Livre : « Jusqu'à ce que mort s'ensuive » d'Olivier Rolin

Deux révolutionnaires dans le Paris et le Londres du mitan du XIXe siècle. Deux haines, un même destin, passés de la plume d’Hugo à celle d’Olivier Rolin.
Olivier Rolin.
Olivier Rolin. (Crédits : © FRANCESCA MANTOVANI/ÉDITIONS GALLIMARD)

Nous découlons, voilà l'essentiel. Nos vies sont autant de rhizomes. Et les livres à l'avenant, pour peu que l'on sache les lire, rester ouverts à leurs propositions de fuite. Des exemples ? Celui-ci : en ce moment, et c'est tout à fait passionnant, Olivier Rolin découle de Victor Hugo. Ce n'est pas rien, mais tant qu'à faire...

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Voici l'histoire. Lisant - ou plutôt relisant - Les Misérables, l'auteur de Tigre en papier et d'Un chasseur de lions voit son attention plus spécifiquement attirée, au début de la cinquième partie de la saga hugolienne, par quelques lignes, guère plus. Il y est mentionné lors des journées insurrectionnelles parisiennes de 1848 l'existence de deux supposément gigantesques barricades « dirigées » par deux fervents républicains. L'une par un ancien officier de marine, passablement grande gueule et aventurier notoire, Frédéric Cournet. L'autre par un militant issu des classes les plus laborieuses, repris de justice exalté et implacable, Emmanuel Barthélemy. Les deux, désormais exilés, respectivement rolliniste et blanquiste (une manière de première et deuxième gauches avant l'heure...), se retrouveront quatre ans plus tard à Londres pour un duel à mort au pistolet, qui sera par ailleurs le dernier de ce genre recensé en Angleterre. Le survivant - sur l'identité duquel l'auteur de ces lignes se gardera bien d'informer le lecteur - ne le restera pas longtemps. Convaincu d'un double assassinat, il sera pendu en 1855. Le grand proscrit de Guernesey en restera là. Olivier Rolin, lui, s'y attarde pour un Jusqu'à ce que mort s'ensuive qui est peut-être l'un de ses plus beaux livres.

Ne croyant ni à Dieu ni à diable

Manifestement, le romancier baguenaude en ces pages avec un bonheur qui ne se dément jamais. Il y allie son goût de la recherche en archives, de l'érudition et de la promenade (merveilleux passages où il s'efforce de retrouver dans le Paris d'aujourd'hui les traces plus qu'évanescentes de celui d'avant le baron Haussmann). Bien sûr, le romancier, dont la jeunesse au sein des troupes vives et vaines de la Gauche prolétarienne n'est un secret pour personne et surtout pas pour lui, n'est pas trop dépaysé dans ce climat volontiers séditieux. Tout de même, il serait plutôt absurde de ne s'en tenir qu'à ça. Et même qu'au seul tragique de l'Histoire. Ces deux réprouvés, dont Rolin ne peut masquer la tendresse navrée qu'ils lui inspirent, il les porte à la dignité exemplaire de personnages. Ce qui se joue là est profondément littéraire et peut-être aussi relève à sa façon de ce satané devoir de mémoire. Frédéric et Emmanuel ne croyaient ni à Dieu ni à diable. N'empêche, ils ne sont plus des âmes errantes.

JUSQU'À CE QUE MORT S'ENSUIVE
Olivier Rolin, Gallimard, 208 pages, 19 euros.

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Commentaire 1
à écrit le 25/02/2024 à 14:43
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J'ai lu plusieurs de ses récits de voyages mais là il a pris un coup de vieux et au moral depuis qu'il a perdu sa compagne et être obligé de quitter l'appart. qu'il occupe depuis 30 ans .

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