Don Giovanni : époustouflante distribution pour le plus beau des opéras de Mozart

Le théâtre des Champs-Elysées présente jusqu'au 7 mai un Don Giovanni particulièrement réussi du côté des voix et de l'orchestration dirigée par Jérémie Rhorer. La mise en scène, elle, n'est guère lumineuse.
Don Giovanni au Théâtre des Champs Elysées / DR

Au début était le verbe, peut-on lire dans l'Evangile selon Saint Jean. Au début était la musique de Mozart, peut-on dire de la dernière version de Don Giovanni présentée au Théâtre des Champs-Elysées. Car que dire de cette ?uvre musicale sinon qu'elle se rapproche tellement de la perfection qu'elle en paraît divine, au même titre que le verbe, principe essentiel de notre essence. Divine dans sa conception musicale déjà, tant les différents arias sont brillants, époustouflants de puissance au service de l'harmonie, variés et riches vocalement. Divine dans sa symbolique, l'histoire de Don Juan, incorrigible coureur de jupon n'hésitant pas à braver les lois morales les plus élémentaires, donnant finalement la part belle à la justice de Dieu. Divine dans l'analyse visionnaire que fait Mozart de ses contemporains et de leurs futures aspirations. Car finalement, à quoi assiste-t-on tout au long de la longue marche du libertin vers sont tragique destin ? Il échoue, par exemple, à séduire la jeune paysanne Zerline malgré sa modeste condition. Signe avant-coureur de la fin des privilèges d'une certaine classe sociale sur l'autre. De même, les femmes bafouées et trompées (Donna Anna et Elvira) s'associent-elles pour ourdir leur vengeance. Elles témoignent ici d'une indépendance d'esprit et d'une volonté dont la gente féminine sera encore longtemps privée au 18eme siècle mais qui connaîtra par la suite l'évolution que l'on sait. De même, le personnage de Leporello, le valet de Don Juan, est-il particulièrement édifiant : Loin d'être ignorant, il est tout à la fois le conseiller, le double (lors de la scène des échanges de vêtements), et le miroir de son maître. Face lumineuse ou ténébreuse du libertin, il est la voix de la sagesse tout en étant complice de ses caprices lubriques, n'hésitant pas à égrener la liste de ses conquêtes à Donna Elvira lors du célèbre air du catalogue. Au final, c'est toutefois lui qui sortira vainqueur du combat divin. Symbole aussi de l'émancipation d'une classe sociale qui cherchera ailleurs et par elle-même d'autres lumières.
Comme pour beaucoup d'opéras grandioses, il n'est pas évident pour les musiciens et les chanteurs de se confronter à une telle dimension musicale et spirituelle. Il faut bien reconnaître, toutefois, que cette version donnée jusqu'au 7 mai au Théâtre des Champs Elysées est remarquable. Les chanteurs, tous parfaitement bien plantés dans leurs personnages, sont plus convaincants les uns que les autres. A commencer par Miah Persson et Sophie Marin-Degor, magnifiques et émouvantes donna Elvira et Anna. Leur technique est ainsi éclatante dans les arias d'une rare difficulté où elles jurent de venger l'affront du traître. Sans doute les passages les plus extraordinaires de l'opéra. Robert Gleadow dans Léporello a cette voix de baryton qui nous emmène dans les profondeurs du personnage. Celle de Markus Werba dans le rôle-titre, les vibratos de la perfidie et de l'inconstance. Quant à Daniel Bhele dans le rôle de don Ottavio, l'amoureux transi et plutôt délétère de donna Anna, il campe particulièrement bien son personnage diaphane, unique faire valoir de la femme éconduite par Don Giovanni. Véritable performance lorsque l'on sait que Mozart n'aimait pas vraiment les voix de ténor et leur réservait les rôles les plus ingrats. Sans oublier la magnifique prestation de l'ensemble Le Cercle de l'Harmonie sous la baguette de Jérémie Rhorer, particulièrement inspiré par ce chef d'?uvre.
Las, mais la perfection n'est pas de ce monde : la mise en scène de Stéphane Braunschweig est d'une tragique banalité, voulant placer l'intrigue dans un funérarium, certes en lien étroit avec ce qui attend notre immoral héros, mais nous imposant les incontournables brancards, lits hôpitaux et autres ustensiles mortuaires que l'on voit aujourd'hui très souvent fleurir sur les scènes de théâtre. Pourquoi imposer de façon aussi brutale et finalement peu imagée ce symbole de notre condition finale ? Sachant d'ailleurs que le mobilier se réduit à deux uniques éléments : le brancard qui nous ramène à notre condition humaine et le lit, théâtre des turpitudes libidineuses. Et ce, dans un univers dominé par le blanc et le noir, combat entre les bien et le mal où la tierce couleur n'a que très rarement droit de cité.
Clairement, cette mise en scène ne porte pas vraiment l'intrigue, pas plus que les personnages. Et la fameuse scène finale où don Giovanni clame haut et fort au commandeur qu'il ne se laissera pas dominer par les voix de l'au-delà est carrément grotesque, le héros poussant son brancard, tel un trépied pour personnes âgées, pour pouvoir marcher.
Mais la musique est là. Et comme on le disait plus haut, au début était la musique de Mozart et Mozart était Dieu.


 

Don Giovanni
Wolfgang Amadeus Mozart
Théâtre des Champs-Elysées. Paris
30 avril, 3,5,7 mai 2013
Prix des places : de 5 à 140 euros
Réservations : www.theatrechampselysees.fr

 

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