Quand les Britanniques hésitent à se lancer à l'assaut des entreprises françaises

D'habitude les champions britanniques n'osent pas tenter l'aventure hexagonale, effrayés par les diverses réticences françaises. A contrario, les Français n'hésitent pas à mettre la main sur des fleurons britanniques. Pour inverser la tendance, il aura fallu que Lakshmi Mittal, un pur produit de l'ex-"Empire", s'y colle en lançant une OPA sur le géant européen Arcelor.

Il fallait donc un Indien, encore que basé à Londres, pour lancer une OPA sur un groupe français. Audacieux, Lakshmi Mittal a brisé le tabou voulant que les grands acteurs anglo-saxons, sauf rares exceptions, hésitent à s'aventurer sur l'Hexagone, surtout pour lancer des offres hostiles. Jusqu'à présent, on a plutôt vu des champions tricolores partir à la conquête du Royaume-Uni, alors que les "big players" britanniques ont volontairement ignoré la France.

L'année 2005 a été, à ce titre, exemplaire. Dans des opérations géantes et parfois laborieuses, Pernod Ricard s'est offert le Britannique Allied Domecq et Saint-Gobain a conquis British Plaster Board (BPB). Certes, Euronext n'a pas encore réussi à se marier au London Stock Exchange (LSE), mais l'initiative vient bien du Français et non le contraire. On a prêté aussi à Gaz de France un intérêt pour Centrica alors qu'EDF est déjà solidement implanté outre Manche depuis le rachat il y a quelques années de London Electricity, le fournisseur d'électricité de la région londonienne.

Exception faite pour le rapprochement entre Logica et Unilog, les champions britanniques sont allés partout sauf en France : Royal Bank of Scotland a investi aux Etats-Unis en 2004 et en Chine en 2005, Barclays a avancé ses pions en Afrique du Sud, BAE Systems ne jure que par les Etats-Unis et British Airways vient de relancer l'idée d'un rapprochement avec American Airlines.

Les raisons de cette asymétrie? "Le marché britannique est ouvert, tandis que l'Hexagone est verrouillé", entend-on souvent dire outre Manche. La fusion entre Pernod Ricard et Allied Domecq a donné la température. Quand on lui a demandé pourquoi il était la cible et non pas le prédateur, l'ex-patron d'Allied Domecq, Philip Bowman, a répondu, laconique et un peu agacé: "Parce que notre actionnariat est dispersé et donc nous sommes sur le marché, alors que Pernod est encore contrôlé par la famille d'origine, qui ne souhaite pas vendre".

Et si ce n'est pas le capitalisme familial, c'est l'Etat et le patriotisme économique qui font surface, comme dans l'affaire Danone-Pepsi. Un banquier français basé à Londres expliquait récemment que "La France fait peur". Non pas parce qu'elle érigerait des barrières artificielles aux OPA venant d'outre Manche, mais parce que son système social, avec le pouvoir des syndicats, la législation en matière de travail et une certaine culture du management en font un safari peu familier aux chasseurs anglais. "Mais si une OPA était lancée sur une entreprise française, qui pourrait l'empêcher? La France est, jusqu'à preuve du contraire, un Etat de droit. Les actionnaires auraient le dernier mot" ajoute ce banquier français.

Vu la réticence des Britanniques à se lancer dans des rachats de groupes français, c'est un donc un "petit-fils" de l'Empire, Lakshmi Mittal, Indien résident à Londres, qui a décidé de tenter l'aventure française. Et pourquoi en être surpris? Dans la capitale multi-ethnique qu'est Londres aujourd'hui, quand vous demandez à un Anglais quel est le plat national, il ne vous répondra pas le roast beef ou le shepherd's pie, mais plutôt le riz au curry.

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