Algérie : Bouteflika refuse de partir immédiatement

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Algerie: treize syndicats refusent de soutenir le premier ministre[reuters.com]
(Crédits : Zohra Bensemra)

par Lamine Chikhi et Hamid Ould Ahmed

ALGER (Reuters) - Le président algérien Abdelaziz Bouteflika, refusant de céder à la pression de la rue, ne compte pas abandonner la tête de l'Etat avant l'élaboration d'une nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum, rapportent lundi les chaînes de télévision algériennes.

Dans une lettre, le président de 82 ans, très diminué depuis un AVC en 2013, s'en tient au plan présenté lundi dernier. Ce plan prévoit la tenue d'une conférence nationale "ouverte à toutes les classes sociales" et qui sera réunie prochainement pour réformer le système politique, précise la chaîne privée Ennahar TV.

La conférence nationale prendra des décisions essentielles, souligne Abdelaziz Bouteflika dans sa lettre.

La nouvelle Constitution, qui sera soumise à l'approbation des électeurs, ouvrira ensuite la voie à l'élection d'un nouveau président.

Le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le général Ahmed Gaïd Salah, a fait entendre sa voix lundi pour assurer que l'armée algérienne demeurait "le rempart du peuple et de la Nation".

Il a affirmé l'existence de solutions à la crise politique que traverse actuellement le pays, disant sa "confiance en la sagesse de ce peuple et en sa capacité à surmonter toutes les difficultés".

Dans la rue, les opposants à Abdelaziz Bouteflika continuent pourtant de réclamer son départ sans attendre de nouvelles élections.

APPEL DES MÉDECINS À MANIFESTER

Une organisation de médecins algériens a appelé les "blouses blanches" et les étudiants en médecine à défiler mardi pour dénoncer la prolongation de son quatrième mandat présidentiel.

Le 19 mars est la "Fête de la Victoire" en Algérie, en souvenir du cessez-le-feu du 19 mars 1962, à la fin de la guerre d'indépendance.

"Des marches des blouses blanches auront lieu demain mardi 19 mars (Fête de la Victoire) pour dire non à la prolongation du 4e mandat présidentiel, non à la gouvernance dans un cadre anticonstitutionnel et oui pour l'Algérie démocratique", écrit sur son compte Facebook le Collectif autonome des médecins résidents algériens (CAMRA)

Treize syndicats ont par ailleurs refusé d'apporter leur soutien au nouveau Premier ministre Noureddine Bedoui qui a engagé des consultations en vue de former un gouvernement.

"Nous n'aurons pas de discussions avec le système, nous appartenons au peuple et le peuple dit: 'non au système'", a déclaré Boualem Amora, un représentant syndical de l'Education nationale.

Pour sa part, le ministère des Affaires religieuses a informé dimanche les responsables religieux qu'ils n'auraient plus désormais à soumettre le texte de leurs prêches aux autorités pour approbation.

La semaine dernière, l'un des religieux les plus influents du pays, Mohamed Abdelkader Haider, a lancé un appel aux manifestants pour qu'ils fassent preuve de patience. "Soyons optimistes, l'Algérie doit surmonter cette crise", a-t-il dit.

"GOUVERNEMENT DE LARGE OUVERTURE"

Le nouveau chef du gouvernement Noureddine Bedoui a été chargé de former un gouvernement de "compétences nationales", capable de refléter les caractéristiques démographiques de l'Algérie.

Citant une source officielle, l'agence de presse APS rapportait dimanche que la nouvelle équipe gouvernementale comporterait dans ses rangs des experts sans affiliation politique.

L'objectif est "de montrer la volonté d'établir un gouvernement de large ouverture", ajoutait cette source.

Ce gouvernement pourrait être annoncé en début de semaine.

Dans un message à la nation diffusé la semaine passée, Abdelaziz Bouteflika a annoncé qu'il ne briguerait pas un cinquième mandat et ajouté que l'élection présidentielle, qui était prévue le 18 avril, était repoussée à une date ultérieure non précisée.

Il a aussi annoncé la mise en place d'une conférence nationale chargée de préparer la transition.

Toute la question est de savoir si ces consultations seront suffisantes pour désamorcer la contestation qui s'exprime depuis plus de trois semaines en Algérie, les manifestants réclamant le départ du président Bouteflika au pouvoir depuis 1999.

Le nouveau vice-Premier ministre Ramtane Lamamra doit entamer mardi une tournée des principaux alliés de l'Algérie, a-t-on appris de source autorisée. Il se rendra dans un premier temps en Russie, puis en Chine.

(Pierre Sérisier et Guy Kerivel pour le service français)