La France plus préoccupée par l'Allemagne que par le Brexit

reuters.com  |   |  792  mots
La france plus preoccupee par l'allemagne que par le brexit[reuters.com]
(Crédits : Philippe Wojazer)

par Leigh Thomas

PARIS, (Reuters) - Si la lente et sinueuse sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne accapare tous les esprits en France, Paris redoute bien davantage les effets du ralentissement économique allemand sur sa propre croissance.

L'interminable feuilleton du Brexit ne peut masquer la réalité économique: l'Allemagne est le principal partenaire commercial de la France et représente près de 15% des importations et exportations françaises.

La Grande-Bretagne ne se situe dans ce classement qu'à la septième place, derrière la Belgique, et ne représente que 5,2% du commerce extérieur français.

Le gouvernement français s'inquiète des hésitations de Berlin à adopter un programme de relance qui permettrait d'éviter que la première économie européenne ne sombre dans la récession. Un sujet qui sera sans doute abordé lors du 50e conseil économique et financier franco-allemand qui se tient à Paris jeudi.

"On est plus inquiets pour l'Allemagne que pour le Brexit", a dit à Reuters un responsable de Bercy. "On est quand même beaucoup plus exposé à l'Allemagne", a-t-il rappelé.

Rien ne permet cependant de dire que Berlin va sortir le grand jeu pour éviter un atterrissage brutal de son l'économie allemande au moment où son ministre des Finances Olaf Scholz a davantage la tête à la conquête du Parti social-démocrate (SPD) dans la perspective, encore lointaine, des élections 2021.

"Ce qui est important c'est de ne pas agir trop tard et d'être prêt de façon préventive et ne pas être en réactif une fois qu'il y a une crise", observe une autre source proche du ministère des Finances. "Les choses changent un peu, mais c'est vrai que Scholz brigue le leadership du SPD".

L'ECONOMIE FRANÇAISE SE PRÉSERVE

Soucieux d'éviter toute contagion, le gouvernement français a annoncé cette année plus de 10 milliards d'euros de mesures destinées à donner un coup de fouet à l'économie, que ce soit par des baisses d'impôts ou par des mesures en direction des travailleurs les plus pauvres ou des retraités.

Initialement pensées pour apaiser la colère des "gilets jaunes", elles apparaissent aujourd'hui comme une aubaine pour l'économie française en contribuant à atténuer les effets du ralentissement allemand.

"Il y a des marges non seulement par rapport aux règles européennes mais même par rapport à ces règles intérieures, il y a des marges pour faire de la relance budgétaire", juge Oliver Garnier, directeur général de la Banque de France, en charge des Etudes et des Relations internationales.

L'économie française démontre pour l'instant qu'elle est en mesure de surmonter le coup de frein allemand. Le ministère des Finances vise cette année une croissance de 1,4%, plus du double de la croissance de 0,6% anticipée en Allemagne.

Pour 2020, les chiffres de Bercy tablent sur une croissance de 1,3% mais ces prévisions seront difficiles à atteindre si l'Allemagne n'atteint pas son objectif de croissance de 0,9% de son PIB.

EXPOSITION

Certains économistes français se rassurent en observant que le ralentissement allemand semble pour l'heure essentiellement imputable à la chute de la production automobile outre-Rhin.

Il s'agit néanmoins d'un secteur stratégique pour de très nombreuses entreprises françaises, souligne Stephen Colliac, économiste d'Euler Hermes.

A titre d'exemple, le principal client de Faurecia n'est autre que Volkswagen qui représente à lui seul 19% des ventes de l'équipementier automobile français. L'Allemagne représente 31% des ventes de son concurrent Valeo et 29% de celles d'Akka.

La presse britannique reproche souvent à la France sa dureté dans les négociations sur le Brexit, mais c'est une position qu'elle peut se permettre d'avoir à la lumière de l'importance relative des échanges commerciaux entre Londres et Paris.

A l'exception de quelques petites sociétés, les entreprises françaises sont d'ailleurs plutôt bien préparées à la perspective du Brexit, observe le ministère des Finances.

Les exportations françaises vers la Grande-Bretagne ont même atteint au mois de mars un niveau historique, juste avant la date de la sortie théorique du Royaume-Uni de l'Union européenne et au moment où les entreprises britanniques s'efforçaient de constituer des stocks pour éviter d'éventuelles pénuries.

Parallèlement, une cinquantaine d'institutions financières autrefois basées à Londres ont traversé la Manche pour s'installer à Paris, emportant près de 2.000 emplois dans leurs bagages, a déclaré mercredi sur RTL François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.

"Dans la mauvaise nouvelle du Brexit, il y a une opportunité pour nous", a-t-il souligné.

(Leigh Thomas, avec la contribution de Gilles Guillame, Nicolas Delame pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot)