À marché instable, candidats versatiles

À une époque où l’on fait de l’instabilité du marché une norme, on pourrait s’attendre à ce que les employeurs l’aient intégrée dans leurs grilles de lecture des candidatures. Eh bien non.

« Aujourd'hui, le premier point d'attention de beaucoup d'entreprises concerne les changements de poste des candidats, les raisons de leurs choix, la durée dans un poste », constate Thierry Andrieux, fondateur du cabinet Humanessence. Comme si le contexte ne les expliquait pas, elles attendent d'eux la stabilité qu'elles ne leur offrent pas.

« Le jugement de valeur actuel lié à la durée du chômage n'est pas légitime »

La durée au chômage est un autre point de vigilance des recruteurs : six à douze mois d'«inactivité» sur un CV et le voilà écarté... Qu'en RH et juridique il faille s'accrocher pour trouver un poste aujourd'hui par exemple, peu importe, il ne faut pas s'attendre à plus de tolérance de la part des employeurs. « L'entreprise se dit que si quelqu'un n'arrive pas à se vendre, c'est qu'il y a un problème, ça crée le doute. Or le jugement de valeur actuel lié à la durée du chômage n'est pas légitime », pointe notre interlocuteur.

Le soupçon pèse sur les expériences courtes

Sachant cela des candidats risquent le tout pour le tout, tordent la vérité en leur faveur et s'inventent quelques expériences courtes pour masquer une trop longue période de chômage. Le phénomène a toujours existé, il est devenu banal (le cabinet Florian Mantione étudie le problème depuis des années et avance le chiffre de 75% de CV trompeurs), le hic c'est que ce procédé, quand il est découvert et c'est pratiquement toujours le cas avec les prises de références, porte préjudice à toutes les expériences courtes qu'on soupçonne d'être, toutes, fausses...

Les Millennials, ces grands volages

« Le marché des candidats est aussi instable que le marché du travail », note Thierry Andrieux. « Dehors » on trouve par exemple des comptables juniors de zéro à trois ans d'expérience qui cumulent les emplois précaires : deux mois ici et là, trois mois, ou bien moins d'un mois là-bas... On compte aussi beaucoup d''« impatients » chez les jeunes auditeurs, peu portés au compromis quand ils sont insatisfaits et un marché du travail difficile ne les retient pas de faire des choix temporaires. À moins qu'un recruteur soit prêt à les rencontrer pour essayer de comprendre les raisons de leur volatilité, leurs candidatures sont généralement retoquées plusieurs fois. « Dans ce métier, les jeunes oublient que s'ils changent trop vite d'entreprise, ils se créent des barrières à l'entrée des prochaines », souligne-t-il.

« On est dans un schéma de consommation des emplois »

Plus que les candidats, c'est le marché qui est instable. « On est dans un schéma de consommation des emplois et l'entreprise paie toutes les années où, de CDD en intérim en passant par les PSE, elle n'a pas offert de stabilité », ajoute notre interlocuteur.

Dans ces conditions, doit-on s'étonner que ceux qui arrivent sur le marché du travail n'écoutent que d'une oreille le conseil selon lequel il faut durer au moins trois ans dans un poste pour, d'une part être perçu comme quelqu'un de stable et, d'autre part, valoriser son expérience ? Les jeunes sont-ils ces « impatients » « allergiques à la frustration » que l'on pointe à longueur de commentaires sur la Génération Y puis la Z, ou plutôt des personnes lucides et capables de jouer mieux que leurs aînés avec l'idée de précarité ?

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