Brexit : Theresa May obtient de Bruxelles un sursis de deux semaines

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(Crédits : Yves Herman)

par Gabriela Baczynska et Elizabeth Piper

BRUXELLES (Reuters) - Les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont accepté jeudi de reporter la date du Brexit, initialement prévu huit jours plus tard, pour la fixer au 12 avril si la Première ministre britannique Theresa May ne parvient pas à convaincre son Parlement d'approuver l'accord de retrait.

Après une réunion de sept heures à Bruxelles, lors de la première journée du Conseil européen jeudi, les Vingt-Sept ont toutefois laissé un éventail d'options sur la table, accentuant la pression sur les députés britanniques pour qu'ils soutiennent l'accord conclu avec Theresa May et offrant au Royaume-Uni une petite chance de repousser un peu plus l'échéance - le tout en veillant à ne pas porter la responsabilité d'un éventuel chaos provoqué par un "no deal".

Theresa May a demandé officiellement mercredi à l'Union européenne un report du Brexit de trois mois, jusqu'au 30 juin prochain, afin de disposer de temps pour tenter de convaincre son Parlement de voter l'accord de sortie qu'il a rejeté deux fois, en janvier et plus tôt ce mois-ci.

Les chefs d'Etat et de gouvernement européens avaient prévu de valider un report au 22 mai, soit à la vielle des élections européennes, et d'organiser si nécessaire de nouvelles discussions la semaine prochaine, après le vote à la Chambre des communes.

Mais, selon des diplomates, la Première ministre britannique a échoué à rassurer les dirigeants européens sur sa faculté à obtenir le soutien de son Parlement. Certains dirigeants ont senti que May elle-même ne croyait pas qu'elle y parviendrait.

"TOUTES LES OPTIONS OUVERTES"

Une fois que Theresa May a quitté la pièce, la réunion s'est transformée en débat effréné, Emmanuel Macron proposant un ultimatum inattendu pour que le Royaume-Uni quitte l'UE au 7 mai - à la veille d'un sommet sur l'avenir post-Brexit de l'UE - avec ou sans accord.

Au final, les dirigeants de l'UE ont approuvé un report du Brexit au 22 mai à la condition que le Parlement britannique approuve la semaine prochaine l'accord de retrait. Si tel n'est pas le cas, le Royaume-Uni disposera jusqu'au 12 avril pour proposer un nouveau projet ou quitter l'UE sans accord.

Theresa May a dit être satisfaite des propositions de l'UE.

Si la Chambre des communes ne ratifie pas l'accord, le Royaume-Uni devra décider d'ici le 12 avril s'il participe aux élections européennes de la fin mai. S'il choisit de participer à ce scrutin, le gouvernement britannique pourrait alors obtenir un autre report, au grand maximum jusqu'au 30 juin.

D'ici au 12 avril, "toutes les options vont rester ouvertes", a déclaré le président du Conseil européen, Donald Tusk.

"Le gouvernement britannique aura toujours le choix entre un accord, un 'no deal', une longue extension ou une révocation de l'Article 50", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse.

Si le Royaume-Uni décide d'ici le 12 avril de ne pas prendre part aux élections européennes, il pourrait alors quitter le bloc sans accord à n'importe qu'elle date d'ici le 22 mai.

Theresa May a déclaré qu'elle n'annulerait pas le Brexit ni ne demanderait un report de longue durée qui forcerait le peuple britannique à voter aux élections européennes trois ans après s'être prononcé en faveur d'une sortie de l'UE.

"AGONIE"

Alors que la Première ministre britannique a souligné qu'elle parviendrait à faire approuver l'accord de retrait la semaine prochaine, nombreux sont ceux qui en doutent à Londres, surtout après que May a publiquement estimé que les députés britanniques étaient responsables de l'impasse.

Elle a tenté jeudi, tant bien que mal, d'adoucir son propos. "La décision de ce soir montre que les parlementaires ont des choix clairs devant eux", a-t-elle déclaré.

A Bruxelles, May n'a cependant pas réussi à diffuser autour de la table la confiance qu'elle dit avoir en sa stratégie.

"Cela ne s'est pas bien passé", a déclaré un représentant européen informé de la teneur des discussions. "Ils se sont en fait rendu compte qu'elle n'y croit pas elle-même", a-t-il poursuivi. "Ils ne veulent pas donner l'impression de pousser les Britanniques dehors. Mais ils cherchent des moyens de mettre fin à l'agonie."

Emmanuel Macron a mené l'offensive, demandant aux Britanniques de dire désormais ce qu'ils veulent.

"Nous avons apporté une réponse protectrice de nos intérêts et qui permet à l'Union européenne de continuer à fonctionner", a déclaré le président français.

"L'Union européenne, de manière très claire, a aujourd'hui à faire face à une crise politique britannique. Il appartient aux Britanniques de lever les ambiguïtés qui sont les leurs, nous, nous n'en avons pas", a-t-il ajouté.

Exprimant des craintes sur les conséquences néfastes que pourrait avoir un 'no deal' sur l'économie des différents pays de l'UE, la chancelière allemande Angela Merkel a dit vouloir "travailler jusqu'à la dernière minute" pour éviter une sortie désordonnée du Royaume-Uni.

En donnant au gouvernement britannique jusqu'au 12 avril pour décider de sa participation ou non au scrutin européen, les dirigeants des Vingt-Sept ont repoussé de potentielles critiques sur leur responsabilité dans un Brexit "dur" dès vendredi prochain, a dit un représentant européen. "Il appartiendra aux Britanniques eux-mêmes de dire qu'ils se retirent sans accord", a-t-il déclaré.

(avec Robin Emmott, Richard Lough, Philip Blenkinsop, William James, Thomas Escritt, Jan Strupczewski, Alaistair Macdonald et Jean-Baptiste Vey; Jean Terzian pour le service français)