L'Italie au défi de trouver de nouveaux acheteurs pour sa dette

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(Crédits : Kai Pfaffenbach)

par Dhara Ranasinghe et Giulio Piovaccari

LONDRES/MILAN (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) absorbera moins de 15% des émissions de dette italienne l'an prochain contre environ 50% en 2017, ce qui représente un nouveau défi pour Rome qui va devoir compter sur le secteur privé pour financer ses emprunts.

Les 19 pays de la zone euro auront à s'adapter à la fin, cette semaine, du programme d'achat d'actifs (QE) de la BCE mais la transition sera particulièrement douloureuse pour l'Italie, l'un des principaux bénéficiaires des plus de trois années de soutien de la banque centrale.

L'accueil plus que tiède réservé par les investisseurs italiens, institutionnels et individuels, à une adjudication d'obligations indexées sur l'inflation le mois dernier a souligné les difficultés qui attendent le pays - et encouragé peut-être le gouvernement au compromis avec l'Union européenne sur son projet de budget 2019.

Rome prévoit d'émettre en 2019 entre 250 et 260 milliards d'euros de dette de moyen à long terme.

Sur ce montant, 14% devrait être absorbé par la BCE, estime Matteo Crimella, stratège obligataire de Goldman Sachs. Ce niveau se compare à des proportions de 26% en 2018 et de près de 50% en 2017, ajoute-t-il.

A compter de l'an prochain, les achats de titres de la BCE seront limités au réinvestissement de son stock d'obligations arrivant à échéance.

Selon les estimations de Goldman Sachs, l'Italie sera le pays qui en profitera le moins parmi ceux couverts par l'étude de la banque d'affaires.

"Les chiffres du financement (italien) sont élevés mais en aucune manière exceptionnels", souligne pour sa part Luca Cazzulani, numéro deux de la stratégie obligataire d'UniCredit.

"Mais la confiance des investisseurs sera capitale : l'an prochain, le solde net (des besoins) de financement devra rencontrer la demande des investisseurs privés en l'absence du soutien du QE de la BCE."

ING estime que Rome devra émettre pour 27 milliards d'obligations dès le mois de janvier, ce qui en fera le mois le plus chargé de l'année 2019 en terme d'adjudications.

L'ITALIE PERDANTE

La BCE détient actuellement environ 20% de la dette italienne et, comme d'autres Etats, Rome continuera à bénéficier d'achats de la BCE sous la forme de réinvestissements. Ces derniers devraient totaliser environ 30 milliards d'euros en Italie en 2019, contre 37 milliards en Allemagne et 27 milliards en France.

Mais alors que l'Italie a obtenu plus que sa part des achats d'obligations de la BCE par le passé, elle risque d'y perdre davantage que les autres pays à mesure que la BCE ajuste son portefeuille d'obligations souveraines pour l'aligner sur la répartition de son capital entre les Etats membres, qui a été actualisé en début de mois.

Cet ajustement entraînerait une baisse de près de 90 milliards d'euros du montant des obligations italiennes, françaises et espagnoles détenues par la BCE si elle devait refléter strictement la répartition de son capital, selon les calculs de Reuters basés sur les données de la banque centrale.

Le sentiment des investisseurs vis-à-vis de l'Italie s'est néanmoins amélioré depuis que le pays est parvenu à un compromis avec la Commission européenne concernant son projet de budget pour 2019, lui permettant d'échapper dans l'immédiat à une procédure disciplinaire pour déficit excessif.

Cela a permis à l'écart entre les rendements à 10 ans italien et allemand - qui mesure la prime exigée par les investisseur pour détenir des obligations italiennes plus risquées - de repasser sous les 300 points de base.

De plus, l'Italie n'est pas le seul pays de la zone euro à prévoir de vendre davantage d'obligations l'an prochain, l'Allemagne ayant également annoncé une hausse de ses émissions.

Mais l'économie italienne est nettement moins florissante, ce qui signifie que son déficit budgétaire risque d'augmenter plus que ce qui est actuellement anticipé, disent les analystes. Avec la fin du QE, ces fondamentaux reviennent au premier plan et devraient inciter les investisseurs à être plus sélectifs.

"S'il n'y avait pas le contexte politique et une économie sous-jacente faible, ce serait plus facile pour l'Italie. Mais l'association d'un avenir politique incertain et du moindre soutien de la BCE aura davantage d'impact que sur d'autres marchés", dit Patrick O'Donnell d'Aberdeen Asset Management.

Arnaud-Guilhem Lamy, gérant chez BNP Paribas Asset Management, juge que l'une des options pour l'Italie serait de favoriser le retour sur le marché des particuliers qui ont acquis une part importante de la dette italienne par le passé.

Il note que la faible demande lors de la dernière adjudication de obligations d'Etat italiennes (BTP) s'explique en partie par le fait qu'il s'agissait d'obligations indexées sur l'inflation, qui ont tendance à être plus difficiles à vendre que les titres de dette conventionnels.

Le niveau relativement élevé des rendements italiens pourrait en outre attirer les investisseurs étrangers s'ils sont convaincus que le conflit autour du budget 2019 est réglé. Les investisseurs japonais ont vendu du papier allemand et français et acheté des titres italiens au mois d'octobre, selon les dernières données publiées le 10 décembre.

(avec les contributions de Hideyuki Sano à Tokyo et de Sujata Rao à Londres, Véronique Tison et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Patrick Vignal)