Tout savoir (ou presque) sur les élections grecques

Les 9 millions d'électeurs helléniques sont appelés à renouveler leur parlement ce dimanche 25 janvier. Réponses à quelques questions pour bien comprendre cette élection et ses enjeux.
Dimanche, les Grecs renouvellent la Vouli.

Dimanche, la Grèce vote à nouveau. Pour la quatrième fois en cinq ans. L'impossibilité d'élire un président de la République après trois tours de scrutin le 29 décembre dernier a entraîné la dissolution automatique du parlement hellénique, la Vouli. Après une campagne courte, mais intense, cette élection pourrait marquer un changement de direction non seulement pour la Grèce, mais aussi pour l'Europe. Voici la réponse aux grandes questions qui se posent à la veille de ce scrutin.

Comment se passe le vote ?

La Grèce est une république parlementaire monocamérale. La Vouli composée de 300 membres est la seule chambre du parlement, il n'y a pas de chambre « haute » comme le Sénat. Le mode de scrutin est le scrutin de liste à la proportionnelle dans de grandes circonscriptions régionales. Avec deux éléments modérateurs : le parti arrivé en tête obtient un « bonus » de 50 députés, soit un sixième des députés, et pour entrer à la Vouli, il faut obtenir au moins 3 % des suffrages exprimés au niveau national. Dernier élément : le vote est obligatoire en Grèce, ce qui n'avait pas empêché en juin 2012 l'abstention d'atteindre 37,5 % des inscrits, car cette loi n'est guère appliquée.

Que disent les derniers sondages ?

Le dernier sondage connu, réalisé les 19 et 20 janvier, pour la radio Sto Kokkino, donne Syriza à 33,5 %, les Conservateurs de Nouvelle Démocratie (ND) à 25,5 %, les centristes de To Potami à 7 %, les néo-nazis d'Aube Dorée à 6 %, le Parti communiste (KKE) à 5,5 %, les sociaux-démocrates du Pasok à 5 % et les Grecs Indépendants (Anel, Eurosceptiques de droite) à 3,5 %. Le sondage Rass paru le 21 janvier donnait une projection des sièges à la Vouli : 146 pour Syriza, 83 pour ND, 19 pour To Potami, 17 pour le KKE, 14 pour Aube Dorée, 12 pour le Pasok et 9 pour l'Anel.

Syriza peut-elle gagner ?

Tout dépend de ce qu'on entend par « gagner. » Depuis le début de l'année 2014, pratiquement tous les sondages donnent le parti d'Alexis Tsipras en tête. Syriza a d'ailleurs terminée première lors des élections européennes du 25 mai dernier. Les dernières enquêtes parues voient l'écart entre Syriza et le parti du premier ministre sortant Antonis Samaras grandir : il serait de 5 à 7 points. Avec un élément d'incertitude : les 10 à 15 % d'électeurs encore indécis qui se décideront au dernier moment et qui peuvent faire basculer l'élection.

Mais arriver en tête n'est pas « gagner » dans un régime parlementaire, il faut pouvoir construire une majorité absolue. C'est tout l'enjeu du vote de dimanche. Pour avoir la majorité absolue seule, Syriza doit compter non seulement sur un score important, mais aussi sur un fort résultat cumulé des partis exclus de la répartition des sièges (ayant donc obtenu moins de 3 % des exprimés au niveau national). Selon les calculs du site Macropolis, si ce résultat cumulé des petits partis est de 16 %, un score de 34 % suffit pour obtenir la majorité absolue. Avec un résultat des « exclus » à 3 %, il faut 39,2 % pour obtenir 151 députés.


Syriza peut-elle trouver des alliés ?

