail Zeng rentre prendre une douche chaude s'il a de la chance, et se couche dans un dortoir qu'il partage avec sept autres salariés. Tout cela pendant six semaines et payé 450 dollars par mois, en comptant les heures supplémentaires. Dejian Zeng explique que tout est question d'argent.  Les salariés ne pensent qu'à gagner plus pour leurs familles restées dans les campagnes avant même leur bien-être.

 « Personne n'aime vraiment ce qu'il y fait, parce que l'objectif de la journée est d'attendre qu'elle se finisse. Mais la seule chose qui compte vraiment c'est l'argent, l'argent, l'argent. J'ai besoin d'argent pour ma famille, pour ma vie et pour mes enfants. C'est la seule chose à laquelle ils pensent. Parfois ils ne se préoccupent même pas de l'étendue de leur fatigue. »

Cette mentalité est inquiétante quand on pense que ce sont ces pensées-là, ajoutées aux conditions de vie épouvantables qui sont à l'origine de la vague de suicides des usines Foxconn de 2007 à 2010.

Des promesses non tenues

Reste que l'étudiant note des progrès depuis quelques années notamment après le scandale des usines Foxconn. Il explique qu'Apple s'est en effet occupé du problème : les prix des heures supplémentaires sont augmentés de moitié en semaine et doublés le samedi. Zeng ajoute aussi que les dirigeants de l'usine portent particulièrement attention aux cours de sécurité lors de la formation de départ.

Le problème des heures supplémentaires persiste néanmoins malgré la promesse d'Apple de les rendre facultatives, au choix des salariés. Dejian Zeng explique qu'il lui était impossible de finir une journée sans faire d'heures supplémentaires, celles-ci lui étaient imposées.

« Ce n'est pas volontaire. Je dirais que c'est ça le problème. Les salariés n'ont pas le choix. Si aujourd'hui je suis très fatigué et ne veux pas travailler plus, je ne peux pas partir », affirme-t-il.

L'étudiant s'est plaint d'avoir été forcé de travailler des heures supplémentaires. Seulement, le système de réclamations installé dans l'usine de ChangShuo n'envoie la plainte qu'à d'autres salariés de l'usine et pas directement à Apple, contrairement à celui mis en place dans les usines Foxconn.

Il arrive ainsi en période de forte demande que les salariés travaillent plus de soixante heures par semaine, bien au-dessus de la semaine légale de travail de 44 heures en Chine. C'est ce qui s'est passé après le départ de Dejian Zeng, quand l'usine a commencé une production de masse de l'IPhone 7. L'étudiant explique qu'un salarié avec qui il a gardé contact a dû enchaîner onze journées consécutives de travail.

Un autre problème : la discrimination des salariés. Zeng explique que les femmes enceintes, les personnes ayant des maladies (MST) ou des tatouages sont renvoyées sans même passer l'examen médical obligatoire le premier jour.

Impossible par ailleurs pour les salariés de faire grève : chaque centime est important et ils ne peuvent pas risquer de perdre leur travail. Avec une absence de plaintes et de démonstration de mécontentement, le changement stagne.

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Commentaire 1
à écrit le 18/04/2017 à 17:50
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"En Chine, la vie selon Apple" https://www.monde-diplomatique.fr/2012/06/POUILLE/47866

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