Au Sommet du Grand Paris, les acteurs de l'immobilier pointent les incohérences

Procédures, délais administratifs, fiscalité, dialogue entre les instances... Dans le cadre du Sommet du Grand Paris, organisé ce jeudi par La Tribune, de nombreux acteurs du public et du privé ont fait état des freins qui grippent, selon eux, le marché de l’immobilier, désormais aspiré dans une logique de crise.
Acteurs du public et du privé ont échangé pour répondre aux grands enjeux en termes de logement et d'aménagement dans le territoire du Grand Paris.
Acteurs du public et du privé ont échangé pour répondre aux grands enjeux en termes de logement et d'aménagement dans le territoire du Grand Paris. (Crédits : Georges Vignal/La Tribune)

Inflation, hausse des taux d'intérêt, étiquette énergétique, lenteur administrative...  les difficultés sont facilement identifiables. Face à ces paramètres, le secteur de la construction est à la peine, freiné, voire stoppé. En préambule de la table ronde intitulé « Sauter les haies économiques du logement collectif », organisée ce jeudi dans le cadre du Sommet du Grand Paris, Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat, a ainsi rappelé que, sur un an, les mises en chantier de logements collectifs accusaient, fin juin, un retard de 200.000 logements. C'est le plus bas niveau depuis 2015.

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Afin de soutenir la filière, la filiale de la Caisse des dépôts a donc consenti à investir 3,5 milliards d'euros pour la production de 17.000 logements, dont 50% en Ile-de-France. Mais pour Anne-Sophie Grave, un autre frein à lever est du côté des lourdeurs administratives.

« Après les Jeux olympiques, nous allons gérer en locatif, dans le village des athlètes, 1.500 logements. Ce quartier a été fait en huit ans, d'habitude en France il faut 20 ans. Ce qui veut dire que quand on veut, on peut. Mais pour cela il faut un acte de simplification très fort, il faut raccourcir les procédures, les délais administratifs, ce dont on a bénéficié avec les JO » précise la présidente du directoire de CDC Habitat.

Analyse partagée par Eric Groven, directeur Immobilier des réseaux France de la Société Générale et président de Sogeprom, qui, au-delà d'appeler à une pause dans l'inflation réglementaire et normative, demande aussi à revoir en profondeur la fiscalité immobilière. « Une chose est de supprimer le dispositif Pinel, une autre est d'avancer vers le statut du bailleur privé. On ne peut pas faire une partie du chemin et ne pas faire le reste. Il faut juste de la volonté politique, » souligne Eric Groven, qui alerte sur le fait que de nombreux promoteurs arrêtent leurs programmes de logements neufs, faute de commercialisation.

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Mesure  « anti-ghetto » de la Région

Les promoteurs ne sont pas les seuls impactés par cette crise du logement tient à ajouter Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président chargé du Logement, de l'Aménagement durable du territoire et du SDRIF Environnemental de la Région Ile-de-France. « La non-production de logement, c'est une aggravation de la situation des familles les plus modestes et ce n'est pas acceptable », indique l'élu qui a réagi après la polémique sur la mesure « anti-ghetto », adoptée mi-juillet dans le cadre du plan d'aménagement régional. Cette mesure, dénoncée par l'opposition de gauche, vise à freiner la production de logements sociaux dans des communes qui en comptent déjà au moins 30%.

« Il faut éviter la création de zones qui deviennent petit à petit des zones à difficulté endémique. On a eu un exemple fin juin (émeutes après la mort du jeune Nahel, NDLR) de ce que donne la concentration des difficultés sociales. C'est la création de séparatisme. Nous souhaitons plus de logement social dans la région mais nous voulons arrêter un certain nombre d'abus qui, par démagogie politique ou parfois clientélisme, ont abouti à des situations dramatiques pour les gens qui vivent dans ces quartiers, » s'indigne Jean-Philippe Dugoin-Clément.

Pour Eric Cesari, vice-président de la Métropole du Grand Paris délégué à la Stratégie et aux partenariats institutionnels, la production de logement doit s'appuyer sur les choix et la volonté des maires. « On ne peut pas s'abstraire de leur volonté, sinon on va droit dans le mur », commente l'élu qui indique que l'objectif pour la métropole est de produire 35.000 logements quand l'Etat en demande 38.500 logements.

Maire bâtisseur mais pas « bétonneur »

Ecouter les élus de terrain, c'est bien ce que demande aussi Jacques-Alain Bénisti, maire de Villiers-sur-Marne, conseiller métropolitain chargé du suivi d'Inventons la Métropole du Grand Paris. L'édile a précisé le besoin de cohérence dans l'élaboration des projets. C'est ce qu'apporte selon lui le SCOT (schéma de cohérence territoriale) voté mi-juillet par les 131 maires de la métropole. L'élu a aussi mis en place une charte promoteur. « Je suis un maire bâtisseur mais pas bétonneur. On ne construit pas n'importe comment. Cette charte impose des contraintes aux promoteurs, constructeurs et cela change notre environnement. »

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Pour Clothilde Greff, présidente de la Chambre des Notaires des Hauts-de Seine, ces chartes ne doivent pas permettre de justifier un refus de permis de construire. « C'est une création des communes qui ne repose pas sur un texte réglementaire, c'est un peu un OVNI ». Pour autant, les constructeurs et promoteurs ne sont pas forcément hostiles à ces textes. Sophie Meynet, directrice générale immobilier résidentiel de GA Smart Building, précise que son entreprise est régulièrement associée à la production des chartes, qui sont, pour elle, « un vrai plus pour partager l'objectif ».

Si tous les intervenants s'accordent pour dire qu'acteurs publics et privés peuvent aménager de concert le Grand Paris, Katayoune Panahi, directrice de SNCF Immobilier, grand propriétaire public foncier, va plus loin. Afin de concilier les dimensions économiques, écologiques, sociales et sociétales et passer à vitesse supérieure, il faudrait, selon elle, intégrer dans le prix du foncier, la création de valeur environnementale et sociale. « Aujourd'hui, quand vous réalisez un espace vert sur du foncier, vous créez de la valeur environnementale et économique. Il faut donc repenser notre modèle économique de la Fabrique urbaine. » Un appel très clair aux pouvoirs publics.

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