« Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies. » Le 10 décembre dernier, au terme d'un exercice de contrition de 13 minutes chrono, Emmanuel Macron avait ainsi conclu son opération de reconquête de l'opinion, assortie d'une dizaine de milliards d'euros de cadeaux fiscaux, quelques jours après le choc du 1er décembre et du saccage de l'Arc de Triomphe. Et, en effet, depuis le début de la crise des "gilets jaunes", le cours normal des choses semble être suspendu au Grand débat qui s'achève ce lundi 18 mars. Des conférences citoyennes locales et nationales vont suivre, avant qu'Emmanuel Macron n'ouvre « le temps des propositions
et de l'action », qui se déploieront jusqu'à l'été, indique-t-on à l'Élysée. Histoire de faire patienter les Français jusqu'aux vacances... ou de les endormir ?
Il ne fait guère de doute que ce temps de décantation se fera sous la pression des "gilets jaunes" qui espèrent une mobilisation massive ce samedi 16 mars pour leur
"Acte 18" malgré la division des leaders autoproclamés de ce mouvement jaune-rouge-brun. Près de 11.000 réunions publiques, 1,4 million contributions en ligne et 16.000 cahiers citoyens déposés en mairie plus tard, quel bilan tirer ?
Plus personne ne fera de la politique comme avant
Premier constat, les contributeurs ont dit un "oui" massif à la quasi totalité des
35 questions posées par le chef de l'État. Comme quoi, elles étaient bien posées... "Oui" à la prise en compte du vote blanc, "oui" à la réforme de l'État, "oui" -plus
mitigé- à davantage de décentralisation...
En fait, le débat ne fait que commencer et, après cette crise, plus personne ne fera de la politique comme avant. Emmanuel Macron va devoir changer de méthode et impliquer les citoyens pour créer l'adhésion. Il va surtout lui falloir redonner corps au "en même temps" dont il a fait le marqueur de sa politique. Exemple : la réforme de l'ISF et la baisse de 5 euros des APL, la hausse de la taxe carbone et l'absence de mesures de redistribution. Sortir de la crise de confiance prendra du temps, tout autant que rétablir le pouvoir d'achat.
Le coup de gueule salutaire du président de Safran
Une chose est sûre, et c'est un peu la dimension oubliée de ce Grand débat, on ne peut redistribuer que ce que l'on produit. Car la réponse aux "gilets jaunes" ne sera pas seulement sociale ou démocratique mais économique, par la capacité de recréer des emplois bien payés partout en France. Par exemple en soutenant l'industrie dans les territoires perdus de la République.
À cet égard, il faut saluer le coup de gueule du président de Safran, Philippe Petitcolin,
qui, en dénonçant les difficultés notamment administratives qu'il rencontrait pour créer deux usines en France, a fait se bouger le ministère des Finances. Résultat, modeste et immense à la fois : des salariés de l'usine Ford Aquitaine en cours de fermeture vont être repris dans une nouvelle usine Safran en Gironde avec 200 emplois à la clé et une autre serait installée à Villeurbanne. En la matière, il n'y a pas de petite victoire, mais un seul grand combat.
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