Si le parti d'Alexis Tsipras n'a pas la majorité absolue, il devra construire une coalition. La tâche sera difficile, mais pas impossible. Le leader de Syriza a, cette semaine, indiqué qu'il serait prêt à discuter avec tout le monde sur la base de son programme économique énoncé en septembre à Thessalonique. A priori, une alliance avec trois partis semble exclue : la Nouvelle Démocratie du Premier ministre sortant, les néo-nazis d'Aube Dorée et les Communistes du KKE. La situation est plus incertaine concernant les centristes de To Potami qui, quoique plus modérés que Syriza, veulent également rénover l'économie et la politique du pays. De même, les sociaux-démocrates du Pasok, jusqu'ici alliés d'Antonis Samaras, ont ouvert cette semaine la porte à d'éventuelles discussions. L'affirmation de Syriza de vouloir demeurer dans la zone euro pourrait faciliter ces alliances, mais les négociations s'annoncent serrées car les programmes de ces deux partis ne sont guère compatibles par ailleurs.

Enfin, deux autres partis pourraient tenter une alliance avec Syriza : les Eurosceptiques de droite du parti des Grecs Indépendants, mais là aussi, les divergences sont importantes, notamment sur la question de l'immigration et du social, et le Mouvement des démocrates de George Papandréou, l'ancien Premier ministre, mais Alexis Tsipras a promis de « jeter à la poubelle » toute proposition de ce dernier. Ces deux partis ne sont, du reste, pas sûrs d'obtenir les 3 % nécessaires à l'entrée au parlement.

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Et si aucune majorité n'est possible ?

Si Syriza n'obtient pas la majorité absolue et ne parvient pas à trouver des alliés au sein de la nouvelle Vouli, il faudra, comme en 2012, revoter. Rappelons qu'alors, les Grecs avaient été appelés deux fois aux urnes en un mois. Après bien des pressions, les élections du 17 juin 2012 avaient fini par dégager une très courte majorité pour la coalition « pro-troïka » de Nouvelle Démocratie et du Pasok.
Il y a cependant deux différences avec la précédente situation. D'abord, la nouvelle Vouli devra élire un président de la République. La majorité absolue est nécessaire pendant deux tours, la majorité relative suffit au troisième. C'est ce président qui devra ensuite tenter de construire une majorité et, si c'est impossible, qui convoquera à nouveau les électeurs. Ceci risque donc de prendre un peu de temps. Pendant ce temps, l'actuel gouvernement restera en place pour gérer les affaires courantes sans majorité parlementaire. Or, la troïka n'a prolongé l'actuel plan de soutien à la Grèce que jusqu'au... 1er mars.

Pourquoi le gouvernement Samaras est-il rejeté par les Grecs ?

Selon les sondages, les deux partis de gouvernement cumuleraient entre 30 et 35 % des intentions de vote. En 2009, ils obtenaient 77 % des exprimés ; en 2000, plus de 80 %... Antonis Samaras a progressivement perdu toute crédibilité. Auteur d'une politique d'austérité particulièrement violente au début de son mandat, il n'a pas été capable de convaincre les Européens de réfléchir à la restructuration de la dette grecque et donc de faire respecter leurs promesses aux « partenaires » du pays. Sa volonté avortée de sortir à l'automne en hâte du plan de sauvetage a été également une erreur majeure. Enfin, sa campagne menée sur la sécurité et la peur a fini par jouer contre lui face à un Alexis Tsipras qui voulait incarner le changement et l'espoir.

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Qu'est-ce que Syriza ?

Syriza est un acronyme pour « Coalition de la gauche radicale » (SYnaspismos RIZpoastikis Aristeras). A l'origine, il ne s'agit que d'un regroupement électoral de plusieurs partis qu'Alexis Tsipras a finalement fédéré dans une seule formation politique. Fondée en 2004, cette coalition a regroupé des partis de divers horizons : altermondialistes, «mouvements citoyens » opposés aux guerres au Kosovo et en Irak, mais aussi des petits partis trotskystes (DEA) et maoïste (KOE). Mais le cœur de Syriza reste le Synaspismos, émanation d'une scission du parti communiste (KKE), celui dit « de l'intérieur », qui, dans les années 1970 s'était séparé du parti communiste pro-soviétique (dit « de l'extérieur ») pour défendre les thèses de « l'Eurocommunisme », autrement dit de la participation des Communistes aux gouvernements dans les pays capitalistes, et l'entrée de la Grèce dans l'UE. Après une brève réunification, les éléments modérés furent exclus du KKE en 1989 pour leur soutien à la chute des régimes pro-soviétiques d'Europe centrale et orientale. Ils fondèrent le Synaspismos. Alexis Tsipras est issu de ce parti.

