La BCE n'évoque plus d'augmentation de ses rachats d'actifs

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La bce n'evoque plus d'augmentation de ses rachats d'actifs[reuters.com]
(Crédits : Ralph Orlowski)

par Balazs Koranyi et Francesco Canepa

FRANCFORT (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a renoncé jeudi à son engagement à augmenter si nécessaire le montant mensuel de ses rachats d'actifs, effectuant ainsi un petit pas vers l'arrêt de cette mesure non conventionnelle.

La BCE maintient qu'elle pourrait prolonger ces rachats au-delà de septembre 2018, date à laquelle ils sont pour l'instant censés prendre fin, mais elle a supprimé dans son communiqué la formule selon laquelle elle pourrait en augmenter le volume, actuellement de 30 milliards d'euros par mois.

S'exprimant quelques heures avant une réunion consacrée à un projet de barrières douanières sur les importations d'acier et d'aluminium aux Etats-Unis que doit tenir le président américain Donald Trump, le président de la BCE, Mario Draghi, a évoqué les inquiétudes suscitées par des "décisions unilatérales" qui se traduisent par une accentuation des risques pour l'économie mondiale.

Avec l'accélération de la croissance au sein de la zone euro, la BCE a très progressivement réduit son soutien monétaire craignant qu'un retrait trop brutal ne remette en cause les acquis et ne la contraigne à faire machine arrière.

L'abandon partiel de ce biais accommodant, une mesure essentiellement symbolique, peut être perçu comme un moyen de préparer le terrain à une révision plus vaste de la politique monétaire de la BCE au cours des prochains mois.

"Les rachats nets d'actifs, au rythme mensuel actuel de 30 milliards d'euros, sont censés se poursuivre jusque fin septembre 2018, ou au-delà, si nécessaire", écrit la BCE dans un communiqué.

FAIBLESSE DE L'INFLATION SOUS-JACENTE

Mario Draghi a aussi souligné que l'inflation sous-jacente au sein de la zone euro demeurait faible. "Nous avons un mandat en termes de stabilité des prix. On ne peut pas encore crier victoire", a-t-il dit au cours de la traditionnelle conférence qui suit l'annonce des décisions du Conseil des gouverneurs.

L'abandon par la BCE de son biais accommodant est largement symbolique, peu voire aucun économiste ou intervenant de marché n'anticipant qu'elle réaugmente ses achats d'actifs.

Il n'en est pas moins perçu comme le signe annonciateur d'une révision plus large de la communication sur sa politique monétaire, une inflexion déjà amorcée lors de précédentes réunions.

"C'est, de notre point de vue, un premier pas important vers la sortie des politiques non-conventionnelles et cela renforce la probabilité que les modalités de l'arrêt des achats d'actifs soient connues en septembre", a dit Kjersti Haugland, économiste chez DNB Bank.

L'euro, qui s'était brièvement raffermi contre la devise américaine après la publication du communiqué de la BCE, a cédé l'intégralité de ses gains au cours de la conférence de presse de Mario Draghi pour s'échanger sous 1,2350 dollar.

Le président de la BCE a fait état d'un modeste relèvement des prévisions de croissance de l'économie de la zone euro à 2,4% en 2018 contre 2,3% précédemment. Les prévisions pour 2019 et 2020 sont restées inchangées à 1,9% et 1,7% respectivement.

La BCE prévoit une hausse de 1,4% des prix cette année et l'an prochain, puis de 1,7% en 2020, a précisé Mario Draghi.

"Les informations qui nous parviennent, y compris les projections de nos équipes, confirment la dynamique de croissance forte et généralisée de l'économie au sein de la zone euro, dont il est attendu qu'elle connaisse une expansion à court terme à un rythme un peu plus soutenu qu'anticipé auparavant", a-t-il dit.

"MONTÉE DU PROTECTIONNISME "

Il a toutefois souligné que la "montée du protectionnisme" représentait un risque. Tout en jugeant que les conséquences directes de l'imposition de tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium seraient limitées, il a estimé qu'une initiative unilatérale des Etats-Unis accentuerait les inquiétudes sur l'évolution des relations internationales.

"Si vous imposez des droits de douanes à (ceux) qui sont vos alliés, l'on peut se demander qui sont vos ennemis", a dit Mario Draghi.

La BCE est de plus en plus confrontée à un dilemme alors que la croissance dans la zone euro dépasse ses attentes mais que l'inflation, qui est officiellement son seul mandat, reste nettement inférieure à sa cible d'une hausse des prix légèrement inférieure à 2%.

L'accélération de la croissance et le recul du chômage peuvent laisser penser que le rythme de la hausse des prix va se redresser mais la BCE doit aussi faire face depuis plusieurs mois à un raffermissement de l'euro face au dollar qui déprime les prix à l'importation et freine la remontée de l'inflation.

Les économistes interrogés par Reuters s'attendent à un arrêt des rachats d'actifs d'ici la fin de l'année et à un premier relèvement des taux au deuxième trimestre 2019.

La BCE a maintenu le taux de refinancement, principal instrument de sa politique monétaire, à zéro, le taux de la facilité de dépôt à -0,40% et le taux de prêt marginal à 0,25%.

(Bertrand Boucey et Marc Joanny pour le service français)