La garde à vue de Benalla prolongée, l'enquête avance

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La garde a vue de benalla prolongee, l'enquete avance[reuters.com]
(Crédits : Philippe Wojazer)

PARIS (Reuters) - L'enquête sur l'affaire Alexandre Benalla, l'ex-collaborateur d'Emmanuel Macron à l'origine des secousses politiques les plus violentes du quinquennat, s'est poursuivie samedi avec le placement en garde à vue de trois policiers soupçonnés d'avoir extrait des images de vidéosurveillance datant du 1er mai.

Les gardes à vue d'Alexandre Benalla et Vincent Crase, tous deux filmés en train de malmener des manifestants ce jour-là à Paris, ont par ailleurs été prolongées pour une durée pouvant aller jusqu'à 24 heures, soit jusqu'à dimanche matin au plus tard, a-t-on appris auprès de parquet de Paris.

Les enquêteurs, saisis jeudi à la suite de révélations du Monde, cherchent à savoir dans quelles conditions le chef adjoint du cabinet d'Emmanuel Macron a participé aux opérations des forces de l'ordre, coiffé d'un casque de police, et quelles suites ont été données à ces événements.

Trois policiers, dont deux commissaires, ont été placés en garde à vue des chefs de "détournement d'images issues d'un système de vidéoprotection" et de "violation du secret professionnel", dit-on au parquet de Paris.

Ces trois agents ont déjà été suspendus de leurs fonctions jeudi pour avoir, le soir du 18 juillet, "communiqué à un tiers" - selon les termes du ministère de l'Intérieur - des images de vidéosurveillance de la ville de Paris remontant au 1er mai.

Le chargé de mission à l'Elysée, qui fut responsable de la sécurité de la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron, a été filmé par des vidéastes amateurs, sous un autre angle, frappant un jeune homme et malmenant une jeune femme sur la place de la Contrescarpe (Ve arrondissement).

Ces deux manifestants, qui avaient alors été interpellés, ont été identifiés et ont demandé aux enquêteurs à être entendus ultérieurement, précise-t-on de source proche du dossier.

"UNE AFFAIRE MACRON", SELON LE PEN

Samedi, le domicile d'Alexandre Benalla à Issy-les-Moulineaux, dans les Hauts-de-Seine, a été perquisitionné, a-t-on appris également de source proche de l'enquête.

Parallèlement à la justice, les commissions des Lois de l'Assemblée nationale et du Sénat mènent leurs propres travaux, dans le cadre desquels le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, doit être entendu à deux reprises - lundi par les députés et mardi par les sénateurs.

Son audition à l'Assemblée, programmée à 10h00 (08h00 GMT), sera ouverte au public, de même que celle du préfet de police, Michel Delpuech, prévue le même jour, a précisé samedi la présidente de la commission, Yaël Braun-Pivet (LaRem).

Emmanuel Macron, qui essuie la plus puissante tempête depuis son élection, ne prévoit pas de s'exprimer sur la question durant le week-end, dit-on à l'Elysée.

"Ce qui est terriblement désagréable dans cette affaire, c'est que tout le monde s'enfuit", a déclaré Marine Le Pen, président du Rassemblement national (RN), sur BFM TV. "Le président de la République s'est enfermé dans un mutisme qui transforme l'affaire Benalla en affaire Macron."

"OPÉRATION POLITICIENNE"

Pour Jean-Luc Mélenchon, qui s'est exprimé dans Le Monde, l'affaire Benalla "est du niveau du Watergate", qui a abouti en 1974 à la démission du président américain Richard Nixon.

Gilles Le Gendre, porte-parole des députés LaRem, a pour sa part dénoncé sur France Inter ce qu'il qualifie de "tentative de nos oppositions depuis 48 heures de bloquer le travail parlementaire en instrumentalisant cette affaire".

Depuis jeudi, les interruptions de séance, rappels au règlement et réunions en urgence ont interrompu de facto les discussions à l'Assemblée sur la révision constitutionnelle, déjà très en retard sur le calendrier initial.

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a pris la parole samedi dans l'hémicycle pour accuser l'opposition de tout bord de se livrer à une "opération politicienne" visant à "prendre en otage le texte constitutionnel".

Les députés ont par ailleurs découvert au cours des débats qu'Alexandre Benalla s'était vu attribuer en juillet 2017 un badge d'accès à l'Assemblée nationale à la demande du directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, ce que la présidence de l'Assemblée a confirmé dans un communiqué.

Cette information, mise au jour par le député Les Républicains (LR) Marc Le Fur, a contribué à échauffer l'atmosphère au palais Bourbon.

Signe de la tension qui y règne, une altercation a éclaté sous l'oeil des journalistes entre Marine Le Pen et Christophe Castaner, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement et délégué général de La République en marche, la première reprochant au second son silence depuis le début de l'affaire.

L'Elysée a décidé d'engager une procédure de licenciement à l'encontre d'Alexandre Benalla après avoir dans un premier temps prononcé, au mois de mai, une mise à pied de 15 jours avec suspension de salaire.

(Simon Carraud avec Jean-Baptiste Vey, édité par Pierre Sérisier)