Crise du logement : les promoteurs immobiliers rêvent d'un avantage fiscal, les maires d'une recette

Face à la crise du logement, les professionnels de l'immobilier neuf plaident, sous conditions, pour une exonération des droits de succession et le relèvement du plafond des donations. Les maires défendent, eux, une « recette pérenne », le ministre du Logement ayant ouvert une porte, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale. Toujours est-il que l'unanimité est de mise sur la décentralisation des politiques de l'habitat. Décryptage.
César Armand
Les professionnels comme les élus qui ont participé aux groupes de travail pendant six mois sont impatients et tiennent à le faire savoir.

A l'approche du 5 juin, la pression monte crescendo sur le gouvernement. Dans dix jours, le ministre de la Ville et du Logement, Olivier Klein, est en effet censé présenter les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié à l'habitat. Les professionnels comme les élus qui ont participé aux groupes de travail pendant six mois sont impatients et tiennent à le faire savoir.

D'autant que le président de la République lui-même a admis dans Challenges une « crise multifactorielle » promettant « un double choc » avant de dénoncer « un système de surdépenses publiques pour de l'inefficacité collective ». Suivi par le ministre des Comptes publics Gabriel Attal sur CNews qui a jugé qu' « on dépense beaucoup plus que nos voisins européens sans qu'on puisse dire que nos résultats soient particulièrement meilleurs ». Un double discours qui agace prodigieusement acteurs publics et privés.

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Vers une exonération des droits de succession...

Première illustration : les chiffres du logement neuf au premier trimestre 2023 sont particulièrement mauvais. Les ventes ont baissé de 34,3% comparé au premier trimestre 2022. Pis, les ventes aux investisseurs particuliers chutent, elles, de 52,3%. Ils ne représentent plus que 33% des acquéreurs, alors qu'ils « contribuent très largement au lancement des programmes en se positionnant plus tôt que les accédants » qui pèsent désormais 66%.

Pour « relancer la machine », le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) a trouvé la parade : relancer l'exonération temporaire des droits de succession en cas d'achat d'habitats neufs, une mesure déjà éprouvée par le gouvernement d'Edouard Balladur il y a... trente ans.

« Afin de réduire rapidement le stock des logements neufs invendus, a institué, sous certaines conditions, une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit ou à titre onéreux normalement dus lors de la première transmission d'immeubles neufs ou en état futur d'achèvement acquis par acte authentique signé entre le 1er juin 1993 et le 31 décembre 1994 », est-il écrit à l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 1993 du 22 juin de cette année-là.

« A l'époque, ça avait très bien marché. Aussitôt que vous vendez un logement, le gouvernement encaisse 20% de TVA », assure à La Tribune le patron de la FPI, qui en a déjà parlé au ministre des Comptes publics Gabriel Attal et au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu. Pascal Boulanger s'apprête à en discuter avec le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire.

... Et le relèvement du plafond des donations ?

Le promoteur ne s'arrête pas en si bon chemin. Il propose de renforcer les donations existantes. Aujourd'hui, tout parent peut donner à chacun de ses enfants aujourd'hui 100.000 euros. Demain, le porte-parole de la promotion immobilière espère que cette somme puisse monter à 150.000 euros.

« Tout ça ne coûte rien à Bercy, et c'est facile à comprendre et à expliquer », insiste-t-il.

Et d'ajouter : « Il faut trouver des solutions pour aider les maires qui n'ont plus d'intérêt à agir ». Cela tombe bien : juste après sa conférence de presse, c'était au tour des maires (AMF), des maires franciliens (AMIF), des maires de petites villes (APVF), des maires de grandes villes (France urbaine) et des présidents d'intercommunalité (Intercommunalités de France) de lancer un appel pour « aider les Français à accéder à un logement abordable ».

