Tsipras affirme qu'un nouveau jour se lève pour la Grèce

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(Crédits : Handout)

par George Georgiopoulos et Michele Kambas

ATHENES (Reuters) - Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a salué mardi la fin de "l'Odyssée des temps modernes" de la Grèce, qui sort de plus de huit années sous la tutelle des programmes d'assistance financière, ajoutant que le pays ne devrait jamais oublier les leçons de cet épisode.

"Aujourd'hui, un jour nouveau se lève sur notre pays, un jour historique, un jour de libération", a déclaré Tsipras lors d'une déclaration télévisée depuis la très symbolique île d'Ithaque.

"Notre pays a regagné le droit de façonner son propre avenir", a-t-il ajouté sur cette île où Ulysse, roi d'Ithaque et héros de l'Odyssée du poète Homère, est revenu de la guerre de Troie après un périple de dix années.

"Les plans de renflouement, l'austérité, la récession et la désertification sociale sont terminés", a-t-il affirmé.

Depuis avril 2010, en contrepartie d'une politique d'austérité drastique, la Grèce a reçu au total 288 milliards d'euros d'aide financière dans le cadre de trois programmes successifs de renflouement (2010, 2012 et 2015). Elle est le dernier des pays membres de l'Union européenne à sortir de la tutelle des mémorandums d'ajustement, après l'Irlande en 2013, l'Espagne et le Portugal en 2014, et Chypre en 2016.

La Grèce reste cependant placée sous "surveillance renforcée", un cadre visant à s'assurer qu'Athènes ne reviendra pas sur les réformes acceptées et maintiendra sa trajectoire budgétaire (la Grèce s'est notamment engagée à dégager un excédent budgétaire primaire - hors service de la dette - de 3,5% du PIB jusqu'en 2022 puis de 2,2% jusqu'en 2060).

"Nous ne commettrons pas l'insulte d'ignorer les leçons du renflouement de la Grèce. Nous ne laisserons pas l'oubli nous égarer", a poursuivi Tsipras, l'air sombre.

"Nous n'oublierons jamais les raisons, ni les gens qui ont conduit notre pays dans ces plans de sauvetage", a-t-il ajouté.

La Grèce a basculé dans la tourmente après les élections législatives d'octobre 2009, quand le nouveau gouvernement, socialiste, a révélé que le déficit budgétaire du pays était trois fois plus élevé que les chiffres officiels avancés par le précédent gouvernement conservateur.

"NOUS CONNAISSONS LE CHEMIN D'ITHAQUE"

A l'époque du premier plan de sauvetage financier négocié avec les partenaires européens d'Athènes et le Fonds monétaire international, le Premier ministre socialiste George Papandreou, dont le parti a été laminé par la suite, s'était lui aussi inspiré d'Homère.

"Nous sommes sur une voie difficile, une nouvelle Odyssée pour la Grèce et pour la nation grecque. Mais nous connaissons le chemin d'Ithaque", avait-il dit en avril 2010.

Avec la crise, la Grèce a perdu un quart de sa richesse, le chômage s'est envolé et les salaires et les retraites ont été réduits d'environ 40%. Un tiers de la population a basculé dans la pauvreté et des milliers de Grecs ont fui à l'étranger. Le poids de la dette représente aujourd'hui 180% du PIB, le plus lourd de toute la zone euro.

"Ithaque sera de nouveau associée à la fin de cette Odyssée des temps modernes", a souligné Tsipras, devenu en 2015 le quatrième chef de gouvernement investi par les députés depuis l'éclatement de la crise.

"Il y a trois ans et demi, notre peuple a pris une décision historique: retirer la barre de ceux qui l'avait conduit sur les récifs et la confier à un nouveau capitaine", a-t-il poursuivi en référence à la victoire électorale de son parti, Syriza.

LES INTERROGATIONS DU FMI SUR LE LONG TERME

Pour Kyriakos Mitsotakis, chef de file de Nouvelle démocratie, le parti conservateur d'opposition, Tsipras s'est livré à un "spectacle". "La symbolique d'Ithaque est fausse, a-t-il ajouté, nous ne sommes pas au bout du voyage. Aujourd'hui, c'est la fin du financement bon marché, mais les mesures difficiles et les engagements lourds signés par M. Tsipras vont continuer."

En théorie, la fin de la tutelle permet à la Grèce de retourner se financer sur le marché obligataire. Mais au vu de la nervosité des marchés financiers sur l'Italie ou la Turquie, le plan d'émission de nouvelles obligations envisagé dès septembre semble devoir être remis à plus tard.

Athènes a cependant de quoi faire face: pour faciliter son retour à l'autonomie, les ministres des Finances de la zone euro sont parvenus fin juin à un accord d'allègement de la dette grecque, prolongeant notamment les échéances et accordant des délais d'un grâce sur un montant total d'une centaine de milliards de dollars de dettes.

Ce plan d'allègement est assorti d'une injection massive de liquidités, à hauteur de 15 milliards d'euros, qui dote au total le Trésor grec d'une réserve de précaution de 24 milliards d'euros, de quoi faire face aux échéances sur la dette des deux ans à venir environ.

Fin juillet, le FMI a souligné que l'allègement de la dette, la constitution de cette réserve de liquidités et la faiblesse des taux avaient "considérablement" amélioré les perspectives d'un accès durable aux marchés de capitaux à moyen terme.

En revanche, ajoute le Fonds, "à mesure que la dette du secteur officiel arrivera à échéance et qu'elle sera remplacée par des concours du marché plus onéreux, la Grèce aura progressivement plus de difficultés à assurer le service de sa dette".

(Pierre Sérisier et Henri-Pierre André pour le service français)