Immobilier : le retour en grâce des grandes surfaces... grâce à la mixité urbaine

Après cinq ans de défiance vis-à-vis des acteurs économiques concernés, le gouvernement s'apprête à lancer un programme de transformation des zones commerciales. Des zones d'activité le plus souvent monofonctionnelles où les logements et les bureaux sont absents. Sauf que les opérateurs comme Unibail-Rodamco-Westfield, Klépierre et Frey n'ont pas attendu l'exécutif pour y fabriquer de la ville. Explications.
César Armand
Les leaders des centres commerciaux prennent également ce virage en France et en Europe en milieu urbain dense, contraints par la non-artificialisation des sols et la mixité des usages imposée par les élus locaux dans leur plan local d'urbanisme. (Photo d'illustration).

Les grandes surfaces reviennent sur le devant de la scène politique. Boudées par le gouvernement ces cinq dernières années, elles feront l'objet d'une matinée dédiée à Bercy le 11 septembre prochain. Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu ainsi que la ministre du Commerce Olivia Grégoire, lanceront en effet « le programme de transformation des zones commerciales ». Dans l'invitation envoyée à la presse, le gouvernement souligne qu'elles sont « au cœur du commerce d'aujourd'hui puisqu'elles concentrent les trois quarts des dépenses des Français dans les magasins ».

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Changement de ton

Un discours en complète rupture avec celui tenu ces six dernières années par l'exécutif d'Emmanuel Macron. Dès mars 2018, dans le projet de loi sur l'évolution du l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), les services du ministère de la Cohésion des territoires créent un outil pour permettre aux élus locaux et à l'Etat de réguler l'implantation des grandes surfaces. Tout préfet gère désormais les autorisations d'exploitation commerciale avec les communes et les intercommunalités concernées. C'est-à-dire qu'il peut suspendre pour une durée de trois ans l'implantation de tout équipement considéré comme nuisible aux centres-villes. En parallèle, le gouvernement, Action Logement (ex-1% Logement) et la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts) lancent le premier programme « Action Cœur de ville » doté de 5 milliards d'euros pour redynamiser 232 villes moyennes.

En novembre 2019, c'est Elisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique, qui annonce, depuis l'Elysée, l'abandon du projet de centres d'activités Europacity, considérant que « c'est un modèle qui a largement contribué à la crise du petit commerce ces dernières décennies, à la dévitalisation du cœur de nos villes et de nos bourgs, ainsi qu'à une dépendance toujours plus forte à la voiture ». Sept mois plus tard, le président Macron, en personne, enfonce le clou devant les 150 membres de la Convention citoyenne pour le Climat réunis dans les jardins de l'Elysée. Au lendemain du second tour des élections municipales marquées par la victoire des écologistes dans quelques grandes villes, le chef de l'Etat assène que les Français « ne veulent plus de nouvelles grandes surfaces en périphérie » mais « des commerces de centre-ville et d'échanges humains au plus proche ».

« Vous préconisez d'instaurer un moratoire sur les nouvelles zones commerciales en périphérie des villes, allons-y ! Allons-y, agissons ! », s'exclame alors Emmanuel Macron.

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Un fonds de 24 millions d'euros annoncé en février 2023

Une préconisation inscrite dans le projet de loi « Climat & Résilience », promulgué en août 2021, qui acte la division par deux de l'artificialisation des sols à horizon 2031, avant de viser l'objectif la zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050. Peu après, en décembre 2021, Bercy organise des Assises du Commerce, quatre ateliers réunissant 200 participants. Une restitution des débats est alors remise le 10 janvier 2022 aux ministres Le Maire (Economie, Finances et Relance), Borne (Travail, Emploi et Insertion) et Lemoyne (PME).

Sauf qu'élection présidentielle oblige, le Conseil national du commerce (CNC), principale demande des parties prenantes, ne voit le jour qu'en décembre 2022, piloté par Thierry Mandon, ancien secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat et à la Simplification de François Hollande. En parallèle, dès février 2023, le gouvernement annonce un fonds de requalification des zones commerciales de périphérie de 24 millions d'euros pour « financer des projets de transformation et de réhabilitation ».