Les maires plaident pour une « recette pérenne  »

D'une même voix, ils se disent prêts à augmenter la construction de logements et plaident pour une réforme de la fiscalité foncière « afin de cesser la rétention des terrains constructibles ». Malgré les études du député Lagleize 2019, du Dijonnais Rebsamen en 2021, et sans doute en dépit des rapports du CNR Logement 2023 qui défendent l'encadrement des prix du foncier, cela ne semble pas à l'ordre du jour du gouvernement.

Les maires appellent aussi à conforter leurs délégations existantes comme les aides à la pierre, à pouvoir gérer « tout ou partie » des crédits Ma Prime Rénov', à vouloir réguler l'encadrement des loyers, les meublés touristiques, ou encore à élargir les compétences et responsabilités des collectivités déjà labellisées comme « autorités organisatrices de l'habitat ». Derrière ce statut d'AOH, créée par la dernière loi de décentralisation de 2022, il s'agit encore d'une « coquille vide », dénoncent unanimement les élus locaux.

D'aucuns comme le maire (UDI) de Mennecy (Essonne) et vice-président de la région Île-de-France chargé du Logement plaide pour l'instauration d'une « recette pérenne » liée à l'arrivée de nouveaux habitants, qualifiant la suppression de la taxe d'habitation décidée au début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron de « faute majeure ».

« Une aide aux maires bâtisseurs en ''one-shot'' n'a aucun intérêt », persiste et signe Jean-Philippe Dugoin-Clément.

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Le ministre a ouvert une porte

Auditionné par la commission des Finances de l'Assemblée nationale le 16 mai, le ministre de la Ville et du Logement a en effet ouvert la porte à « une aide qui viendrait alimenter le fonctionnement d'une collectivité locale qui s'engage à construire plus que son point mort ».

« Oui, je souhaite qu'on accompagne les maires qui souhaitent augmenter leur population et avoir une production équilibrée entre les différents types de logements. Qu'ils aient une capacité nécessairement plus importante pour accueillir des enfants, des équipements sportifs... Cela fait partie des propositions que l'on aura », a ajouté Olivier Klein, ex-édile (Divers gauche) de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

Plus généralement, les promoteurs immobiliers et les associations d'élus locaux attendent avec impatience l'« acte fort » de décentralisation de la compétence logement aux intercommunalités et aux communes en leur donnant les compétences et les moyens qui vont avec, tel qu'annoncé par le président-candidat Macron l'an dernier.

« L'idée consiste à donner les moyens financiers en délocalisant les aides et subventions au niveau de l'intercommunalité. Son dimensionnement fait qu'elle est plus à même que la commune de gérer les problèmes de plan local d'urbanisme, de mobilité, de localisation des logements, des infrastructures, des bureaux et des commerces » expliquait alors, à La Tribune, Xavier Lépine, référent « logement » du chef de l'Etat.

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Aujourd'hui, le maire détient le pouvoir de délivrer, ou non, un permis de construire, de même qu'il lui revient de définir et d'appliquer un plan local d'urbanisme (PLU), tout comme l'intercommunalité élabore et vote un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). En revanche, ni l'un ni l'autre ne possèdent les aides à la pierre, à la rénovation, à l'hébergement ou le droit au logement opposable (DALO). L'histoire ne dit pas non plus si demain le maire décidera encore de l'octroi ou non du permis de construire, ou si la décision se prendra au niveau de l'intercommunalité.

Unanimité pour la décentralisation des politiques du logement

Toujours est-il que les cinq plus grandes associations d'élus - l'assemblée des départements de France (ADF), l'association des maires de France (AMF), France urbaine (grandes villes et métropoles), Intercommunalités de France et Régions de France - ont été reçues, le 14 février, par les ministres Christophe Béchu (Transition écologique et Cohésion des territoires), Dominique Faure (Collectivités locales) et Olivier Klein (Ville et Logement).

