Après le Grand débat, une nouvelle réforme territoriale

En deux mois, le président de la République et le gouvernement ont fait le tour des régions de France à la rencontre des maires. Maintenant que le Grand débat national est terminé, que va faire l’exécutif pour l’organisation des territoires, l’un des défis majeurs posés par la crise des "Gilets jaunes" ?
César Armand
Il faut pragmatiquement améliorer les choses, a déclaré le chef de l'État devant les maires de l'Eure, à Grand Bourgtheroulde, le 15 janvier.
"Il faut pragmatiquement améliorer les choses", a déclaré le chef de l'État devant les maires de l'Eure, à Grand Bourgtheroulde, le 15 janvier. (Crédits : Isa Harsin / SIPA)

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), voilà l'ennemie ! Devant les maires de l'Eure réunis à Grand Bourgtheroulde le 15 janvier dernier, le chef de l'État s'est dit « prêt à rouvrir le débat de la loi NOTRe » « Il ne faut pas tout détricoter, mais il faut pragmatiquement améliorer les choses ». La loi NOTRe, pour rappel, fait partie de l'acte III de la décentralisation votée sous François Hollande en 2015.

Il est vrai que certaines situations relèvent de Kafka depuis l'adoption de ce texte. Ainsi, la région est chargée du transport scolaire, compétence jusqu'alors des départements, mais elle peut la déléguer à ces derniers ou aux intercommunalités... En revanche, le transport des personnes handicapées reste l'apanage des conseils départementaux. Allez comprendre ! Au nom de « l'inclusion » des enfants handicapés, le président (UDI) de la Mayenne Olivier Richefou a eu l'intelligence de prendre le problème à l'endroit en déléguant cette compétence au conseil régional des Pays de la Loire.

"Il existe toujours un réflexe très français d'en appeler à Paris en cas de difficulté" (Gourault)

Ce texte est « parfois vécu comme un carcan dans la fixation des périmètres des intercommunalités ou le transfert de certaines compétences », renchérit Alain Chrétien, maire (Agir) de Vesoul. La loi NOTRe a en effet renforcé les intercommunalités en hissant leur seuil de 5.000 à 15.000 habitants. « Il faut plus de souplesse, ce qui nécessite de faire confiance aux élus locaux », insiste ce membre du comité des maires installé par Sébastien Lecornu pour lui servir de « boussole ». À mi-étape du Grand débat national, le ministre des Collectivités territoriales a d'ailleurs signé une tribune dans Le Monde plaidant pour ''une nouvelle philosophie'' fondée sur « lisibilité, démocratie, liberté et responsabilité : certes qui paie décide, mais qui décide assume ».

À cet égard, le 13 mars dernier, avec ses confrères Dominique Bussereau (ADF) et Hervé Morin (Régions de France), le président (LR) de l'association des maires de France (AMF) François Baroin a encore demandé « l'autonomie financière et fiscale des collectivités ». Pourtant, en novembre dernier à la veille du Congrès des maires, le président de la République lui avait asséné : « L'autonomie fiscale et financière, je n'y crois pas ! » Il n'empêche : François Baroin, lui, y croit encore et toujours : « Désormais, il faut que celui qui paie, décide, et celui qui décide, paie. »

« Il faut en finir avec l'idée que notre pays peut se payer le luxe de la décentralisation et de la déconcentration », a renchéri le patron des régions Hervé Morin.

Dans une interview à La Gazette des Communes le 11 mars dernierJacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales a tenuquant à elleà peu près le même langage que son collègue Sébastien Lecornu :

« Je suis partisane d'une décentralisation assumée, qui conjugue la liberté avec la responsabilité car il existe toujours un réflexe très français d'en appeler à Paris en cas de difficulté, y compris sur les compétences décentralisées depuis longtemps. »

À la suite de la prise de parole des trois associations, les deux ministres ont envoyé un communiqué pour les ''remercier'' d'avoir contribué au Grand débat national, leur promettant « une méthode de concertation adaptée (...) pour poursuivre ensemble ce travail »

Dans La Gazette, Jacqueline Gourault y défend aussi le droit à la différenciation « pour adapter les principes généraux de loi chaque fois que cela se justifie » mais ce dernier est déjà inscrit dans le projet de loi constitutionnel ajourné depuis l'éclatement de l'affaire Benalla en juillet dernier. En réalité, cette disposition permettrait de réaliser une réforme territoriale a minima sans se lancer dans une énième navette parlementaire qui risquerait d'être contre-productive pour les collectivités.

Répondre aux attentes de services publics de proximité plus efficaces

Avec ces deux prises de parole gouvernementales avant la conclusion définitive de la joute, faut-il en déduire que le gouvernement a déjà répondu aux deux principales questions contenues dans la lettre d'Emmanuel Macron, à savoir « Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoir de décision et d'action au plus près des citoyens ? » et « Comment l'Etat et les collectivités peuvent s'améliorer pour mieux répondre aux défis de nos territoires les plus en difficulté ? ».

Pas si sûr... La véritable alerte qui émerge des contributions est la question de l'accès aux services publics. En la matière, l'imagination au pouvoir est du côté de nos concitoyens. À L'Aiguillon (Vendée), un résident demande des ''services publics mobiles'' car « il faut penser à ceux qui ne peuvent se déplacer et qui actuellement n'y ont pas accès ». Idem à Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes) où l'on recommande des ''bus itinérants'' pour « aller au contact des usagers et une personne pour les guider ».

Déjà fin août, lors de The Village, un événement organisé par La Tribune sur la réciprocité entre collectivitésélus comme chefs d'entreprises jugeaient prioritaire de créer une plateforme participative, Mon-territoire.gouv.fr, co-construite par l'État et les communes pour identifier « un paquet minimal de services publics » et les financements correspondants.

