Les syndicats peinent à s'entendre face à Macron

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(Crédits : Philippe Wojazer)

PARIS (Reuters) - Les syndicats peinaient lundi à organiser une réponse coordonnée pour s'opposer à la réforme de l'assurance chômage, chantier qui doit permettre de réaliser 3,4 milliards d'euros d'économies sur trois ans et qui, selon eux, risque d'accroître la pauvreté.

Cette difficile union fragilise encore leur capacité d'action face à un gouvernement qui a déroulé ses réformes sociales (Code du travail, formation professionnelle, une première réforme de l'assurance chômage) sans grande opposition depuis le début du mandat d'Emmanuel Macron.

Les cinq leaders des organisations syndicales représentatives (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC), qui ont tous manifesté leur colère lors de la présentation de la réforme, devaient se rencontrer lundi, mais ils en ont été empêchés par des contraintes d'agenda, dit-on de source syndicale.

"C'est symptomatique. Si nous ne sommes pas capables de nous rencontrer à cinq, nous ne parviendrons pas à mener une action commune", dit à Reuters l'une des parties concernées.

Leurs déclarations de la semaine dernière laissaient déjà présager une désunion. La CFDT a annoncé un rassemblement mardi devant le ministère du Travail avec la CFE-CGC, la CFTC, l'Unsa et le syndicat étudiant la Fage. De son côté, la CGT veut se greffer mercredi à la mobilisation des intermittents du spectacle devant le siège de l'Unédic.

FO, qui a appelé sans succès à une action unitaire, ne sera présente à aucun des deux. Le troisième syndicat de France travaille toutefois à l'élaboration d'une lettre commune adressée au Premier ministre pour dénoncer la dureté de la réforme et l'étatisation du régime.

Pour Stéphane Sirot, professeur de politique sociale à l'université Cergy-Pontoise, les organisations syndicales savent qu'une opposition de façade ne serait pas suffisante pour faire reculer le gouvernement.

"Un front du refus peut exister de manière ponctuelle mais a besoin, à un moment donné, de se transformer en force de propositions", a-t-il dit à Reuters. "Il est bien évident que sur ce sujet-là, il n'y a pas d'unité généralisée."

La CGT s'oppose plus systématiquement aux réformes de l'assurance chômage, explique-t-il, quand la CFDT est davantage prête à faire des concessions.

En qualifiant son rassemblement de "symbolique", le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, ne séduit pas non plus les syndicats revendicateurs qui appellent à un mouvement de fond.

DE NOUVEAUX MOUVEMENTS SPONTANÉS

Pour Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et président du cabinet de conseil en stratégie sociale Alixio, les syndicats ne cherchent pas à dépasser leurs divergences.

"Par le passé, les mouvements contre une réforme de l'assurance chômage n'ont jamais réussi. Les partenaires sociaux ne font donc pas beaucoup d'efforts pour avoir une action concertée", a-t-il dit à Reuters.

Un appel commun qui se traduirait par une faible mobilisation pourrait nuire à un syndicalisme qui peine à obtenir des avancées sur le plan social et qui voit ses adhésions diminuer d'année en année.

Selon Stéphane Sirot, il s'agit d'une nouvelle réforme que les syndicats n'arrivent pas à bloquer et qui précède celle potentiellement explosive des retraites, de quoi alimenter des mouvements spontanés comme celui des "Gilets jaunes".

"Les mouvements type 'Gilets jaunes' sont des évènements appelés à se reproduire, d'autant plus que les organisations syndicales paraîtront hors jeux", dit-il.

Un constat que partage Raymond Soubie. "En n'écoutant pas les syndicats, il n'y a plus rien entre le mouvement et le pouvoir", dit-il.

Reste à savoir si la réforme des retraites, qui doit être présentée courant juillet, donnera aux syndicats le terrain suffisant pour construire un rapport de force.

Stéphane Sirot n'y croit pas, la CFDT étant favorable à la mise en place d'un régime par points.

Pour Raymond Soubie, il est trop tôt pour se prononcer. "Je n'ai jamais pensé que la réforme de l'assurance chômage serait compliquée à mettre en place socialement", dit-il. "Mais la réforme des retraites touche tout le monde. Cela peut être très risqué."

(Caroline Pailliez, édité par Elizabeth Pineau)