Est-ce un parti « d'extrême-gauche » ?

Le cœur de la pensée de Syriza, issue de Synaspismos, a donc toujours été une version modérée du marxisme, très influencée par les éléments « citoyens » issus du mouvement altermondialiste et des forums sociaux par exemple. Après son arrivée à la tête de la coalition en 2009, Alexis Tsipras a clairement engagé un tournant modéré. Le programme du parti a un aspect très social (relèvement du salaire minimum et des pensions, vaste plan « humanitaire » pour traiter le problème de la paupérisation du pays...), mais il n'entend pas rompre avec le capitalisme. Pour élargir son audience, Syriza s'est engagée dans un programme très modérément keynésien qui n'est pas sans rappeler la social-démocratie européenne des années 1970, notamment par son engagement à relancer l'économie dans le cadre d'un budget maintenu à l'équilibre et son attachement au maintien du pays dans la zone euro. Certes, il existe au sein du parti des tendances clairement marxistes, mais elles ont volontairement mis en sourdine leurs exigences. Mercredi, le député Panayotis Lafazanis, porte-drapeau de cette aile gauche de Syriza, a ainsi reconnu que « le socialisme n'est pas une priorité à ce stade » et il s'est rallié au maintien de la Grèce dans la zone euro.

Que veut exactement Syriza ?

Sur le plan intérieur, le programme de Syriza prévoit de « corriger » les politiques d'austérité très dures menées depuis 2010 en Grèce. Un « plan humanitaire » est envisagé pour accorder notamment un accès à l'eau, l'électricité, la santé et la nourriture aux plus démunis. Syriza promet également de relever le salaire minimum à son niveau d'avant la crise, soit 877 euros bruts contre 684 euros aujourd'hui. Dans la fonction publique, il entend réintégrer une partie des 300.000 licenciés et revaloriser les pensions. Enfin, l'impôt foncier sera supprimé dans sa structure actuelle. Ce programme doit être financé par la réduction du poids de la dette sur le budget, mais aussi par une plus forte taxation des hauts revenus. Syriza affirme vouloir casser le système oligarchique grec. Enfin, le parti veut réformer l'État pour le rendre plus efficace et le débarrasser de la collusion avec le bipartisme politique en place depuis 1974. Il promet notamment de réduire à 10 le nombre de ministères.

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Sur le plan extérieur, Syriza appelle à un vaste plan d'investissement au niveau européen, plus concret que le plan Juncker. Il appelle surtout à une négociation autour de la dette grecque et, plus généralement européenne. Son modèle est la grande conférence de Londres de 1953 au cours de laquelle une grande partie de la dette allemande d'avant-guerre, et notamment celle issue des réparations, avaient été annulées par les alliés afin de favoriser le développement de la toute jeune république fédérale. Syriza ne réclame cependant pas une annulation pure et simple des quelques 400 milliards d'euros de dette grecque. Son idée principale est de faire dépendre les remboursements de la dette de la croissance du PIB afin de rendre les créanciers intéressés au développement du pays.

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En cas de victoire de Syriza, la Grèce peut-elle faire faillite ?

La Grèce a déjà fait faillite. Depuis le début de l'année 2010, le pays ne peut plus se financer sur les marchés, sauf à très court terme. Le bref retour sur les marchés avec une émission de dette à 5 ans au printemps n'était qu'un feu de paille. Du reste, on l'a déjà oublié, mais le pays a déjà annulé une grande partie de sa dette, notamment en mars 2012 avec le plan appelé PSI qui a contraint les investisseurs privés à abandonner pour certains près des trois quarts de leur capital. En demandant une réflexion sur la Grèce, Syriza n'est donc pas plus « irresponsable » que le gouvernement « technique » de Lukas Papadémos qui, alors, avait décidé cette restructuration. Depuis 2010, la Grèce emprunte de l'argent à l'UE, le FMI et la BCE pour pouvoir payer ses échéances, notamment à la BCE (la Grèce doit rembourser 6 milliards d'euros d'obligations détenues par la BCE en juin). C'est cette situation de cavalerie financière où l'on rembourse de la dette en s'endettant que Syriza veut modifier. Du reste, en 2012, les créanciers avaient promis de réfléchir à une nouvelle restructuration lorsque le pays serait revenu à l'équilibre budgétaire primaire. Cette promesse n'a pas été tenue.