Selon nos informations, c'est ce fonds au service des zones d'activité économique et des zones d'activité commerciale dont il sera question le 11 septembre prochain. Sollicités, ni le cabinet d'Olivia Grégoire, ministre du Commerce, ni Marie Cheval, présidente de la Fédération des Acteurs du Commerce dans les Territoires (FACT, ex-Centre national des centres commerciaux) n'ont répondu à La Tribune.

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Les professionnels n'attendent pas l'exécutif pour avancer...

Dans l'intervalle, les professionnels concernés avencent sur ce sujet. Dès décembre dernier, deux entités de la Caisse des Dépôts, la Banque des territoires et CDC Habitat, et la foncière commerciale Frey ont annoncé mettre sur la table 200 millions d'euros pour créer une société de portage qui se positionnerait, pour une durée de vingt ans, sur des zones commerciales vieillissantes dans les grandes agglomérations tendues en logements. La SAS « Repenser la ville » se rémunère avec les loyers des activités économiques encore en place puis en cédant les fonciers réaménagés. Ensuite, des promoteurs immobiliers prennent le relais, avant que des investisseurs acquièrent des logements ou des commerces.

A date, un projet est déjà dans les tuyaux, et précisément à Montigny-lès-Cormeilles (Val-d'Oise), dont une grande partie s'est construite dans les années 1970 autour de grandes barres et de tours d'immeubles et d'un gros Carrefour et sa galerie commerciale. Elu maire en 2009, Jean-Noël Carpentier pressent l'essoufflement de son boulevard commercial dès 2010 et lance une réflexion sur l'absence de centre-ville. Allié avec la SAS, il prévoit déjà 900 logements. « C'est un élu passionné et habité par le projet qui nous assure de son portage politique. Cela permet d'embarquer les enseignes et de leur assurer demain qu'elles fonctionneront encore mieux », déclare à La Tribune Antoine Frey, pdg du groupe éponyme.

Au tour de la table, il peut déjà compter sur le promoteur Nexity pour la production de logements. « L'idée est vraiment de créer un véritable morceau de ville comme un vecteur d'animation du territoire, avec des commerces, des logements, des services publics, une école, un centre médical, une maison des associations... D'un no-man's land, nous allons offrir aux habitants un nouveau quartier mixte, inclusif et durable », vante Antoine Frey.

... y compris en milieu urbain dense

Les leaders des centres commerciaux prennent également ce virage en France et en Europe en milieu urbain dense, contraints par la non-artificialisation des sols et la mixité des usages imposée par les élus locaux dans leur plan local d'urbanisme. Dans le quartier de Montparnasse à Paris, le numéro un mondial Unibail-Rodamco-Westfield (URW) a inauguré en octobre 2022 les Ateliers Gaîté.

Au menu : 62 logements sociaux, un espace de coworking, un « food court » de 3.500 m², un centre de santé, 65 enseignes, 15 restaurants, 3 bars, une bibliothèque municipale, une crèche de 40 berceaux et l'hôtel Pullmann rénové avec 900 chambres. 70% de la structure d'origine a été conservée, le tout pour 450 millions d'euros d'investissements, confie à La Tribune Dominique Hautbois, directeur général du retail France d'URW.

Son concurrent Klépierre, champion européen, témoigne de l'exemple d'Oslo, enclavée entre fjords et montagnes, prise en étau entre disponibilité restreinte de terrains et demande soutenue en habitations. Lorsqu'il a été question de construire un nouveau centre commercial, l'opérateur a travaillé, en partenariat avec la capitale norvégienne, à la révision du plan d'aménagement urbain.

Objectif : permettre l'édification de 200.000 mètres carrés, dont la moitié sera dévolue à l'habitat, en plus d'infrastructures publiques, d'écoles, de bureaux et de commerces en rez-de-chaussée. « Le plan définitif devrait être finalisé l'année prochaine, après quoi nous déciderons du mode d'exécution de l'opération », souligne Daniela Lauret, directrice développement du groupe français. Car le commerce, qu'il soit en périphérie des villes ou en leur cœur, rencontre les mêmes problématiques : la concurrence du e-commerce.

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 11/09/2023 à 9:59
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Si je resume, on prend acte que les grandes surfaces c est mort (amazon et co leur ont fait la peau) et on les transforme en bureau (quid du teletravail ?) et logement. pourquoi pas mais c est un changement net du business model

à écrit le 09/09/2023 à 9:09
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