À la sortie du rendez-vous, le gouvernement Borne avait communiqué sur sa « volonté de discuter sans tabou ni entraves » sur les trois thèmes du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement : « mieux loger », « construire mieux » et « rénover et bâtir durable ». Selon nos informations, trois groupes de travail avaient en effet été mis en place : l'un sur les aides à la rénovation, un deuxième sur le zonage et un troisième sur la construction.

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Toutes les parties prenantes avaient, en outre, convenu de se revoir mi-mai pour faire un point sur les propositions avancées dans l'intervalle tant par l'exécutif que par les édiles. Interrogée par La Tribune, la maire (PS) de Rennes et présidente de Rennes Métropole, Nathalie Appéré, qui avait participé au premier raout, a fait savoir qu'il n'y avait eu « aucune suite » et « aucune sollicitation ». « L'invitation n'est jamais arrivée jusqu'à moi », a confirmé Thierry Repentin, maire (PS) de Chambéry, référent Logement à l'AMF et président de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Sollicitées par La Tribune, les trois cabinets des ministres concernés n'ont pas (encore ?) répondu...

César Armand

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Commentaires 10
à écrit le 25/05/2023 à 19:10
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Et pourquoi pas des subventions ? Pleurnicher pour en avoir, c'est bien dans la culture des patrons français. Comme on les comprend : eux aussi, ils ont un pouvoir d'achat à défendre.

le 26/05/2023 à 6:27
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Et qui paye la différence au budget de l état ? Le privé français toujours les mêmes tares : aversion au risque en critiquant vertement l état et le secteur public mais les 1 er à chialer quand il tva 1 sujet pas de leçon morale à recevoir de ces pro...

le 26/05/2023 à 6:28
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Et qui paye la différence au budget de l état ? Le privé français toujours les mêmes tares : aversion au risque en critiquant vertement l état et le secteur public mais les 1 er à chialer quand il y a 1 sujet pas de leçon morale à recevoir de ces p...

le 26/05/2023 à 6:28
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Et qui paye la différence au budget de l état ? Le privé français toujours les mêmes tares : aversion au risque en critiquant vertement l état et le secteur public mais les 1 er à chialer quand il y a 1 sujet pas de leçon morale à recevoir de ces p...

à écrit le 25/05/2023 à 17:42
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Pour l'accession à la propriété des primos accédants dans du neuf aux normes écologiques: baisse de la TVA de 20 à 5,5% celà compenserai surtout la hausse des prix avec de nouvelles normes environnementales et des taux d'intérêts exorbitants entre 3,...

le 25/05/2023 à 18:50
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Ca ne ferait aucune différence, rappelez vous la baisse de la TVA pour les restaurateurs, est ce que l'addition avait baissée? Les promoteurs se sont bien gavés pendant des années de taux bas, et maintenant il faudrait que le gouvernement, donc les c...

le 26/05/2023 à 6:24
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Des tx exorbitants ? 0 0pour avoir bossé 15 ans en cédait immo Lol c était les taux des années 2005-2015… avant l’ argent facile et les taux à 0,5 .. juste un retour à la normalité.. après qu il y ait eu un opportunisme des promoteurs / acteur immo ...

le 26/05/2023 à 8:53
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@Pedro : absolument, les restaurateurs n'ont absolument pas joué le jeu, la mesure était aussi censée créer des emplois, mais la Cour des Comptes estimait qu'en plus d'être à faible valeur ajoutée, ces nouveaux emplois coûtaient à l'Etat environ 250....

le 26/05/2023 à 10:26
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Réponse à tous sur la réduction de TVA: ça n'a rien à voir avec les restaurateurs les promoteurs immobiliers ont intérêt à baiusser cette TVA pour créer de nouveaux programmes sinon ce sera comme entre 92 et 95 une grande faillite programmée du BTP ...

à écrit le 25/05/2023 à 17:28
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quand les prix montent les promoteurs se frottent les mains et quand les prix baissent, c est au contribuable d eponger les pertes et leur sauver la mise. Le secteur est deja ultra subventionné (PTZ, pinel, APL ...). Le liberalisme c est pas privatis...

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