Il faut de l'action publique certes, mais les services privés demeurent tout autant essentiels pour permettre à une collectivité de (sur)vivre. L'association des petites villes de France (APVF) ne cesse de demander un plan de revitalisation pour ses centres-villes sur le modèle "d'Action Cœur de ville'' qui concerne les villes moyennes. La ministre Gourault dit dans La Gazette avoir obtenu un ''feu vert'' du président de la République pour « avancer » sur une ''Action Cœur de bourg''. L'APVF demande en outre un ''fonds national de solidarité territoriale'', « alimenté à parité par les métropoles et par l'État ». À cet égard, les maires des grandes villes et présidents d'agglomérations, qui parlent toujours « d'alliance des territoires », seraient bien inspirés de donner des exemples concrets de coopérations s'ils veulent être moins accusés de tous les maux.

Macron parie sur le revenu de base universel

Si la désertification médicale qui concerne tant les métropoles que les zones rurales a été la grande absente de la lettre d'Emmanuel Macron, le sujet de la santé est régulièrement revenu sur la table.

Selon le baromètre des territoires 2019, réalisé pour l'association Villes de France qui représente les villes moyennes, 42% des sondés estiment que l'offre de soins s'est « détériorée » contre 17% qui estiment qu'elle s'est « améliorée ».

Et si dans ce domaine, la proposition d'un ''revenu de base universel'' (RBU), émise à Empurany (Ardèche), mettait tout le monde d'accord ? En contrepartie de cette allocation pour « se loger, se nourrir, se soigner et exister » qui pourrait remplacer des aides sociales, le bénéficiaire participerait à « des initiatives locales ».

Les emplois restent toutefois concentrés à 48% dans les 22 métropoles, d'après une étude RegionsJob/Paris Job. Or, selon un rapport de l'Institut Montaigne portant sur 10.010 Français, 55% d'entre eux subissent cette situation. 32% sont qualifiés de ''sur le fil'' c'est-à-dire « vivent une forte tension entre leur aspiration à la mobilité et une difficulté à s'affranchir de leur situation ». Pis encore, 25% sont définis comme des ''assignés'', coincés dans un lieu et dans un contexte économique difficile.

Lors du Grand débat avec les élus d'Île-de-France et les acteurs associatifs de l'Essonne sur les attentes des habitants des quartiers le 4 février, un participant a très bien résumé la situation :

« On ne doit pas mettre les gens face à des choix impossibles et parfois on vous met face à de telles obligations sans possibilité de vous en sortir, c'est terrible ! La méthode française, c'est de tout réglementer par la norme. Quand c'est ainsi, on provoque des répulsions. »

Son nom ? Emmanuel Macron.

César Armand
Commentaires 12
à écrit le 21/03/2019 à 15:33
Signaler
Le probleme français ce n'est pas le manque de decentralisation, on en fait depuis mitterand et même surement avant avant lui, c'est plutot l'exces de centralisme. On est quand même un pays où on est arrivé sous najat je crois a legiférer pour organi...

à écrit le 19/03/2019 à 17:42
Signaler
Après le grand débat, les grands dégâts. (personne ne l'a faite celle-là ?)

à écrit le 19/03/2019 à 15:49
Signaler
Le seul moyen de moderniser notre pays est de créer de vrais gouvernements régionaux par la fusion des conseils départementaux, régional, et des services de l'Etat dont les préfectures (comme les generalitat espagnoles ou les landers allemands). Il y...

le 19/03/2019 à 17:29
Signaler
Il faut à la fois faire ingérer les conseils départementaux par les conseils régionaux et redéfinir clairement le périmètre de l'Etat. L'état doit s'occuper du régalien strict (police d'investigation, justice, défense), de la régulation et du contrôl...

le 19/03/2019 à 20:25
Signaler
Je serai court, il vaut mieux fermer les GOPE-de-Bruxelles de Macron en faveur du 1 % que fermer nos services publics vertueux, ceux dont nous a vous besoin pour plus d' équité dans ce contexte de revendications des Gilets Jaunes.....

le 19/03/2019 à 20:30
Signaler
C'est clair qu'une région Aquitaine qui va des Pyrénées à quasiment les chateaux de la Loire ce n'est pas d'une grande cohérence économique ni encore moins historique

à écrit le 19/03/2019 à 13:50
Signaler
pour l èquipe qui n est plus en marche . toute supérioritè devient un exil pour eux

à écrit le 19/03/2019 à 13:24
Signaler
Le Président Emmanuel Macron se rendra au Maroc au cours du mois d'avril afin d'inaugurer, la nouvelle usine de PSA Peugeot-Citroën de Kénitra. Ce serait la deuxième visite officielle du chef de l'État français après celle effectuée en novembre 2018....

à écrit le 19/03/2019 à 11:17
Signaler
Bon, le débat est terminé. Le peuple français veut le RIC pour ne plus avoir à quémander à chaque fois que la majorité a une volonté commune. Macron a fini son monologue. Faudrait peut-être qu’il écoute la peuple et ses revendications démocratiques...

à écrit le 19/03/2019 à 11:10
Signaler
On se moque de qui? L'interprétation de son "débat" est de mieux diviser les français? Tout cela, parce que l'UE de Bruxelles l'impose! Il veut démolir la France au maximum avant son Frexit?

à écrit le 19/03/2019 à 10:34
Signaler
bref, il va de nouveau y avoir des fusions entre regions en faillite, et regions bien gerees, avec plein de perequations il faudra creer plein de structures de coordination pour tout ca, ca ne generera aucune economie, et plein de depnses inutiles.....

à écrit le 19/03/2019 à 9:27
Signaler
Après le grand enfumage, le grand partage.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.