De l'autre côté la Manche, la prédominance d'Apple dans la musique numérique irrite. Au point que l'industrie du disque britannique a décidé de s'en prendre officiellement à la firme américaine. Elle réclame que la musique téléchargée sur iTunes, qui est donc au format propriétaire d'Apple, puisse être lue sur d'autres lecteurs numériques que l'iPod, et inversement, que l'iPod puisse lire l'ensemble de la musique offerte sur le marché.

Simple coïncidence? Le Danemark, la Norvège et la Suède ont expliqué au même moment qu'ils voulaient obliger le constructeur informatique à renoncer à l'incompatibilité de son logiciel de téléchargement iTunes, selon l'agence officielle de la consommation suédoise Konsumentverket. "Les conditions d'utilisation d'iTunes sont illégales dans les trois pays", a expliqué à l'AFP Marianne Aabyhammar, porte-parole de Konsumentverket.

En réalité, l'opération est possible mais demande quelques fastidieuses manipulations, de nature à décourager les velléitaires. Il faut graver les morceaux téléchargés à partir du juke-box numérique sur un CD et les convertir au format MP3, compatible avec l'iPod. Mais en attendant, impossible d'écouter sur l'iPod la musique achetée sur des magasins en ligne concurrents de l'iTunes et supportant d'autres formats de fichiers, comme le très répandu Windows Media Player. Partis bien avant les autres, l'iTunes et l'iPod sont aujourd'hui archi-dominants sur le marché de la musique en ligne, et la stratégie propriétaire a eu comme effet bénéfique de renforcer encore la domination d'Apple.

"Il n'est pas particulièrement bon qu'une société domine autant un marché", a déclaré mardi Peter Jamieson, le président de la British Phonographic Industry, devant la Commission spéciale de la Chambre des Communes pour la culture, les médias et les sports, qui l'auditionnait dans le cadre d'une enquête sur l'industrie des nouveaux médias et de la création. Il incite Apple à opter pour l'interopérabilité des formats, ce que la société a bien entendu toujours refusé, au Royaume-Uni comme ailleurs. Ainsi en France, réclamée à cors et à cri par l'industrie, l'interopérabilité des formats de fichiers a finalement été inscrite dans le projet de loi sur les droits d'auteurs voté cette année. Reste à savoir quelle sera sa concrétisation possible.

En tout cas, les défenseurs l'iPod pourront au moins vanter un rôle social bénéfique. Aux Etats-Unis, les étudiants ont hissé le baladeur de la firme à la Pomme en tête de leurs activités favorites, devant les soirées beuveries, révèle le sondage de la société de marketing Student Monitor. En 18 ans, les soirées bières n'ont perdu qu'une seule fois leur première place, en 1997, au profit d'Internet. Plus qu'un baladeur, l'iPod est devenu pour les étudiants un véritable outil, qui grâce au "podcasting", leur permet de télécharger des cours audio, à écouter quand ils veulent.

Comme tout succès, l'iPod a aussi de farouches opposants. Il fait actuellement l'objet d'une campagne de dénigrement menée depuis une quinzaine de jours par SanDisk, qui commercialise le Sansa e200, un produit concurrent de l'iPod. Dans des grandes villes comme New York ou Londres, des posters ont fleuri, traitant les utilisateurs d'iPod de suiveurs ou de moutons, "iSheep" ou "iFollow". "Le temps est venu de se soulever contre l'iDictature, de résister à la monotonie. Il existe désormais une alternative", proclame la page d'accueil du site de SanDisk, "iDon't.com", qui dit s'adresser aux "esprits indépendants".