En cas de victoire de Syriza, la Grèce peut-elle sortir de la zone euro ?

C'est peu vraisemblable. Contrairement à ce que certains médias, notamment allemands, avancent, un défaut sur la dette ou un arrêt de la politique d'austérité ne conduisent pas automatiquement à une sortie de la zone euro. Le seul vrai élément qui pourrait déterminer la sortie de la Grèce de la zone euro serait un refus de la BCE d'accorder l'accès des banques grecques à la liquidité d'urgence. Pour éviter l'effondrement de l'économie, le gouvernement athénien devrait alors sortir en hâte de la zone euro et imprimer ses propres billets. Si la BCE a prévenu que ce programme était dépendant d'un accord avec la troïka, il est peu probable qu'on en vienne à cette extrémité. Un « Grexit » signifierait du reste que l'euro n'est pas, contrairement à ce qu'assènent gouvernements et BCE, un « processus irréversible. » Ce serait ouvrir la porte à de fortes secousses sur les marchés, comme l'a montré le mini-krach des 5 et 6 janvier derniers. De plus, Syriza a affirmé durant toute la campagne ne pas vouloir sortir de la zone euro. S'il y a « Grexit », ce sera donc une expulsion qui risque de peser lourd sur l'avenir de la zone euro. Que se passera-t-il si, par exemple, Podemos, allié de Syriza, remporte les élections en Espagne en novembre ? En réalité, depuis que la « victoire » de Syriza semble acquise, les Européens se montrent plus ouverts. Ce jeudi, le très orthodoxe (sur le plan financier) Premier ministre finlandais Alexander Stubb a avoué qu'il « fallait éviter la sortie de la zone euro de la Grèce à tout prix. »

Lire aussi : Grexit : le piège tendu par Angela Merkel aux électeurs grecs

Concrètement, que se passera-t-il si Alexis Tsipras devient premier ministre ?

La Grèce devrait alors demander une prolongation de six mois du soutien de la troïka afin de conclure les négociations avec ses créanciers. Dans les 15 jours, les négociateurs de Syriza pourraient ensuite faire leurs premières propositions. Évidemment, les négociations avec la troïka seront d'emblée délicates puisque cette dernière a déjà annoncé qu'elle voulait plus d'austérité afin que le pays atteigne les 4,5 % du PIB d'excédent budgétaire primaire qui sont son objectif. En réalité, ce sera un bras de fer et nul ne sait qui cédera en premier. La deuxième phase des négociations ne sera pas différente : les trois quarts de la dette publique grecque sont détenus par la Banque centrale européenne (BCE), les États et le MES (Mécanisme européen de stabilité). Au final, il s'agit pour les Européens de ne pas payer.

La Grèce va-t-elle mieux ?

Le pays s'est stabilisé après une lourde chute. Cette année, la croissance sera de 0,6 %, la première depuis 2008, mais cela n'effacera ni la baisse de 25 % du PIB depuis cette date, ni les conséquences sociales et économiques de l'austérité : pauvreté (qui toucherait un quart de la population), dégradation des services publics, chômage de masse (à 25,8 % en octobre) et investissement inexistant. Le modèle économique du pays est encore à inventer. Quant à l'excédent primaire, grande fierté du gouvernement sortant, il est avalé par la charge de la dette.

Commentaires 2
à écrit le 23/01/2015 à 23:00
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Aurons-nous un premier sinistre EmpPapatéou ou Rastapopoulos, ou bien tuladanslos... c'est la fête: le grec ne paye pas l'impôt, c'est le français qui paye. et puis les autres! vive le bavardage sur la croissance européenne dans les palais. En fra...

le 24/01/2015 à 11:55
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je ne comprends rien à ce que vous écrivez...

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