L'Italie transfère des migrants vers l'Espagne, rejette les "leçons" françaises

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Rome prepare le transfert vers valence des migrants de l'aquarius[reuters.com]
(Crédits : Guglielmo Mangiapane)

par Crispian Balmer

ROME (Reuters) - L'Italie a entamé mardi les préparatifs du transport vers l'Espagne des 629 migrants de l'Aquarius qu'elle a refusé d'accueillir dans ses ports, s'attirant de vives critiques de la France qu'elle a jugées "hypocrites".

Un bâtiment de la marine américaine, le Trenton, a par ailleurs secouru 41 autres migrants au large de la Libye et récupéré 12 cadavres en mer, a annoncé l'ONG allemande Sea Watch, dont le navire "Sea Watch 3" - le seul navire humanitaire sur zone en l'absence de l'Aquarius - a été appelé à l'aide.

Le président Emmanuel Macron a dénoncé mardi l'attitude "cynique" et "irresponsable" du nouveau gouvernement italien et son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a demandé à Rome de revenir sur sa décision.

Le président du Conseil Giuseppe Conte, qui sera reçu vendredi par le chef de l'Etat français à l'Elysée, a répliqué que l'Italie n'acceptait pas "de recevoir des leçons hypocrites de pays qui ont toujours préféré tourner le dos quand il s'agit d'immigration".

L'Aquarius, un navire humanitaire affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), se trouve depuis dimanche dans les eaux internationales entre l'Italie et Malte avec à son bord 629 migrants dont 123 mineurs non accompagnés, onze autres enfants et sept femmes enceintes, récupérés au large des côtes libyennes.

Face au refus des autorités de Rome et La Valette de les prendre en charge, le gouvernement socialiste espagnol de Pedro Sanchez a accepté lundi de les accueillir dans le port de Valence, sur la côte est de la péninsule ibérique.

L'Aquarius étant déjà surchargé, le périple de quatre jours vers l'Espagne s'annonçait particulièrement dangereux. Pour surmonter le problème, deux navires italiens se sont placés mardi aux côtés du bateau humanitaire afin de transborder une partie de ses passagers, avant de partir vers Valence.

L'Italie a accueilli plus de 640.000 migrants et réfugiés majoritairement africains au cours des cinq dernières années.

L'ITALIE "A RELEVÉ LA TÊTE"

Les efforts déployés par Rome pour persuader les autres pays membres de l'UE d'accepter une partie de ces arrivants sont restés largement ignorés, ce qui a nourri en retour un sentiment anti-européen et anti-migrants en Italie.

La Ligue d'extrême droite a obtenu lors des élections législatives du 4 mars dernier le meilleur score de son histoire avec 17% des voix. Son chef, Matteo Salvini, est devenu ministre de l'Intérieur et vice-président du Conseil en promettant de durcir la lutte contre l'immigration clandestine et de changer les règles migratoires au niveau européen.

"Nous ne sommes pas seuls, il y a une responsabilité à partager et je suis content qu'après des années de silence, le gouvernement ait relevé la tête", a tweeté mardi Salvini, ajoutant qu'il se rendrait en Libye avant la fin du mois.

La décision italienne de transférer les migrants vers l'Espagne a été critiquée par les ONG.

"Ce plan signifie que des rescapés déjà épuisés auraient à supporter 4 jours de voyage en mer supplémentaires", a déploré Médecins sans frontières sur son compte Twitter. "MSF appelle à assurer la sécurité des personnes secourues avant toute chose."

"La meilleure option serait de désembarquer les pers(onnes) dans le port le +proche, p(ou)r les transférer ensuite en #Espagne ou dans d'autres pays sûrs pour les prendre en charge."

Un navire de la garde-côtes italienne avec 937 migrants à bord a parallèlement quitté les abords des côtes libyennes pour prendre la direction du nord et devrait accoster mercredi en Sicile, avec l'aval des autorités italiennes.

Le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban, porte-voix de la lutte contre l'immigration dans l'Union européenne, a salué le refus des autorités italiennes d'accueillir les migrants de l'Aquarius.

"C'était tellement déprimant d'entendre pendant toutes ces années qu'il était impossible de protéger nos frontières maritimes", a déclaré Orban lors d'une conférence de presse. "Le pouvoir de la volonté est revenu en Italie."

(Avec Steve Scherer à Rome, Krisztina Than à Budapest, Marine Pennetier à Paris; Jean-Stéphane Brosse pour le service français)