Davos, une plateforme globale pour des problématiques globales

En partenariat avec Project Syndicate, nous publions à l'occasion de cette 43ème édition du World Economic Forum les points de vue de cinq "davosiens" célèbres. Aujourd'hui, Klaus Schwab, fondateur et président exécutif du Forum Economique Mondial de Davos, s'interroge sur les ratés de la coopération globale à laquelle il tient tant, mais reste trop souvent un voeux pieux...
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En ces premiers jours de l'année 2013, il est beaucoup question d'une participation à une « communauté globale. » Mais les signes tangibles - et surtout les attitudes - restent en contradiction avec ces déclarations.

De nombreuses raisons peuvent expliquer cette situation, mais la principale est la vélocité, l'inter-connectivité et la complexité des évolutions globales, nationales et même individuelles. Des évolutions sans précédent et des déséquilibres croissants - entre consommation et production, épargne et investissement, économie et écologie, inclusion sociale et marginalisation, égalité et disparité - s'opèrent au c?ur d'un système global complexe et démuni d'un bouton « sans risque. »

Pendant plus de 40 ans, les dirigeants du monde se sont retrouvés tous les ans à Davos pour débattre et avancer sur les problématiques les plus critiques de l'ordre du jour mondial. Cette année, la liste des sujets au programme des discussions est longue, et comprend les problèmes irrésolus liés à la dette américaine et européenne, les perspectives économiques globales inquiétantes, les troubles au Moyen-Orient et en Afrique du nord, et la hausse du chômage des jeunes.

A l'évidence, le besoin de coopération globale n'a jamais été aussi grand, et les gouvernements, le monde des affaires ou la société civile ne peuvent à eux seuls surmonter les défis qui se présentent à nous. Ces problématiques semblent indiquer que le monde est ancré dans un mode de crise, et ils sont peu nombreux à envisager l'espoir d'une amélioration - particulièrement en matière économique. Mais ce serait oublier à quel point la situation du monde s'est améliorée.

Lorsque le Forum économique mondial a été créé en 1971, la population de la planète était de quatre milliards, dont la moitié vivait dans la pauvreté. Aujourd'hui, le monde compte environ sept milliards d'habitants et le nombre de ceux vivant dans des conditions de vie inacceptables reste inchangé. L'espérance de vie moyenne dans le monde s'est accrue de dix ans - passant de 60 à 70 ans - depuis 1970. Il ne faut pas non plus oublier le nombre de disparitions de régimes autoritaires et celui des nouvelles démocraties nées depuis 40 ans. L'économie globale a aussi enregistré une croissance de 4% au cours des trois dernières années, malgré la pire récession globale depuis 1945.

Le chemin est encore long, mais nous ne devons pas oublier les réels progrès réalisés en termes relatifs.

Pour arrêter la spirale actuelle de pessimisme et éviter un épuisement de la gestion de crise, il nous faut envisager l'avenir de manière beaucoup plus positive, constructive, et dynamique, avec suffisamment de résilience pour s'adapter à des contextes en constante évolution, résister aux chocs soudains, et se rétablir tout en poursuivant les objectifs les plus urgents. Parvenir à un avenir meilleur implique impérativement de combiner une approche « positive » dynamique - vision audacieuse et action encore plus audacieuse - en mettant en ?uvre les mesures nécessaires pour renforcer la résilience aux risques. Le thème du sommet annuel de cette année à Davos est donc « Le Dynamisme résilient. »

Globalement, je souhaiterais que ce sommet annuel réalise deux objectifs supplémentaires cette année. D'abord, la crise économique a provoqué des comportements plus défensifs, plus nombrilistes et - du moins au niveau des états - plus protectionnistes. En l'absence de grandes visions unificatrices, les pressions séparatistes prennent le dessus sur les principes d'union, ralentissant ainsi les progrès sur bien des problèmes - y compris la réduction des émissions de carbone, la mise en place de mesures globales de régulation financière, et la conclusion du cycle de Doha sur les négociations commerciales globales, pour n'en citer que quelques uns - qui requièrent pourtant l'attention de tous.

Fidèles à la devise du Forum - « L'esprit d'entreprise dans l'intérêt général mondial » - les débats de Davos sont gouvernés par un réel esprit de citoyenneté planétaire. Cela implique d'envisager des solutions qui soient dans l'intérêt de la communauté mondiale (tout en respectant les intérêts nationaux et locaux), en gardant particulièrement à l'esprit les générations futures.

Le Forum a toujours encouragé la notion de responsabilité sociale des entreprises - ou en d'autres termes, la notion de la responsabilité des dirigeants d'entreprises non seulement vis-à-vis de leurs employés et de leurs actionnaires, mais aussi de leurs communautés et de la société au sens large. Mon second objectif à Davos cette année est donc que tous les dirigeants reconnaissent qu'au delà de leurs responsabilités économiques, ils ont aussi des obligations morales et sociales.

La responsabilité sociale des entreprises se mesure dans leur capacité à améliorer les conditions des employés, des actionnaires, des communautés et de l'environnement. Mais la responsabilité morale va bien au-delà, et exige des entreprises qu'elles travaillent sur les questions éthiques fondamentales comme l'inclusion, la dignité et l'égalité.

Mon espoir est que ce sommet annuel sera un catalyseur et un rassembleur d'initiatives qui permettront d'avancer sur les principales problématiques à l'ordre du jour global. Ainsi que nous le rappelle Einstein : « Le monde tel que nous l'avons créé procède de notre niveau de réflexion. Il ne peut être changé sans modifier notre niveau de réflexion. »

Nous devons tous assumer notre responsabilité dans notre propre sphère d'action - pour la rendre plus dynamique et résiliente au risque - et agir comme de réels administrateurs globaux, mus par le sens de la responsabilité morale envers l'humanité. C'est le monde dans lequel nous vivons ; nous y avons tous un rôle à jouer.

Klaus Schwab est fondateur et président exécutif du Forum Economique Mondial.

Copyright: Project Syndicate, 2013.
www.project-syndicate.org
 

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